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aînés au servage? Nous croyons qu'à un article, en lui-même raisonnable et juste, il ne faut pas chercher d'autres motifs que la raison, la justice, qui le mettent au-dessus de toutes les critiques de l'esprit de parti, et qui repoussent assez les soupçons offensans que nous venons d'indiquer.

89. Il est vrai que cet article 6 fut saisi avec empressement, avec passion, avec acharnement, pour décrier pendant trois mois le sénat par des discours et par des écrits imprimés, pour faire brûler la constitution publiquement, sous les yeux des autorités extraordinaires d'alors, à Rennes, à Nantes, à Bordeaux. Les écrits diffamatoires étaient apportés de Paris, et réimprimés dans les départemens aux frais des sociétés dites royalistes, et ils furent brûlés à leur tour par des royalistes libéraux, qui savaient apprécier ces libelles.

90. Tout-à-coup, le gouvernement provisoire se montra mal disposé pour la constitution, et pour les adhésions à celle du sénat, que ce gouvernement recevait de toutes parts. Il défendit d'insérer ces adhésions dans le Moniteur, et donna pour motif qu'elles étaient trop nombreuses. Le sénat demanda qu'elles fussent du moins énumérées dans cette feuille : il ne put l'obtenir, Dans une assemblée confidentielle de quinze sénateurs convoqués au cabinet du gouvernement, on leur présenta, en huit ou dix articles, un abrégé de l'abrégé constitutionnel adopté si précipitamment, et on voulut les faire convenir qu'il ne fallait pas d'autre con

stitution ce fut sur quoi l'on insista long tems, mais toujours en vain. Des pièces de correspondance secrète, imprimées dans le Moniteur, pendant l'interrègne de 1815, et non désavouées, contiennent les anecdotes les plus curieuses, les plus singulières sur ce que pensaient de la constitution faite ou à faire, les personnages qui ont pris le plus de part à la rédaction de la Charte : il suffit d'avoir indiqué ces monumens.

91. Un prédicateur', qui célébra autrefois en chaire la mission divine de Napoléon, et qui s'est distingué depuis dans des missions politico - religieuses, prêcha, à Paris, dans une grande paroisse, que toute constitution est un régicide; il y eut beaucoup de sermons dans le même sens, et ils ont con- · tinué long-tems çà-et-là contre l'erreur du siècle, et contre la maladie des idées libérales.

92. Il se forma, dans tous les chefs-lieux de départemens et dans beaucoup d'autres villes, des clubs d'anciens privilégiés qui déclamaient également contre toute constitution. Ce furent ces mêmes clubs qui, de concert avec des préfets, procurèrent les élections de 1815, dirigèrent les mouvemens réactionnaires de ce tems-là, et les épurations et les organisations d'alors; il y eut des adresses qui traitaient la révolution de rebellion de vingtcinq ans à expier par l'obéissance absolue.

93. Le 2 mai, parut la déclaration datée de St.

L'abbé Rauzan.

Ouen, à plusieurs égards plus libérale que la Charte constitutionnelle, et où le Roi, après avoir déclaré indispensable de rectifier la constitution approuvée par le sénat, promit d'en faire une avec des commissaires du sénat et du corps législatif, et de la mettre, au mois de juin, sous les yeux de ces deux

corps.

Le ministres choisirent des sénateurs et des législateurs qui eurent sur la constitution des conférences verbales avec ces ministres et avec d'autres commissaires royaux. Le 4 juin, se fit l'ouverture de la session des deux chambres, dans une séance royale où étaient convoqués et présens ceux des sénateurs que le roi voulait revêtir de la pairie nouvelle, provisoirement viagère, et avec eux les membres du corps législatif. Le roi fit un discours touchant et mesuré; il fut donné lecture de la Charte constitutionnelle, avec son étonnant préambule qui, dans certaines clauses, ressemble trop à une protestation, et avec sa date de la dix-neuvième année du règne. Ensuite les pairs, dont on avait proclamé les noms, et les députés, furent évoqués successivement, jurèrent fidélité au roi et aux lois du royaume.

94. La nouvelle Charte fut bientôt le sujet d'adresses de remercîment votées dans chaque chambre, et présentées au roi. De ce moment il fut vrai que la Charte avait été acceptée suffisamment par les représentans de la nation, tant électifs que viagers, et le pacte entre les Français et la famille des

Bourbons, interrompu depuis 1792; se trouva renouvelé; il a été juré depuis très-expressément par le roi et par les deux chambres : il reste encore à l'exécuter complétement, à le développer, à l'améliorer un jour.

CHAPITRE VIII.

Exécution de la Charte durant la première restauration.

95. MAIS, avant tout, il fallait, par une prudence extrême, par une conduite la plus franchement libérale, par la plus religieuse observation de la Charte, calmer de vives inquiétudes, nées, accrues dans toute la France, durant quatre mois de retards, de délibérations, d'hésitations; affligeans préliminaires du plus simple abrégé des premiers principes constitutionnels, abrégé qu'il était facile, après vingt-cinq années de révolution, d'adopter ou de modifier en quelques heures.

Ces inquiétudes fâcheuses ne s'étaient que trop légitimées par ce qu'il y avait eu d'exprimné et d'insinué dans le discours d'annonce, et dans le malheureux préambule du nouveau pacte social, par le défaut de délibération et d'acceptation formelle des chambres, par les justes et trop amères censures de tout l'ouvrage, qui furent bientôt publiées.

Dans une telle situation, exécuter de suite et lit

téralement les dispositions de la Charte déjà susceptibles d'exécution, n'eût pas suffi encore à nos besoins, n'eût pas satisfait peut-être à la haute intelligence, à l'inquiète sagacité de Français, à l'ardente vivacité de leur aimable caractère. Il eût fallu de suite, par des lois et des projets de lois, nous rendre, nous annoncer au moins ce que la Charte promet ou suppose, nos plus précieuses libertés, anéanties ou atténuées par les Codes et par les décrets de Napoléon; la liberté individuelle, la liberté de la presse, la liberté des élections; offrir des projets sur la réalité du juri, la responsabilité des ministres et de leurs agens, sur le recrutement de l'armée, sur la juridiction criminelle de la chambre des pairs, etc.

On aurait concilié les esprits, allumé dans tous les cœurs l'amour et le dévoûment pour le roi, si l'on eût, en son nom, appelé l'attention nationale et les méditations des chambres sur des intérêts si grands, si précieux, si urgens, au lieu de laisser attiédir des sentimens nouveaux, envieillir et multiplier les soupçons, presque éteindre les plus chères espérances, par toutes sortes d'actes inconstitutionnels.

96. Cependant il se formait tous les jours, dans des sociétés secrètes de nobles et de prêtres, de magistrats et d'administrateurs, parmi les fonctionnaires actuels et parmi ceux qui aspiraient à le devenir, eux et leurs parens, et leurs affidés, une secte d'hommes détracteurs du présent, louangeurs

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