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tempérée, les glumacées et les composées font ensemble à-peu-près un quart des phanérogames; les glumacées, les composées, les cruciferes et les légumineuses ensemble, près d'un tiers. If résulte de ces recherches, que les formes des êtres organisés se trouvent dans une dépendance mutuelle, et que l'unité de la nature est telle, que les formes se sont limitées, les unes par les autres, d'après des lois constantes et faciles à déterminer. Lorsqu'on connoît, sur un point quelconque du globe, le nombre d'espèces qu'offre une des grandes familles des glumacées, des composées, des crucifères ou des légumineuses, on peut évaluer avec beaucoup de probabilité, et le nombre total des plantes phanérogaines et le nombre des espèces composant les autres familles végétales..

M. de Humboldt trace les limites des neiges perpétuelles sur les montagnes les plus hautes des différentes zones, telles que le Caucase, les Pyrénées, les Alpes suisses et les montagnes de Laponie. En citant les plantes qui vivent à telle ou telle hauteur, il a remarqué que, sur la cime des hautes montagnes, abondent, sous la zone torride, les graminées, les composées, les caryophyllées; sous la zone tempérée, les composées, les caryophyllées et les crucifères; sous la zone glaciale, les caryophyllées, les éricinées, les renonculacées.

M. de Humboldt n'a pas oublié de constater la température moyenne de l'année entière, du mois le plus chaud et du mois le plus froid qu'exige la culture des plantes les plus utiles, telles que le cacao, l'indigo, le musa, la canne à sucre, le café, le coton, le dattier, le citronier, l'olivier, le châtaignier, la vigne, les céréales, en assignant les latitudes où elles peuvent croître. Je n'en citerai qu'un seul exemple, c'est celui de l'olivier. « On cultive, dit-il, cet arbre avec avantage sur >> notre continent, à la latitude de 36 à 44 degrés, par-tout où la cha» leur moyenne annuelle est de 19 à 14 degrés et demi; la température » moyenne du mois le plus froid, pas au-dessous des degrés et demi; » celle de l'été, pas au-dessous de 22 à 23 degrés. Dans le Nouveau» Monde, la chaleur, dans toutes les saisons de l'année, est tellement » distribuée, que dans les régions qui jouissent d'une chaleur moyenne » annuelle de 14 degrés et demi, celle du mois le plus froid est d'un » demi-degré ; celle de l'hiver entier, de 3 degrés, froid que l'olivier » ne peut supporter. En Europe, dans les plaines, jusqu'à la latitude de » 44 degrés et demi, les hivers sont assez chauds pour la conservation de » l'olivier ; à l'Amérique, à peine le sont-ils suffisamment à 34. Dans la » France méridionale, on cultive l'olivier, suivant M. de Candolle, jus» qu'à la hauteur de 200 toises. >>

Afin de donner une idée de la concision et de la manière d'écrire en

fatin de l'auteur, je rapporterai textuellement la description qu'il fait d'une région située en Amérique, à la hauteur de 1900 à 2460 toises. Saxosa, vix habitabilis regio, ob nimiam cœli intemperiem; ferè arboribus vacua, gramine raro et lichenibus vestita, quamque cadentes assiduè nives sæpe inviam efficiunt. Horridi mentes Andium, quorum excelsa cacumina, propter perpetuæ hyemis sævitiem, nemo peregrinantium calcavit; cælo ad maturanda frumentorum semina iniquo; terra sæpè frigore fissa.

-L'ouvrage que je viens de faire connoître n'est pas seulement le fruit d'un voyage entrepris par un homme rempli de connoissances, mais encore un ensemble de recherches, de comparaisons et de réflexions judicieuses. Il atteste que l'auteur, comme on en a déjà tant de preuves, a des lumières profondes, une sagacité rare et une manière de traiter les objets avec ce que j'appellerois la philosophie de la science. TESSIER.

TROISIÈME ARTICLE SUR LA PHILOSOPHIE MORALE de M. Dugald Stewart.

