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daigne, les Républiques de Gènes & de Venife ont déjà fait d'heureuses tentatives. pour extirper de leurs États les jeux de hafard & la plupart des autres jeux publics; & que la ville de Hambourg eft parvenue à chaffer les joueurs de fes murs. Avec du courage, de l'intelligence & des intentions droites, il feroit poffible d'en purger infenfiblement la capitale & nos autres grandes villes; celles d'un ordre inférieur les imiteroient à la longue, en adoptant des amufemens plus honnêtes & moins dangereux, & le Royaume fe trouveroit enfin délivré du plus redoutable fléau des mœurs.

Tel eft le but refpectable que s'eft propofé M. Dufaulx; il avertit fes Lecteurs qu'il n'a rien cité que d'après de bons garans; il certifie l'exactitude de tout ce qu'il avance, en qualité d'acteur & de fpectateur. « Si j'avois "fait un Poëme, j'aurois tâché de l'embel

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lir par la fiction; mais en écrivant fur les » mœurs, je refpecte la vérité. Au refte, j'ai montré à la jeuneffe la route que j'ai "fuivie trop tard; mais enfin je l'ai fuivie, lorfque fatigué de mes erreurs, je compris qu'il étoit plus sûr & plus honnête d'aller

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* A la fin de fon Livre, M. Dufaulx rapporte une Loi de l'Empereur actuel de la Chine, contre la fureur du jeu: c'eft un des morceaux les plus intére fans de l'Ouvrage; nous regrettons de ne pouvoir le tranferire ici, à caufe de fa longueur.

» au fecours de mes compatriotes que de les depouiller. »

C'eft au Public raifonnable à juger de l'im portance de ce Livre; il doit fur-tout fe défier de l'opinion qu'en donnent les joueurs: furieux de ce que l'Auteur a ofe révéler leurs mystères d'iniquités, & ne pouvant détruire une multitude de faits & d'obfervations qui doivent les flétrir à jamais, ils vont répétant en tous lieux, que l'Ouvrage eft dénué d'intérêt; qu'on n'y trouve ni plan, ni conduite, ni méthode, que les mêmes idees & les mêmes objets y reparoiffent à chaque page, & toujours en defordre; qu'il n'y a nul accord entre les parties ni entre les chapitres, nul difcernement dans le choix des citations; rien de neuf, rien d'attachant dans la morale; l'éloquence de l'Auteur eft emphatique, fon ftyle diffus, lourd, incorrect, inégal, fans nobleffe, fans couleur & fans vie; en un mot, ils réuniffent tous les lieux communs en ufage, pour décrier les bons comme les mauvais Livres. L'Auteur devoit s'y attendre; mais il en fera dedommagé lorfqu'il verra les pères de famille benir fa mémoire, & dépofer fon Livre entre les mains de leurs enfans, comme un prefervatif contre le plus redoutable écueil de la vie. M. Dufaulx doit s'attendre encore à une autre espèce de triomphe; il verra fans doute le Gouvernement commencer la réforme en cette partie. Mais le defordre des finances, le rétabliffement de la marine, les foins de la guerre

que

exigent maintenant toute la follicitude da Reftaurateur des maurs: cependant on peut déjà preffentir fes deffeins dans la liberté que la cenfure a laiffée à M. Dufaulx; car fon Livre cft par-tout femé des réflexions les plus hardies contre les loteries, contre les jeux publics, contre tous les établiffemens où l'on voudroit fubftituer le hafard au travail & à l'induftrie, comme un moyen d'enrichir le peuple.

SPECTACLES.

COMÉDIE FRANÇOISE. LE deux de ce mois, on représenta pour la première fois fur ce théâtre Rofeide Comédie en cinq Actes, en vers. Quelques longueurs répandues dans le cours de la Pièce, affoiblirent l'effet de cette repréfentation, & le fuccès de l'ouvrage fut balancé ; mais il fe décida complettement à la feconde & à la troifième. La fable de cette Comédie parut d'abord compliquée & difficile à faifir. Nous allons la mettre fous les yeux de nos Lecteurs, autant que notre mémoire pourra nous la rappeler.

Les Nelmours & les Volfimons font divifés depuis long-temps par une haine héréditaire, irréconciliable, & fondée fur les plus forts motifs. Le fils unique d'un Nelmour

avoit été décapité fur l'accufation fauffe d'un Volfimon qui avoit fuborné des témoins, & donné à l'impofture la plus noire, toutes les apparences de la vérité: de-là cette guerre jurée entre les deux familles. Cependant la fille du Nelmour qui joue un rôle dans la Pièce, avoit époufé fecrètement, pour fe fouftraire à la fureur de fon père, un Volfimon, frère de celui que l'Auteur introduit dans fon action. Ce Volfimon, l'aîné de fa famille, eft mort au fervice, fans rien révéler. La fille de Nelmour que le chagrin confume, fur le point d'expirer, avoue tout à Nelmour fon père, & lui confie le gage de fon union avec fon plus mortel ennemi: ce gage eft Rofeïde, l'Héroïne de la Pièce. Nelmour fe croyant feul dépofitaire du fecret de fa fille, prend foin de l'enfance de Rofeïde, s'attache à elle de plus en plus; mais dominé par la haine, il ne veut fe déclarer que pour le bienfaiteur de celle qu'au fond de l'ame il aime comme le père le plus tendre: fituation cruelle & neuve au théâtre. Dès que Roféide a atteint un âge plus avancé, il la place chez la Comteffe d'Ermance, femme estimable, à laquelle il confie en quelque forte l'éducation de la jeune perfonne, qui ne pafle que pour fa pupille. Cette Comteffe, qui croir appercevoir dans les autres les vertus qu'elle a, eft féduite par un certain Verville, efprit fouple délié, exercé aux manéges de l'intrigue, aquelle il doit fa fortune, fes entours & cette confidération du moment, que l'ar

tifice arrache quelquefois lorfqu'on la difpure à la probite mal-adroite. Ce Verville s'eft empare de Nelmour au point que ce dernier fonge à lui faire époufer Rofeide, qui aime en fecret Dolfe, jeune homme plein de candeur, de droiture & de fenfibilité. Dolfe a pour ami Volimon, ce qui le rend odieux à Nelmour, dont le choix fe décide en faveur de Verville.

Tous les fils de cette action, quoique un peu brouillés, comme nous en avons déjà fait le reproche à l'Auteur, fe démêlent pourtant avec netteté & vraisemblance dans le cours de l'ouvrage. La mère de Rofeide, prévoyant que fa fille ne feroit jamais reconnue,

& que la haine de Nelmour le forceroit à la défavouer; la mère, dis-je, de Rofeïde, traça de fa main mourante un billet, où le fort de fa fille eft dévoilé, & le remit avant d'expirer à un vieux & fidèle ferviteur de Nelmour. Cet homme interrogé & preffe par Verville, laifle échapper des aveux dont Phabile fourbe profite. Volfimon, fur quelques bruits confus de l'hymen de fon frère, remonte à la fource, interroge à fon tour le vieillard, le preffe, & parvient à en obtenir l'écrit qui conftate la naiffance de Rofeïde, & qui la déclare pour fa nièce. Armé de cet indice, il ne fonge plus qu'à détromper Nelmour, & à réunir les deux amans, qui, après tous les obftacles que leur oppofe l'inépuifable induftrie de Verville, voicou

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