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au Pape, Suger ne blâme point du tout le projet de la Croifade en lui-même, qu'il ne defapprouve que le deffein du Roi qui vouloit abandonner fes États dans un temps où n'ayant pas encore d'enfant, il alloit laiffer fon Royaume expofe aux plus cruelles divifions. Ce motif n'a sûrement rien de commun avec l'opinion qui condamne les Croifades. Il eft encore certain que Suger en voulut faire une à fes frais, vers la fin de fes jours. S'il les eût condamnées comme injustes, auroit-il voulu terminer fa carrière par une injuftice? N'eft-il pas démontré au contraire qu'il regardoit la Croifade qu'il alloit faire, comme une guerre facrée, propre expier tout le mal qu'il avoit pu commettre fur la terre? On ofe le dire; il étoit à peuprès impoffible qu'il y eût alors en Europe un feul homme affez élevé au-deffus de fon fiècle pour appercevoir l'injustice des Croifades.

à

L'Auteur de ce difcours dit que Suger envoya des Commiffaires chez tous les grands Vaffaux de la Couronne, avec pouvoir d'infor mer de leur conduite, & de réprimer févè rement leurs vexations.

On ne voit rien de femblable dans les Hiftoires générales de France, & dans l'Hiftoire particulière de Suger. Quand ce Miniftre vouloit réprimer ou punir les vexations des grands Vaffaux, il envoyoit chez eux des troupes, & non pas des Commiffaires : ces voies légales & judiciaires étoient alors

inconnues, & même un fiècle après, à peine ofoit on encore les mettre en ufage.

It fit abolir les combats en champ-clos, & perdre aux Eglifes le droit d'afyle.

C'est encore une erreur. Suger, il eft vrai, défendit le duel au jeune Comte de Dreux, frère du Roi, & au fils du Comte de Champagne; mais c'eft l'unique fait de ce genre qu'on trouve dans fon hiftoire. Il s'en faut bien que ce foit-là un acte de légiflation qui aboliffe les combats en champ-clos: il y eut des combats en champ-clos pendant tout le Ministère & toute la Régence de Suger, fans que Suger fit aucun ufage de fon pouvoir pour les empêcher ou pour les punir. Ce n'eft également qu'une feule fois qu'on le voit faire arrêter des coupables jusqu'au pied des autels; & c'eft trop abufer des privilèges des Panégyriftes que de conclure de ce fait unique, que Suger fit perdre aux Eglifes le droit d'afyle. On voit les Eglifes de France jouir de ce droit long-temps après Suger.

Nous pourrions pouffer plus loin ces obfervations; mais en voilà fans doute affez pour faire voir que l'Auteur de ce difcours n'a pas toujours confulté l'Hiftoire avec af fez de foin & d'exactitude : les fentimens honnêtes qu'il montre dans tout le cours de POuvrage ne permettent pas de croire qu'il ait altéré les faits à deffein, pour les rendre plus glorieux à la mémoire de l'homme qu'il célèbre. Ce feroit une fingulière manière

d'honorer la vertu, que de corrompre, pour la louer, la fidélité de l'Hiftoire.

ÉCHO ET NARCISSE,Opéra en trois Actes, par M. le Baron de ***.

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On jugera, dit l'Auteur dans fa Préface, de ce que nous avons inventé dans un fujet qui nous a paru lyrique & pittorefque, mais qu'il falloit étendre & animer. Nous fommes éloignés de penfer comme M. le Baron de...; nous croyons au contraire que de tous les fujets que la Mythologie peut offrir à un Auteur dramatique, la Fable de Narciffe eft le plus ingrat & le moins fufceptible d'intérêt. L'examen que nous allons faire de l'Ouvrage de M. le Baron de..., nous fournira les preuves néceflaires à l'appui de notre opinion.