LE principe moral obligatoire établi, M. Stewart recherche quels sont les différens objets auxquels il s'applique. Il entre dans l'examen de nos devoirs particuliers; et d'abord il écarte les systèmes qui tirent tous les devoirs d'un devoir unique, soit l'amour propre, soit la bienveillance; il attribue ces différens systèmes à la manie de l'unité, et montre qu'en voulant ramener tous les devoirs à un seul, on est contraint d'en défigurer un grand nombre pour les soumettre au principe unique, et de détruire ceux qui résistent à ces transformations systématiques; mais il n'atteint pas le vrai principe du mal qui est et plus profond et plus funeste. La plupart des philosophes ayant rejeté ou négligé la notion absolue du devoir, et n'ayant pu voir par conséquent que tous les devoirs particuliers sont également obligatoires par leur rapport immédiat au devoir absolu, ont cherché à transporter l'obligation des uns aux autres, en en faisant une chaîne rattachée à un devoir spécial, qui engendre et qui soutient tous les autres. Mais les devoirs sont égaux, quoiqu'ils soient différens; ils ont la même autorité, puisqu'ils obligent immédiatement et par eux mêmes; et c'est l'abus de cette vérité qui avoit produit le principe stoïque que les fautes sont égales, parce que les devoirs sont égaux. En effet, toutes les fautes sont également des fautes, c'est-à-dire, des infractions à la foi absolue du devoir, contenue toute entière dans chaque devoir particulier: mais

toutes les fautes ne déméritent pas également, comme toutes les vertus ne sont pas également méritoires. La loi du devoir n'admet ni plus ni moins en présence de telle ou telle action; elle éclaire et elle oblige; elle ne s'occupe, ni des difficultés, ni des moyens, ni des suites; elle ne calcule point avec nous, elle nous commande; parce qu'elle n'a pas, à proprement parler, de rapport avec nous, mais avec l'action, dont elle nous manifeste le caractère obligatoire. Quand la loi est accomplie, le principe du mérite et du démérite intervient, qui apprécie les efforts et les sacrifices de l'agent moral, et lui distribue à proportion le blâme ou l'éloge ; de sorte que tous les devoirs, quoique également obligatoires en euxmêmes, n'ayant pas toujours imposé à la passion ou à l'amour propre les mêmes sacrifices, ont plus ou moins mérité ou démérité. La loi, qui oblige un homme riche à rendre à son ami malheureux les soins qu'il en reçut jadis, est la même que celle qui oblige le citoyen à se déchirer les entrailles quand la patrie a parlé, qui envoie Régulus mourir à Carthage, et qui expose le sein de d'Assas aux baïonnettes de l'ennemi. Ces devoirs sont égaux, puisqu'ils sont devoirs ; mais leur accomplissement n'est pas également méritoire.

Pour avoir méconnu le principe du mérite ou du démérite, le stoïcisme s'est ruiné lui-même, et cette haute morale n'a été qu'un système philosophique; quand elle eût pu devenir une des formes de l'humanité. Kant auroit dû méditer plus long-temps l'exemple de Zénon et les résultats de sa doctrine. Moins forte, mais plus prudente que le portique et le criticisme, l'école écossaise, en reconnoissant la loi du devoir, ne rejette point celle du mérite ou du démérite; peut-être trop peu absolue pour l'esprit humain, cette sage école se contente de prévenir les écarts systématiques et de repousser les fausses théories, sans atteindre toujours à leur véritable racine. Ici, comme ailleurs, M. Stewart, sans assigner l'origine philosophique des systèmes qui font dériver les devoirs d'un devoir unique, condamne ces tentatives ambitieuses et frivoles, et adopte la division ordinaire, qui classe les devoirs par rapport à leurs objets les plus importans; savoir: Dieu, les autres et nous-mêmes.

Avant d'examiner les devoirs de l'homme envers Dieu, M. Stewart établit d'abord l'existence de Dieu. C'est ici la théologie naturelle de l'école écossaise : elle fera le sujet de cet article.

Du milieu des preuves diverses employées pour établir l'existence de Dieu, M. Stewart, après Reid, dégage les deux argumens ou' principes sur lesquels elle repose; savoir, le principe de causalité et celui des causes finales. Une fois que ces principes sont établis et leur auto

rité absolue démontrée, la religion naturelle est hors de péril. Il s'agit donc d'établir solidement le principe de causalité et celui des causes finales.

