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Nous favons gré à M. de Saint-Lambert d'avoir ofé dire le premier :

Vainqueur des deux rivaux qui régnoient fur la Scène, D'un poignard plus tranchant il arma Melpomène. Et il eft à remarquer que ceux qui ont blâmé le premier vers, n'ont jamais contesté la vérite du fecond: on n'a pas fait attention que la penfée de l'un ne pouvoit pas être vraie, fi le fens de l'autre étoit faux; & que fi M. de Voltaire étoit en effet plus tragique que Racine & Corneille, il les avoit donc furpallés.

On fait que dans fes dernières productions en vers, M. de Voltaite avoit adopté de préférence une manière nouvelle que M. Paliffot appelle expéditive. Cette expreflion nous paroît heureufe. Elle eft trouvée; mais felon le fens de l'Auteur, elle eft fynonyme de négligée; & nous fommes loin, & bien loin, d'être de fon avis. Nous croyons que ce qu'il prend pour négligence, n'eft autre chofe que cette familiarité piquante, cette aimable urbanité, cet atticifme fi vanté qui font le charme des Épîtres d'Horace; &, pour nous fervir d'un vers très-heureux de M. de la Harpe,

Cette facilité, la grâce du génie,

on du moins qu'une pareille négligence eft plusaimable que l'art le plus achevé, & plus. a fufir que les plus beaux ornemens.

Prenons pour exemple quelques vers de l'Épître à Horace.

J'ai vécu plus que toi, mes vers dureront moins ; Mais au bord du tombeau je mettrai tous mes foins A fuivre les leçons de ta Philofophie,

A méprifer la mort en favourant la vie,

A lire tes Écrits, pleins de grâce & de fens,
Comme on boit d'un vin vieux qui rajeûnit les fensa
Avec toi l'on apprend à fouffrir l'indigence,
A jouir fagement d'une honnête opulence,
A fortir d'une vie ou trifte ou fortunée,

En rendant grâces aux Dieux de nous l'avoir donnée.
Ainfi, lorfque mon pouls inégal & pressé,
Faifoit peur à Tronchin près de mon lit placé,
Quand la vieille Atropos aux humains fi févère,
Approchoit fes cifeaux de ma trame légère,
Il a vu de quel air je prenois mon congé :
Il fait fi mon efprit, mon cœur étoit changé.
Hubert me faifoit rire avec les pafquinades,
Et j'entrois dans la tombe au fon de fes aubades.

Qui ne fent pas les grâces faciles & originales de ces vers? Ils femblent couler fans effort de la plume du Poëte; mais il n'en eft pas moins certain que cette facilité même fuppofe à la fois le plus heureux don de la Nature, & habitude de l'art la plus confommée,

Ludentis fpeciem dabit & torquebitur.

Après avoir apprécié l'Historien, le Phi

lofophe, le grand Poëte, M. Paliffot juge l'Homme. Il entre même dans quelques détails fur fon caractère, non moins fingulier peut-être que fon génie. En parlant de cette fenfibilité, quelquefois trop irritable, que ceux qui l'ont le plus provoquée par leurs fatyres, lui ont le plus reprochée, M. Palisfot a le double mérite de ne manquer ni au refpect dû au génie ni à la vérité. Ce morceau, qui étoit le plus difficile, eft en même-tems le plus neuf de l'ouvrage, & celui où l'Auteur a lé mieux réuffi. Mais plus nous remarquons de correction, d'élégance, d'efprit, de convenance dans fon ftyle, plus nous regrettons qu'il fe foit tant de fois déclaré l'ennemi de ceux dont il ne devoit être que le rival. Il eft fâcheux qu'un Ecrivain diftingué, dont le moindre mérite eft d'avoir toujours refpecté la langue, (mérite devenu très-rare aujourd'hui) n'ait pas fait un ufage plus louable de fes talens; & que fa plume, qui pouvoit être utile au maintien du bon goût, n'ait été le plus fouvent dans fes mains qu'un inftrument de vengeance.

ÉTRENNES

É TRENNES du Parnaffe, ou choix de Poefies. Vol. in - 12. A Paris, chez Fétil, Libraire, rue des Cordeliers, près celle de Condé, au Parnaffe Italien.

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Cet Ouvrage, qu'on croyoit mort, & que nous rappelons à la vie, afin d'engager l'Éditeur à faire un plus heureux choix cette année, renferme des Poéfies dans tous les genres; mais le bon, le médiocre même n'en font pas à beaucoup près la partie dominante. Le Conte fuivant pourra donner une idée de la plupart des autres Pièces du même genre.

CERTAIN Docteur de la grâce efficace,

Item, un Bachelier, fur les bancs s'enrouoient:
Or, penfez bien que point ne s'entendoient;
Partant, de difputer.... tous deux ils en fuoient,
Las enfin de brailler, fe tait meffer Pancrace.
Lors, pour répondre, en vain l'écolier fe tourmente:
« Le cas n'eft clair, dit-il, entendons-nous un peu ;
Ç'à, Monfieur, raifonnons...-L'impertinent!...

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Je ne raisonne pas, moi, Monfieur, j'argumente.

Rien de plus bifarre que ce mélange du ftyle marotique avec le ftyle ordinaire.

Sam. 2 Octob. 1779.

B

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EPIGRAM ME.

La foudre en main, un Curé défaftreux
Chaque Dimanche attéroit les ouailles ;
Vertu parfaite, ou brafier sulfureux :

Le Dieu qu'il prêche eft un Dieu fans entrailles.
Pourquoi, dit Jean, toutes ces funérailles ?
Hé, gros butor, répart l'homme facond,
»Ne vois-tu pas qu'en prêchant ces canailles,
» Je compte fur ce qu'ils en rabattront ? »

Cette charmante Épigramme de M. Pidou eft remarquable, en ce qu'elle a toujours le mot propre. Quelle nobleffe! que de grâces dans le troifième vers! comme il eft bien lié aux précédens! l'homme facond, pour dire un Curé! rien de plus léger que cette céfure, je compte fur ce qu'ils en rabattront ; il faut, pour la fentir, favoir qu'elle y doit être.

Ce qui plaît fur-tout dans ces Étrennes du Parnaffe, c'est la tournure des Épigrammes qui, heureusement, font en très-grand nombre. Le fel en eft fi doux, fi volatil, qu'on feroit tenté de les prendre pour des Madrigaux.

HIER DORIS, du moindre badinage,
M'ôta le droit; libre d'engagement,

Ami, crois-tu qu'elle en fera plus fage?

Non elle aime le changement.

:

Voilà comme un homme, quitté par une femme, doit faire une Epigramme, on eft

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