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ronnner leur tendreffe par celui même qui avoit paru la traverfer.

Cette fiction, malgré quelques défauts, fait fûrement honneur à l'imagination du Poëte il a fu s'y menager des développemens & des contraftes qui ont de l'éclat au théâtre. La duplicite, la fourberie & la noirceur de Verville, on oppofition avec la fimplicité des deux jeunes amans; la générofité indulgente & noble de Volimon, encore relevée par l'animofte inflexible de Nelmour, font des fources de beautes vraiment dramatiques. Le dénouement offre le tableau le plus attendrillant, & l'on ne peut guère reprocher à cet ouvrage que quelques lenteurs dans le premier Acte; défaut qui réfulte fans doute de tout ce que l'Auteur a eu à motiver pour fonder fon action. Le caractère de l'intrigant eft bien deffiné. On avoit voulu y voir quelques rapports avec le Méchant ; mais à l'examen, ces prétendues reffemblances difparoiffent. Le Méchant dit du mal; Verville en fait. Il étoit impoffible de montrer un perfonnage auffi mobile fous toutes les formes qu'il préfente. Le Poëte s'eft borné à celles qui pouvoient bleffer le moins les convenances théâtrales. L'Intrigant, fait comme il devroit l'être, ne pourroit jamais être joué il a trop de modèles pour qu'on en laifsât paffer la copie. D'après ces différentes obfervations, on peut juger du mérite de ce nouvel ouvrage de M. Dorat; mais ce qui parcît avoir obtenu l'approbation générale,

c'eft le ftyle, partout élégant, quelquefois énergique, plein de fineffe, & de cette fraîcheur de coloris qui diftingue la plume à qui nous devons déjà le Célibataire & la Feinte par Amour.

Il feroit injufte, dans le compte que nous rendons de Rofeïde, d'oublier le zèle & l'enfemble que les Acteurs y ont mis. M. Molé a rendu le rôle de l'Intrigant avec toute la légèreté, toute la foupleffe, toutes les nuances qui conviennent à un pareil caractère. Par les grâces, le charme & la magie de fon jeu, il a fait en quelque forte difparoître l'odieux du perfonnage. Cet Acteur eft vraiment le Protée de la fcène : il eft impoffible d'avoir un talent plus fécond, plus varié & plus infatigable. Mlle Doligni eft charmante dans le rôle de Roféïde. Décence, nobleffe, fenfibilité, vive ou délicate, inflexions déchirantes, elle réunit tout ce qui peut plaire & émouvoir. Le Sieur Monvel a rendu le rôle de Volfimon avec cette éloquence de l'ame qu'il pofsède au fuprême degré : il a été fublime au cinquième Acte, où il a toujours excité cette fenfation univerfelle qu'il n'appartient qu'au grand talent de communiquer aux Spectateurs. MM. Fleury & Dazincourt, tous deux auffi aimés qu'eftimés du Public, fe font diftingués chacun dans leur rôle. Mile Fanier a rendu le fien avec cette fineffe, ce feu, ce piquant qui caractérisent le jeu fpirituel de cette aimable Actrice; & Mde Molé, dans la Comteffe, a montré la plus grande

intelligence: elle y a été très-applaudie, & elle méritoit de l'être. Enfin M. Brifard a été ce qu'il est toujours, plein de nobleffe, d'ame & de vérité. C'eft l'Acteur de la Nature.

On répète à préfent une Tragédie de M. Dorat, intitulée Pierre-le-Grand; c'eft un fuperbe fujet, qui manquoir à notre théâtre. (Cet Article a été envoyé au Rédacteur du Journal.)

COMÉDIE ITALIENNE.

LE Vendredi 8 Octobre, on a remis à ce Théâtre le Rival favorable, Comédie de Boiffy, en trois actes & en vers.

Le modefte & fenfible Damon eft l'Amant préféré de Clarice, jeune veuve, dont le cœur indécis tantôt fe livre, tantôt le refufe à l'amour. Léandre, un de ces fats orgueilleux qui avec une jolie figure & du jargon, croyent pouvoir fubjuguer toutes les femmes, Léandre parie une fête avec fon ami Damon, que dans l'efpace de trois heures, il déclarera fon amour à Clarice, qu'il lui infpirera du retour, & qu'il la fera confentir à l'époufer. Le pari eft accepté. En conféquence, il fait fa déclaration. Elle eft mal reçue, parce qu'elle eft faite dans un moment où la Veuve a pris le parti d'éloigner Damon, de ne plus recevoir d'Amans, & de ne pas même en entendre prononcer le nom. L'adroit Léandre ne fe

rebute point, il promet de renoncer aux expreffions qui déplaifent à Clarice, & propofe de donner leur valeur aux mots les plus ufités du langage familier. En faveur de l'idée, la Veuve lui pardonne fon opiniâtreté. Joyeux de ce premier avantage, le Fat dreffe d'autres batteries. : dans un moment de paffion, Clarice a écrit à Damon un billet fort tendre qu'elle avoit chargé Marton de lui porter; Marton l'a perdu; Léandre l'a trouvé; il fe promet d'en faire ufage; mais il lui en faut un de Damon ; & voici le moyen qu'il emploie pour fe le procurer.

Il feint qu'un Duc de la connoiffance l'a prié de lui faire une lettre pour une Dame dont il eft aimé, & à laquelle il a facrifié un autre objet; qu'il s'eft en vain tourmenté pour compofer cette lettre; enfin, il supplie Damon de le tirer d'embarras, en la faifant pour lui. Damon y confent. Muni de ces deux titres, il en préfente un à fon ami, qui croyant fon rival heureux, fort en fe propofant de ne jamais revoir fon infidelle; l'autre eft remis à Clarice, comme une preuve de l'inconftance de Damon. Clarice veut favoir comment cette lettre eft tombée entre les mains de Léandre; il répond qu'il a bien voulu fe charger de la remettre; la Veuve demande à qui; embarraffé, furpris, obligé de répondre, Léandre nomme Eliante. Elle arrive au moment même. Grands reproches de la part de Clarice; étonnement, douleur, larmes de la part d'Eliante: elle preffe Léandre d'é

claircir un mystère qui la déshonore; malgré l'effronterie du Fat, tout va fe decouvrir, quand on annonce à Clarice qu'une Dame l'attend avec impatience dans le fallon voifin; on remet l'eclairciffement après le jcu; en attendant, on emmène Léandre. Damon croit ne s'être point affez vengé en abandonnant Clarice, il veut former une autre chaine, choisit Eliante pour l'objet de fon nouvel amour, & vient pour le faire eclater aux yeux de fa perfide Amante. On peut juger de la douleur, de la confufion d'Eliante, quand de la bouche même de l'homme dont elle attendoit sa justification, elle entend l'aveu d'une tendreffe qui la rend coupable aux yeux de fon amie. Après des efforts inutiles pour diffuader Clarice, & engager Damon à tenir un autre langage, elle fe retire en laiffant éclater tout fon mépris pour la calomnie qui la déchire, & eu atteftant fon innocence. Enfin les deux Amans s'expliquent; ils fe remettent mutuellement le billet qui a caufé leur erreur: la Veuve promet à Damon fa main, s'il veut lui facrifier Eliante; il accepte la propofition avec tranfport; & Léandre, toujours poffédé dè l'efprit de difcorde, en voulant tout rebrouiller, achève l'éclairciffement, eft témoin du bonheur de fon ami, & perd la gageure.

L'intrigue de cette Comédie eft très-heureufement imaginée, mais elle ne pouvoit remplir trois actes: auffi, pour donner aux deux premiers l'étendue qu'ils devoient avoir,

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