Hume est le premier qui, en réduisant la notion de cause à l'idée de succession, ait détruit l'autorité du principe de causalité, et, par-là, ébranlé toutes les existences qui reposent sur ce principe. Hume emploie constamment une méthode fautive en elle-même, et dangereuse par ses conséquences. Au lieu de constater d'abord, en observateur sévère, quels sont les principes qui existent aujourd'hui dans l'intelligence humaine développée, de les distinguer et de les classer selon leurs caractères actuels, et de remonter ensuite à leur origine, seule marche qui soit rigoureuse et vraiment philosophique, le disciple de Locke commence par chercher l'origine de nos connoissances, avant de les avoir bien reconnues, s'exposant au risque de rencontrer une fausse origine, qui corrompe à leur source toutes les connoissances, et de perdre la réalité actuelle pour avoir voulu obtenir trop tôt ses caractères primitifs; car on peut ne pas trouver d'origine à un principe, et, par-là, être conduit à le rejeter; ou on obtient une fausse origine, qui ne rend pas la réalité actuelle, qui lui ajoute ou qui lui ôte; ou, enfin, lors même qu'on a obtenu le primitif véritable, on peut encore ne pas saisir ou mal saisir le procédé qui le développe et nous conduit aux connoissances actuelles. On peut se tromper, et sur le point de départ, et sur la route; et, dans ces deux cas, on ne peut arriver philosophiquement où nous nous trouvons aujourd'hui. Il est donc plus sage de reconnoître d'abord où nous en sommes, et de rechercher ensuite le point d'où l'esprit humain est parti, et la route qu'il a suivie. Si on se trompe dans ces diverses recherches, on manque la vérité primitive, mais du moins on conserve la vérité présente; et quand celle-là nous reste, on peut toujours regagner l'autre, tandis que la perte de la première nous enlève le point fixe et le centre de toute recherche. Locke, qui s'occupa d'abord de l'origine des connoissances humaines, leur ayant trouvé une fausse origine, une origine incomplète, ce qui étoit inévitable, puisqu'il n'avoit pas commencé par reconnoître toutes nos connoissances actuelles, refusa d'admettre celles qui ne dérivoient pas de son hypothèse, et rejeta tous les principes qui ne pouvoient être expliqués par l'origine générale qu'il avoit assignée à tous les principes; de là ses omissions étranges, ses assertions sceptiques, tristes fruits dé l'esprit de système, et ses contradictions fréquentes que son bon sens arrache à sa logique. Le système de Locke conduit logiquement au scepticisme; mais Locke étoit trop sage pour être conséquent. Deux hommes

d'une raison plus forte, c'est-à-dire, plus sévère, ont poussé le système de Locke à ses conséquences légitimes. Personne n'ignore aujourd'hui que c'est en partant des principes de Locke que Berkeley détruisit l'existence des corps, et ne conserva que des apparences extérieures. Hume acheva ce qu'avoit commencé Berkeley, et, toujours conséquent aux principes de Locke, ne reculant devant aucun résultat avoué par la logique, il aboutit au scepticisme universel. De toutes ses dissertations. sceptiques, la plus conséquente et la plus forte est celle dans laquelle il attaque le principe de la causalité. Il ne s'occupe point de savoir si ce principe est ou n'est pas dans l'intelligence humaine, et quels y sont ses caractères actuels ; il recherche d'abord son origine.

Comme toutes nos idées dérivent de la réflexion ou de la sensation, selon la théorie de Locke, adoptée par Hume, l'idée de cause doit dériver de l'une ou de l'autre de ces deux sources, ou c'est une chimère.

Or, on ne peut montrer mieux que Hume ne l'a fait, que l'idée de cause ne peut venir de la sensation, qui nous manifeste des conjonctions. accidentelles, et non pas des connexions réelles : reste donc la réflexion. Mais sur quoi s'exerce la réflexion! Sur des sensations. Or les sensations ne contiennent pas l'idée de cause; la réflexion ne peut donc l'y découvrir. L'idée de cause se réduit donc à celle de succession; et les mots de pouvoir, d'efficacité, de causalité, de connexion, sont des mots vides de sens. M. Stewart n'a besoin que du plus simple bon sens pour rétablir l'autorité de ces notions, en dépit de la théorie de Locke, à laquelle il vaut encore mieux renoncer que de révoquer en doute ou de traiter d'extravagance les conceptions de l'esprit humain. La question, dit M. Stewart, est de savoir s'il est certain que nous attachons au mot pouvoir une idée différente de celle de simple succession: or, si l'idée de cause est celle de succession, il seroit aussi absurde de supposer désunis deux événemens jusqu'alors conjoints, que de supposer qu'un changement arrive sans cause; cependant la première supposition se fait tous les jours, et le bon sens prononce que la seconde est impossible.

L'école d'Edimbourg a rendu à la philosophie des services inappréciables, en donnant à ses méthodes l'exactitude et la rigueur de la méthode des sciences naturelles ; mais elle s'est renf erée trop scrnpuleusement dans les limites de ses prudentes observations: de peur de s'égarer, elle s'est arrêtée devant la question de l'origine de nos connoissances. Cependant l'esprit humain ne peut se reposer dans la tranquille contemplation de ses connoissances actuelles ; il veut savoir ce qu'elles furent à leur origine: tant que ce besoin n'est pas satisfait, il lui reste une inquiétude vague, qui trouble la sécurité de sa convic

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