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dit-on, une règle fage & refpectable, compromis fon Corps, attaqué le principe même d'une inftitution utile aux Lettres; & pour prouver qu'il n'a point ce tort-là, on déchire l'ouvrage qui lui est attribué, on fe donne un faux air de croire qu'il eft de la main d'un jeune homme.

Non, Monfieur, on ne le croit point, on ne veut, pas le faire croire; on fait bien que l'opinion eft fixée fur cet objet. On a voulu en même-temps inculper la perfonne & déprimer l'ouvrage, & pour défendre l'un & l'autre, je prendrai, fans aucun détour, la critique dans fon vrai fens.

Le Dithyrambe, eft-il l'ouvrage d'un homme qui par fa place, n'avoit pas le droit de difputer un prix destiné à exciter l'émulation, & à encourager les talens des jeunes Poëtes? Je n'en fais rien; mais je fuppofe que cela foit, comme tout le monde le penfe; & dans cette fuppofition, je vais réduire à fa jufte valeur ce tort réel ou prétendu, que l'on a pris foin d'aggraver.

Je commence par convenir que s'il eft arrivé quelquefois que des Académiciens célèbres fe foient permis de difputer incognito, les prix de leur Académie (1), ils ont donné un mauvais exemple. Mais

(1) En 1695, M. de Fontenelle, qui étoit de l'Académie Françoife depuis quatre ans, fit propofer pour fujet du Prix d'Eloquence: Combien il eft dangereux de fuivre certaines voies qui paroiffent sûres. Il fit le Difcours qui reinporta le Prix, & qu'il mit fous le nom de fon ami M. Burnel. Ce Difcours et un des meilleurs ouvrages de M. de Fontenelle & des plus curieux à lire. L'Abbé Trublet, ami de Fontenelle, cite cette Anecdote, & dit que Fontenelle lui en avoit fait faveu. Il ajoute que l'Abbé Hou teville, qui fit plufieurs années après la même faute, fur féduit par l'exemple de Fontenelle. Il faut obferver que dans l'une & dans l'autre circonftance, l'Auteur fuppofé reçut le Prix; au lieu qu'ici l'Auteur anonyme du Dichyrambe l'a refufé Cela fait une différence, (Mém. fur M. de Fontenelle. Amft. 1759, pag. 21, 26 & 292.)

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f, pour l'éloge de M. de Voltaire, cet exemple a été fuivi, j'observerai du moins, que dans un cas fi privilégié, la faute n'eft pas fans excufe.

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En effet, Monfieur, fuppofons, ce qui eft affez vraisemblable, que quelques admirateurs paffionnés de M. de Voltaire se soient adreffés à un homme de Lettres, connu par fon dévouement pour la gloire de cet homme illuftre, & qu'ils lui ayent dit: Ileft » intéreflant que M. de Voltaire foit dignement » loué; il court rifque de ne pas l'être; un éloge » en vers, qui embraffe toute l'étendue de fon génie & de fes travaux, qui le montre dans tout »fon jour, avec les traits qui le diftinguent, peut » difficilement être l'ouvrage d'une main novice; la vôtre eft exercée dans l'art d'écrire, & d'écrire en vers; vous êtes plein de ce beau fujet; vous » avez déjà loué tant de fois M. de Voltaire, & » tout récemment encore avec un fuccès fi brillant! qui, mieux que vous, peut affurer à fa mémoire » l'honneur d'être dignement célébrée, dans le triomphe folennel que lui décerne l'Académie? La règle s'y oppofe; mais M. de Voltaire eft » au-deffus de la règle commune. Votre délicateffe » ne vous preferit que le défintéreffement. Si quel» que autre fait mieux que vous, il aura le prix, & » nous aurons de M. de Voltaire deux bons éloges » au lieu d'un : fi vous êtes le feul qui l'ayez bien » loué, vous ne ferez tort à perfonne; & en n'ac

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ceptant pas le prix, vous montrerez évidemment » la pureté de votre zèle: enfin, fi quelque autre après vous mérite ce prix, vous, le lui céderez & il lui reftera encore affez de gloire.

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Je demande à préfent, Monficur, fi l'homme à qui l'on auroit tenu ce langage, ne feroit pas bien pardonnable de s'être laiffé perfuader.

Je fais bien qu'à ne confulter qu'une prudence réfléchie, l'Homme de Lettres à qui l'on propofe Sam. 9 Octob. 1779.

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d'expofer infi fa conduite aux interprétations de la maligrité, refufera de fe compromettre; mais fi Tencouragement l'excite, fi le zèle pour la mémoire d'un grand homme dont il fut aimé, fi ce zèle, porté jufqu'a l'enthoufiafme, le preffe & le pouffe au del des règles; s'il fe trompe même en ne voyant qu'un courage noble à s'expofer ainfi, pour faire entendre, s'il lui eft poflible, le digne éloge d'un grand homme, je vois dans fa conduite tout un autre motif qu'une gloriole puérile; & la preuvė qu'on a fenti combien les circonftances affoibliffoient le tort qu'il pouvoit avoir, c'eft que dans la féance publique ou le Dithyrambe a été proclamé comme ayant mérité le prix, ( perfonne alors ne doutant plus qu'il ne fut de l'Homme de Lettres fur qui tous les yeux fe fixcient) il n'a pas excité le plus léger murmure, & qu'il a été au contraire généralement applaudi.

