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lois innombrables, spécialement par une volonté nationale très-prononcée, par la nécessité de la paix et du salut public.

196. L'article 10 n'a besoin d'aucun commentaire.

Le 66 place véritablement la Charte de Louis XVIII au rang des lois les plus dignes d'éloges.

Les confiscations sont de droit universel dans tous les états gouvernés par la tyrannie ou par le despotisme.

Elles furent, dans Rome, identifiées avec les affreuses proscriptions des triumvirats. Les empereurs, héritiers des triumvirs, confisquèrent et proscrivirent à volonté, et c'était suivant la loi : car la volonté du prince ou de son ministre était la loi. Les confiscations nous étaient venues, en France, avec les proscriptions et les persécutions religieuses, du droit impérial romain, fondé sur le despotisme public et sur l'esclavage privé. De cette source impure dériva, au seizième siècle, le prétendu axiome français: Si veut le roi, si veut la loi. L'anarchie féodale et les ordonnances contre les hérétiques, donnèrent à la peine de confiscation des extensions énormes, rejetées néanmoins, en partic, dans un grand nombre de coutumes locales. C'étaient donc les rois et les seigneurs qui confisquaient et qui disposaient des confiscations depuis dix ou douze siècles. Personne alors, excepté saint Bernard (ép. 39), ne s'avisait d'en faire la censure, ni de leur donner un mauvais nom. Voyez no 198.

Mais, en 1793 et dans les années suivantes, les familles françaises, qui avaient si long-tems et si soigneusement profité des confiscations, en ont été victimes. Une loi décrétée le 21 janvier 1790, avait supprimé la confiscation, sans aucun effet rétroactif. Déjà, depuis quatre siècles, l'ancienne république de Bologne avait donné au monde ce bel exemple. L'assemblée législative et la convention rétablirent la confiscation contre les émigrés. Ce fut une mesure de guerre; et Napoléon conserva cette mesure, la mit en loi permanente, et l'étendit à des cas spéciaux et nombreux dans notre Code Criminel. Un article de la constitution du sénat la déclarait abolie sans restriction; et la Charte de Louis XVIII a répété cet article salutaire, qui doit subsister à jamais, parce qu'il tarit une source effroyable de corruption, de délations, d'injustices, de crimes. C'est ainsi que l'assemblée constituante, et le sénat français, et notre sage monarque, ont jugé, ont condamné, mais sans effet rétroactif, une institution la plus abusive des empereurs, des rois et des seigneurs féodaux.

Cependant les tribunaux français continuent de confisquer les biens meubles, qui ont été instrument ou moyen d'une contravention de police municipale ou d'un délit de justice correctionnelle. Ils prétendent que la confiscation générale de tous biens est seule abolie, et distinguent où la Charte ne distingue pas. Ils prononcent la confiscation spéciale par une interprétation restrictive, qui

blesse le principe, puisqu'elle a pour objet d'aggraver les peines, et des peines déjà plus que suffisantes.

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197. L'amende ordinaire et modérée, les dommages et intérêts, la prison avec les dépens, faut-i) donc quelque chose de plus pour un délit, pour une contravention de police? L'amende portée à vingt mille francs', ou à telle autre somme qui absorbe plusieurs fois toute la fortune des condamnés, est tout-à-fait contraire à l'esprit de la Charte ; elle mérite l'attention, la censure des législateurs, par l'injustice réelle et par ses funestes conséquences..

e. Ils ne doivent souffrir que des peines strictement et évidemment nécessaires. (Déclaration des droits de 1791.)

198. Les confiscations et les grosses amendes, dans les petites causes criminelles ou de simple police, furent jadis établies comme revenus des juridictions seigneuriales, lorsqu'elles tournaient au profit du seigneur-rói ou du seigneur son vassal, et lorsque le vilain et le pauvre allaient seuls en prison pour de petits manquemens.

Il y a telle confiscation spéciale qui égale ou dépasse toute la fortune du délinquant, qui le prive de son gague-pain, d'effets qui' autrement seraient insaisissables, de son navire de son navire, de sa charrette, de

1 Loi du 9 novembre 1815. Voy. aussi le Code Pénal, art. 418. 2 Article 66.

3 Loi du 15 avril 1818, concernant la traite des noirs.

sa charrue, de ses boeufs, de son cheval, de son âne, qui met enfin plusieurs familles à la mendicité, pour un fait souvent d'inattention ou d'ignorance, et qui peut n'être pas même une faute morale. Qu'arrive-t-il? Les enfans du condamné surchargent les hôpitaux ; ils se font, avec leurs pères et mères, vagabonds, voleurs, assassins; ils sont jetés dans ces dépôts où l'on respire, avec un air empoisonné, le vice et le crime, où les races mendiantes se perpétuent et coûtent à la patrie deux fois autant qu'un soldat '. La mendicité, réprimée ou non réprimée, nous corrompt, nous met en péril, nous ronge et nous consume. Gardons-nous donc et des mauvaises lois, et des jurisprudences encore pires, qui multiplient les vagabonds et les mendians.

Si la loi n'est pas claire, les juges, tenus de prononcer, ne doivent pas aisément abandonner le texte, sous prétexte de s'élever à l'esprit. Jamais ils ne doivent le faire, pour aggraver des peines, et surtout pour ajouter à celles de la prison déjà si pernicieuses à l'état, aux particuliers, à la morale publique.

199. Quant à l'article 70 sur la garantie de la dette publique, tralatitium jus est, comme on disait à Rome, des articles qui se répétaient dans chaque édit annuel du magistrat. C'est une dispo

1 Quatre-vingt-sept centimes par détenu dans le département de la Seine, en 1818..

sition traditionnelle aussi juste qu'utile, et que, malheureusement, on n'a pas toujours assez respectée. Les déviations, sur ce sujet, sont plus rares depuis quatre ans. Avec plus de justice envers les créanciers de l'état, nous avons vu renaître le crédit public malgré l'énormité des impôts. Ce crédit est un auxiliaire dangereux, onéreux, mais dont nous aurons long-tems besoin. Il ne peut se maintenir qu'autant que les députés se montreront sévères contre les trop hauts traitemens, les places inutiles, les dépenses, abusives, les pensions excessives ou imméritées, et les emprunts qui ne seraient pas absolument nécessaires ou habilement, équitablement dirigés.

CHAPITRE IX.

Égalité devant la loi. (Articles 1, 71 et 72 de la Charte.)

200. « Les Français sont égaux devant la loi, quels que soient d'ailleurs leurs titres et leurs rangs » (art. 1o).

Il ne faut pas se faire d'illusion sur la nature de l'égalité sociale ou de l'égalité devant la loi. La raison et la Charte n'établissent rien moins que l'égalité réelle des droits naturels, civils, politiques. Mais la Charte et les lois s'efforcent en général de remédier aux abus des inégalités nécessaires : ces

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