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de prendre une mesure commune pour tous les intervalles, quelle qu'en fût la direction. Or, quel est le moyen approximatif qui s'est présenté le premier! c'est l'un des deux astres, le soleil ou la lune, qui occupent chacun, dans le ciel, un espace facilement appréciable et susceptible de servir de module. On a dit d'abord, par une évaluation grossière: Tel astre est à tant de lunes ou de soleils de tel autre. C'est sans doute par suite de cet usage, qu'Aristylle, Timocharis (1) et l'astronome Denys (2) comptoient encore les intervalles des étoiles par lunes et parties de lune. La science, en se perfectionnant, a procuré les moyens de mesurer avec un peu plus d'exactitude le diamètre de l'un et de l'autre une fois arrivé à une approximation suffisante qui donnoit un nombre commode, on s'y est arrêté. Il est donc encore ici remarquable que le résultat immédiat du passage d'Achilles Tatius, en nous montrant que la sphère des Chaldéens étoit dressée sur les pôles de l'équateur, nous montre aussi, dans la manière dont ils divisèrent la sphère céleste, une de ces méthodes simples qu'ont dû suivre les premiers observateurs, et dont les vestiges subsistent presque toujours à travers les perfectionnemens successifs introduits dans les sciences.

Si la division de l'équateur et du jour n'eût été estimée qu'en diamètres du soleil, elle eût été trop grossière: aussi les Chaldéens partageoient-ils ce diamètre en parties plus petites. On voit, en effet, qu'ils se servoient de doigts pour exprimer les petites distances angulaires des astres (3); et Cassini a remarqué déjà que ce doigt équivaloit à de degré, ou à 2′ 30′′ (4). Comme le diamètre du soleil étoit, selon eux, d'un demi-degré, il contenoit 12 de ces doigts : et voilà sans doute l'origine de la division en 12 doigts dont nous nous servons, d'après eux (5), pour le soleil et la lune. En multipliant donc 720 par 12, on a, pour la quantité de doigts contenus dans la circonférence entière, le nombre 8640, qui, divisé par 24, donne 360 doigts pour une heure: ainsi le doigt étoit un intervalle de 2' 30" en degrés, et de 10" en temps.

Le doigt se subdivisoit encore: on en a la preuve dans un usage qui s'est conservé fort tard en Orient.

Un Juif anonyme d'Orient, dans un petit traité De Eris, sive de intervallis regnorum, publié à Nuremberg par Jacob Heller, en 1549,

(1) Bailly, Hist. de l'astron. moderne, Éclairc. liv. 1, §. 3.

(2) Dionys. ap. Ptolem. in Almag. 1x, 7, t. II, p. 168 et 169, ed. Halma. · (3) Ptolem. Almag. x1, 7, t. II, p. 288.

(4) Cassini, Élémens d'astronomie, IV, 9, p. 398.

(5) Ptolem. Almag. IV, 5, p. 245; 8, p. 267.

divise l'heure en 1080 parties (1). Selon Scaliger, cette division est commune aux Perses, aux Juifs, aux Samaritains et à d'autres nations de l'Orient (2). Bailly, qui en fait la remarque, ne sait comment l'expliquer ; après plusieurs tentatives, il finit par la regarder tout-à-fait comme arbitraire, et par dire : « Puisque nous n'avons point trouvé de rapproche» mens pour nous éclairer sur cette singularité, nous nous contenterons » de l'avoir remarquée (3).

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Or, il est évident que cette subdivision n'est autre chose que le tiers du doigt solaire, le 36. du diamètre, et conséquemment la 1080. partie de l'heure; elle vaut 3" 20" de temps, et 50" ou un peu moins de 1' de degré. J'observerai, à ce sujet, que G. Beveridge, savant orientaliste anglois, qui en parle, l'appelle scrupulum Chaldaicum, et ajoute: Scrupulum hoc Chaldaicum idcircò nominatur quòd à Chaldæis institutum fuit, ab aliis autem Orientalibus usurpatum (4). Or, bien certainement il n'a eu aucune idée des faits auxquels je viens de rattacher cette division: ainsi, tandis que ce sont les ouvrages des Orientaux qui l'ont conduit à en attribuer aux Chaldéens l'invention, c'est par l'examen du texte d'Achilles Tatius que je suis entraîné vers la même conséquence.

DIVISION de l'Équateur et du Jour chez les Chaldéens, d'après Achilles Tatius.

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N. B. Les astérisques indiquent les nombres donnés ; les autres en sont déduits.
La division de l'équateur et du jour se faisoit donc, chez les Chaldéens,

(1) Et est sciendum quòd minutum unum est millesima octuagesimaque pars unius hora, quæ est vigesima quarta dici pars.