On pourra dire que l'Auteur eût mieux fait de compofer l'éloge & de le lire dans l'Affemblée. fans l'avoir mis au concours. Mais peut-être avoit-il d'affez bonnes raifons pour garder l'anonyme; une expérience récente avoit pu lui en faire fentir l'avantage; & au cas qu'il fut reconnu, il lui importoit de fe prémunir du fuffrage de l'Académie. C'étoit un bouclier qu'il vouloit oppofer aux traits de fes ennemis, qui ne font pas en petit nombre; & quand il n'auroit eu aucune précaution à prendre pour lui-même, la gloire de M. de Voltaire étoit intéreffée à ce qu'il donnât le plus d'autorité qu'il lai * feroit poffible au témoignage qu'il lui rendoit. L'éloge non couronné, n'étoit que l'hommage d'un Homme de Lettres; l'éloge folennellement adopté par l'Académie, étoit l'hommage du Corps Littéraire; & cette feule confidération eft affez forte pour juftifier l'Auteur, quel qu'il foit, d'avoir mis T'ouvrage au concours. Un feul homme peut-être a

eu droit de s'en plaindre, c'eft M. de Murville; & il a eu la modeftie & l'honnêteté de ne s'en plaindre pas.

Il me refte, Monfieur, à examiner fi cet Ouvrage cft auffi peu digne d'un Écrivain diffingué, qu'on a voulu le faire entendre, & fi l'analyfe qu'on en a faite, eft auffi jufte qu'elle eft févère. La critique a fon utilité, mais la critique de la critique peut bien auffi avoir la fienue: c'eft pour le goût un contre-poifon plus néceffaire aujourd'hui que jamais.

Les bons Ouvrages ne font pas ceux cù l'on n'apperçoit ni incorrections ni négligences, mais ceux où les beautés dominent, & cul'effet de l'enfemble fait oublier les fautes de détail. Il ne laiffe pas d'être utile de relever ces fautes échappées à l'attention de l'Écrivain: le tort des Critiques eft feulement d'y attacher trop d'importance. Dans les uns, c'est pédanterie; dans les autres, mauvaife foi, malignité, envie, fureur de déprimer des talens qu'ils n'ont pas, ou des fuccès qui les affligent.

Le Cenfeur anonyme du Dithyrambe s'eft laiffé aller à je ne fais quel de ces mouvemens; mais ce que je fais bien, c'eft qu'il règne dans la Critique un ton de fupériorité qui convient à peu d'Hommes de Lettres, & un ton de dédain & de dénigrement qui ne convient à aucun. Il a ce tort même quand fa critique eft jufte; il l'a doublement quand elle ne l'eft pas, ce qui lui arrive fouvent c'eft même par là qu'il débute.

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L'Eloge de M. de Voltaire commence par lé bleau de fon arrivée à Paris. Le concours, l'ivreffe, les voeux, les acclamations de tout un peuple les mouvemens que ce fpectacle excite dans l'ame du Poëte, tout cela ne demande que des touches rapides; & pourvu que les images & les fentimens sy fuccèdent comme dans la Nature, que chaque

trait foit à fa place, & qu'ils concourent tous l'effet de l'enfemble, l'accord en fait la liaison. Or, c'est dans ce morceau, où le ftyle coupé eft fi naturel, & où les haifons grammaticales feroient fi froides, c'eft-là que le Cenfeur obferve, comme un défaut, que tous les vers font détachés & féparés par un fens abfolu (il a voulu dire par un pos abfolu), ce qui n'eft pas; mais quand cela feroit, chaque partie d'un tableau poëtique ne peutelle pas être exprimée en un vers, & former un fens abfolu, fans que le tableau qui les réunit, manque d'enfemble & d'harmonie ?

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L'Anonyme ajoute que ces vingt premiers vers peuvent le déplacer, fans rien changer à l'effet total; & moi, j'ofe affurer qu'il eft impoffible d'en tranfpofer aucun fans tomber dans une faute grave, c'cft-à-dire, fans renverfer l'ordre naturel des idées, ou fans mettre le plus foible après le plus fort ce qui eft contraire à tous les principes.

Quel eft done te Vieillard, ce Mortel adoré ?

On fent que ce Mortel, loin de rien ajouter à l'idée, affoiblit & ralentit le vers.

On fent au contraire que l'image d'une vicilleffe vénérable, & puis celle du culte rendu à un Mortel, méritent chacune de fixer l'attention, & que le vers ainfi réduit,

Quel eft ce Vieillard adoré?

n'auroit plus ni pompe ni force.

Sur lui tous les regards, tous les vœux se confondent.

Cette image eft froide & commune.

Cette image n'eft pas nouvelle; mais elle est vive, & elle eft à la place.

Tous les voeux font encore la pour la mesure.
Les veux de tout un peuple, réunis fur un homme,

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