Apollon, amoureux de la Nymphe Écho, s'eft vu préférer le beau Narciffe, & s'eft vengé de cette préférence. Un finiftre préfage avoit promis la mort au jeune chaffeur, s'il ofoit un inftant approcher du rivage. Entraîné par un pouvoir invincible, il y a porté fes pas, & depuis ce moment il brûle pour fon image. Le jour eft arrivé où Narciffe doit époufer Écho. La Nymphe vient chercher fon amant dans un bofquet confacré à l'Amour. Surprise de ne point l'y trouver, fe rappelant un doux regard qu'il a jeté fur Doris, elle le foupçonne d'infidélité. Églé, fon amie, l'engage en vain à renoncer à fes foupçons;

elle voit Narciffe, veut s'éclaircir par ellemême, & fe retire au fond du bofquet. Toujours plein de fa folle paffion, Narciffe vole à la fontaine, qu'il prend pour la demeure de la Divinité qu'il adore, & parle à l'objet de fon chimérique amour duns des termes qui déchirent le cœur de la trop fenfible Echo. Celle-ci l'appelle, fe préfente à fes yeux: troublé, confondu Narciffe s'éloigne, ne pouvant, dit-il, con-. foler la Nymphe, ni foutenir fes larmes. Cynire, ami du jeune homme, apprend à. Écho les funeftes fuites de la vengeance d'Apollon; à cette nouvelle, l'infortunée fe livre au défefpoir; elle appelle la mort, qu'elle. regarde comme fon unique recours. Cynire, fe retire avec elle, & lui promet de tout, tenter pour toucher le cœur de fon ami.

Au fecond Acte, Écho, pâle & dans le plus grand défordre, vient dépofer fur l'autel de l'Amour, une guirlande & les treffes de fes cheveux; bientôt après elle tombe ex-. pirante entre les bras des Nymphes de fa fuite, qui la conduifent au temple du Dieu. Narciffe revient à la fontaine;Cynire l'exhorte à réfifter au charme qui le trompe; le jeune homme en s'inclinant montre à fon ami ce qu'il appelle ia jeune Deeffe idole de fes fens; Cynire en s'inclinant à fon tour, prefle Narciffe de fa main, lui fait voir leurs deux images qui fe peignent dans le cryftal de l'onde, & lui prouve par ce moyen que luimême eft l'objet de fa funefte ardeur. Narcille

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fremit, fa tête s'égare, fon ame fe déchire. Un choeur lamentable annonce la mort d'Echo; fon amant fe précipite vers le temple, & veut s'enfermer avec elle dans le même tombeau.

Nous n'avons point encore parlé de l'Amour; il joue pourtant un rôle dans cet Cuvrage. C'eft lui qui ouvre le premier Acte. Après s'être déclaré le protecteur des deux amans; après s'être promis de fe venger d'Apolon & d'effayer de ramener Narciffe fous. fes lois, il le retire. Il reparoît au fecond Acte, conduifant avec lui les Plaifirs & les Peines, & leur fait exécuter un ballet, pendant qu'il examine à qui d'entre eux il doit recourir, pour rendre un cœur à fes premières chaînes. Il fe retire à la fin du ballet. C'eft encore lui qui ouvre le troifième Acte. Il ordonne aux Zéphirs d'aller recevoir l'ame d'Écho, & aux Vallons d'imiter la voix plaintive de cette amante infortunée: il fort lorfque le chœur des Nymphes fe fait entendre, pour cacher, dit-il, jufqu'au bout fes projets. Les Nymphes, après avoir verfé des larmes fur le deftin de leur Souveraine, quittent le bofquet pour aller en verfer fur fa cendre. Narciffe furvient; il veut unir fes douleurs à leurs regrers; mais tout-à-coup il les engage à le fuir, à ne point fouiller leurs pleurs en les confondant avec ceux du remords & du crime. Il éloigne encore Cynire, & ne veut pas même des confolations de l'amitié. Reftéfeul, le remords l'agite, tout lui retrace

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