(2) Scaliger de Emendat. temp. p. 5 et 6.

(3) Bailly, Hist. de l'astronomie moderne, Eclairc. liv. 1, §. 36.

(4) G. Beveridge, Institutiones chronologica, I, v111, p. 8.

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par 24., 720., 8640. et 25920. Il est vraisemblable qu'entre le
24. et le 720. il y avoit quelque mesure intermédiaire. Nous pouvons
conclure, en effet, de l'Almageste, que les Chaldéens comptoient aussi
par coudées (1), qu'Hipparque paroît avoir quelquefois employées d'après
eux (2): elles répondoient chacune à 4 diamètres ou à 2 degrés (3);
conséquemment elles étoient contenues 180 fois dans la circonférence.
Il résulte des recherches précédentes, que la division du cercle en
360 parties peut tenir à une cause qu'on n'a point encore soupçonnée.
Cette division a pour base, selon les uns, le nombre de jours contenus
dans l'année solaire (4), non compris les épagomènes; selon d'autres,
un terme moyen entre la durée de l'année solaire et celle de l'année
lunaire (5), ou bien la propriété même du nombre duodécimal, qui a dû
être choisi de préférence, à cause de la facilité qu'il offre au calcul (6).
Tous s'accordent en un point, c'est qu'une division du cercle a été ame-
née par la nécessité de déterminer avec exactitude les distances angulaires
des astres. Il est clair qu'on la doit à l'astronomie.

Or, j'ai fait voir que les Chaldéens non-seulement avoient cru le
diamètre du soleil la 720. partie du cercle, mais s'étoient servis de ce
diamètre pour diviser la sphère : n'est-il pas alors naturel de penser qu'un
degré n'est autre chose que le double diamètre ou le diaule [double stade]
astronomique? car de dire qu'on a d'abord imaginé la division en 720
parties, et qu'ensuite le diamètre du soleil s'est trouvé contenu juste
720 fois dans le cercle, c'est faire inutilement une supposition peu
probable, quand il est si simple d'admettre, au contraire, que la division
est postérieure à l'observation, et a été amenée par elle.

Ici on peut me faire une objection : s'il est vrai, diroit-on, que le dia-
mètre du soleil soit le module primitif de la division du cercle, pourquoi
cette division a-t-elle été composée de 360, et non de 720 parties! Je
répondrai à cette objection en présentant sur la division du cercle
quelques aperçus qui me paroissent avoir échappé aux historiens des
mathématiques et de l'astronomie.

Je commencerai par observer que la méthode de partager le cercle
en 360 parties n'est point aussi ancienne parmi les Grecs et n'a jamais
été aussi générale qu'on paroît disposé à le croire.

(1) Ptolem. Almag. 1x, p. 170, 171.-(2) Strab. II, p. 128, A, B, et 197, D.
(3) Montignot, Etat du ciel, p. 6; Gossellin, Recherch. sur la géogr. systém.
t. 1, p. 27. (4) Achill. Tatius, Isagog. §. 26.

(5) Riccioli, Almag. nov. p. 6, col. 1.

(6) Bailly, Hist. de l'astr. anc. liv. III, §.9.

On n'en trouve aucun vestige dans les auteurs antérieurs à Autolycus et à Aristote. Ces deux auteurs eux-mêmes n'en disent jamais un mot; on n'estimoit alors les angles que par le rapport de l'arc intercepté entre leurs côtés avec la circonférence. C'est ainsi qu'Eudemus, disciple d'Aristote, dans un fragment de son Histoire de l'astronomie, cité par An aus, dit que la distance du tropique à l'équateur est égale au côté d'un polygone à quinze faces; ce qu'Anatolius explique par 24 degrés (1).

Il en est de même d'Aristarque de Samos; cet astronome, selon Archimède, disoit que le diamètre du soleil est compris 720 fois dans le cercle décrit par cet astre: ailleurs il dit que la lune soustend la 15.* partie d'un signe (2); et dans tout le cours de son Traité des grandeurs du soleil et de la lune, il ne suit pas d'autre méthode (3).

La même observation s'applique à Archimède, qui ne fait nulle part mention de la division en 360 parties, quoique, dans le Traité sur la mesure du cercle, et dans l'Arénaire, il y ait vingt endroits où il n'auroit pas manqué d'en dire un mot, si elle avoit été en usage. Par-tout c'est le côté du polygone inscrit qui lui sert à déterminer la mesure des angles.

