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La Charte ne serait plus une constitution, mais une loi ordinaire ou secondaire, si le roi, si les chambres en pouvaient auéantir ou modifier les dispositions.

239. La Charte sépare et unit les deux grands pouvoirs : elle les sépare, puisqu'elle établit trois branches du pouvoir législatif, le roi, la chambre des pairs et la chambre des députés, et qu'elle réserve au roi le pouvoir exécutif (art. 13 et 15); mais elle les unit en autorisant les chambres à surveiller ce pouvoir, à l'accuser, à le juger dans les personnes des ministres (art. 54, 55 et 56); elle les unit encore, en ce que le roi, qui a déjà une branche du pouvoir législatif, le roi qui sanctionne ou promulgue les lois, est seul chargé de procurer, par ses ministres, leur entière exécution; elle les unit enfin par les prérogatives royales indépendantes des chambres et des ministres, prérogatives qui font du roi le chef suprême de l'état (art. 14), et du pouvoir royal un pouvoir tutélaire, moderateur, qui, planant sur toutes les autres autorites nationales, doit les diriger et les modérer par les moyens constitutionnels qui lui sont propres (art. 53, 54, 55 et 56).

240. La Charte, pour plus grande sûreté et stabilité des droits nationaux et des droits individuels, a pris soin de séparer encore chaque pouvoir en plusieurs branches, et d'unir ces branches entre elles par des liens communs.

Ainsi, le pouvoir législatif est divisé dans les

trois branches déjà indiquées : ces trois branches sont distinctes et ne sont point homogènes.

Le roi est héréditaire; il est d'ailleurs la principale branche de notre gouvernement, et supérieur à toutes, par les prérogatives singulières du pou voir royal; la chambre des pairs est héréditaire aussi, et partie essentielle du pouvoir législatif (art. 24); son grand intérêt est la conservation de tout l'ordre constitutionnel; l'autre chambre est élective, et, par-là même, le plus naturel organe de l'opinion publique. Ces trois élémens du même pouvoir sont unis par une loi d'action qui exige unité de volonté entre eux, et par l'influence que donnent au roi ses prérogatives royales; enfin, d'autre part, le pouvoir exécutif, pris au sens le plus général, est divisé, de fait, entre le roi, qui nomme et révoque ses ministres, et les ministres eux-mêmes, qui, étant responsables, pour que le roi soit inviolable et le despotisme presque impossible, constituent, entre eux seuls, sous ce rapport de responsabilité, le pouvoir exécutif spécial, à certains égards, distingué très-réellement du pouvoir royal. Les chambres surveillent le pouvoir exécutif en instruisant, en prononçant sur les pétitions de leur compétence, en poursuivant et jugeant les ministres prévenus de concussion ou de trahison.

Le pouvoir exécutif spécial, celui des ministres, est encore distingué très-réellement du pouvoir judiciaire, par l'indépendance de ce pouvoir même, autrement, par l'inamovibilité des juges. Il devrait

l'être encore par une sage organisation du pouvoir municipal, qui rendrait aux départemens, aux cantons, aux communes, le choix de leurs administrés, et aux administrateurs locaux, élus ou présentés par les administrés, le réglement des intérêts locaux qui n'aurait jamais dû leur être enlevé; enfin, ce pouvoir spécial, ministériel, est uni encore par l'action royale qui le nomme et le destitue, par la formation des ministres en conseil-d'état, sous un d'eux qui les préside, et par la surveillance des deux chambres.

241. Le roi est au sommet des grands pouvoirs; il est la pointe de la pyramide sociale, le grand chef supérieur, et l'unique, sous bien des rapports. Ainsi, la France est une monarchie; le roi et les chambres sont soumis à la Charte et aux autres lois. Cette monarchie est donc tempérée, et le gouvernement est républicain ', c'est-à-dire constitutionnel et représentatif, établi pour le bien de tous et non pour un seul.

Des deux chambres qui, avec le roi, et sous le pouvoir supérieur et modérateur du roi, font la loi, l'une est héréditaire, l'autre est élective: toutes deux, conséquemment, sont aristocratiques; l'une, de l'aristocratie qui tient au passé, qui a principalement l'esprit conservateur; et l'autre, de cette aristocratie qui, renouvelée tous les cinq ans, est le plus vrai, le plus naturel organe de l'opinion

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Voyez l'Essai sur la Charte, liv. I, chap. 1, no 13.

présente. L'aristocratie élective est en elle-même la plus salutaire ou la moins dangereuse des aristocraties; et la combinaison de nos grands pouvoirs, telle qu'elle est réglée par la Charte, convient singulièrement à un grand état, et à tous les peuples opulens, militaires, vifs amans de la gloire et des plaisirs, de l'extrême élégance et des beaux-arts, enfin long-tems dominés par les ecclésiastiques, les nobles et les rois, et leurs ministres.

Je dirai, dans le chapitre 4 de ce livre, où l'on peut et où l'on doit placer l'élément démocratique du gouvernement français. Il est permis de croire que cet élément, quant à l'influence directe sur la législation, est assez bien remplacé par la liberté universelle de pétitionner publiquement devant les chambres, par la responsabilité des ministres, par la liberté de la presse, par le jugement des jurés, par l'égalité devant la loi, par la bonne composition actuelle de nos corps électoraux, et par la condition de propriété, qui seule fait l'électeur, condition élevée, peut-être plus qu'il ne faudrait, à laquelle néanmoins tout Français jeune, valide, intelligent, laborieux, économe, peut raisonnablement se flatter d'atteindre avec le tems.

CHAPITRE II.

Le roi, ou le pouvoir royal selon la Charte.

Pour être une image de Dieu, il faut que le roi commande à des hommes libres.

242. Nous ne pouvons pas mieux faire connaître. les attributions du pouvoir royal et ses limites selon la Charte, qu'en présentant, dans un seul tableau, les articles de cette Charte qui le concernent directement. Nos propositions seront vraies, si elles sont bien déduites de ces mêmes articles; car, en dépit de tous les flatteurs, il paraît encore certain, pour long-tems, que le principe entraîne les conséquences.

« Art. 74. Le roi et ses successeurs jureront, dans la solennité de leur sacre, d'observer fidèlement la présente Charte constitutionnelle.

« Art. 15. La puissance législative s'exerce collectivement par le roi, la chambre des pairs et la chambre des députés des départemens.

« Art. 16. Le roi propose la loi.

« Art. 19. Les chambres ont la faculté de supplier le roi de proposer une loi sur quelque objet que ce soit, et d'indiquer ce qui leur paraît convenable que la loi contienne.

« Art. 50. Le roi convoque, chaque année, les

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