Dans tout ce qui nous est resté d'Eratosthènes, on ne trouve aucune trace de cette division. Sa détermination de la double obliquité (s'il est vrai qu'elle soit de lui, ce que je ne crois pas) n'est estimée que par une fraction de cercle () (4). Quant à la distribution qu'il a faite des stades pour fixer les latitudes et longitudes géographiques, elle n'a rien de commun avec une division quelconque du cercle (5). II comptoit 252,000 stades pour la circonférence de la terre; mais nulle part on ne voit qu'il ait mis 700 stades dans un degré.

Il semble que ce soit entre Eratosthènes et Hipparque que cette division a commencé à s'introduire. Hipparque l'emploie dans le Commentaire sur Aratus, qu'on lui attribue, et dans tout ce que Ptolémée nous a conservé de ce grand observateur. II adopte la mesure de 252,000 stades, et compte 700 stades pour un degré, nous dit Strabon (6); c'est, sans doute, en se servant de la division en 360 parties, qu'il avoit exprimé la diminution de l'intervalle

(1) Anatol. Fragment. ap. Fabric. in Bibl. græc. t. III, p. 462, ed. Harles. (2) Arist. Sam, de Magnitud. solis et luna, prop. 5, p. 22 de l'éd. de M. le comte de Fortia. (3) 1d. Propos. 5, 8, 12, 13, p. 25, 35, 48, 52, 56, c. (4) Ptolem. Alingg. 1, 11, p. 49.

(5) Gossellin, Géogr. des Gre.s analysée, p. 7-19. — (6) Strab. 11, p. 194, D, Bbbbb

des méridiens sur la carte qu'il soumit à la projection stéréographique (1).

C'est ainsi que l'histoire de la science concourt avec le raisonne ment à montrer que l'astronomie seule rend indispensable l'établissement d'une division constante du cercle; et que la géométrie peut être trèsperfectionnée, sans qu'on éprouve le besoin de cette division d'où résulteroit une nouvelle preuve que les Grecs, avant Hipparque, avoient fait très-peu d'observations (2).

Quoique la division en 360 degrés ait dû se répandre rapidement, il est prouvé par des faits postérieurs qu'elle fut toujours de peu d'usage. Posidonius, un siècle après, exprimoit encore les arcs à la manière d'Aristarque: il estime l'arc intercepté entre Rhodes et Alexandrie en parties de la circonférence, et non pas en degrés (3). Strabon fait mention de deux manières de partager le cercle: l'une en 60 parties (4), dont parlent Géminus (5) et Achilles Tatius (6); l'autre en 360 parties. A propos de cette dernière, il dit: « Si l'on vouloit » diviser le cercle en 360 parties, le degré contiendroit 700 stades (7) »; ce qui n'annonce nullement une division généralement adoptée.

Ptolémée partage le cercle, comme il l'annonce, en 360 parties (8); mais ce qui démontre que l'usage de cette division n'étoit pas commun, c'est qu'il s'exprime presque toujours ainsi : Tel angle est de tant de parties de celles dont 360 sont contenues dans la circonférence. Les expressions de son commentateur Théon sont même dans un endroit remarquables: « Ptolémée, dit-il, suppose le cercle divisé en 360 sections, qu'il

(1) Gosselin, Recherches sur la géogr. systém. t. 1, p. 5 et 48.

(2) On pourroit objecter qu'Aristylle et Timocharis, cinquante ans avant Eratosthènes, ont employé la graduation en 360 parties, du moins si l'on en juge d'après la position de quelques étoiles fixes qu'Hipparque compare à celle qu'elles avoient de son temps. Je répondrai qu'Hipparque, qui nous a transmis ces observations, a pu fort bien les réduire à sa graduation pour en rendre la comparaison avec les siennes plus facile et plus claire. Qu'Aristylle et Timocharis aient employé une division quelconque du cercle pour indiquer la place de ces étoiles, cela est certain. Mais quelle étoit cette division! On l'ignore. Dans tous les cas, on voit que leurs indications manquoient de précision et de certitude (καὶ ταύταις ἔτε ἀδιάκτοις ἔτ ̓ ἐπεξειργασμέναις. Ptolem. V11, 1, t. 11, p. 2), et même qu'elles étoient grossières (navu onges eixnμμévas, p. 15). (3) Posidon. ap. Cleomed. 1, 10, p. 51.-(4) Strab. II, p. 174, A. (5) Gemin. ad Arat. §. 30. (6) Achill. Tat. in Arat. §. 26, 29, 30, (7) Strab. 11, p. 194, C. Εἰ δή τις εἰς τριακόσια εξήκοντα τμήματα τέμοι τὸν μέγιστον κύκλον, ἔται έπλακοσίων σαδίων έκαςον τμημάτων.

(8) Ptolem. Almag. 1, 9, p. 26, t. 1.

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