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nous le tems nous l'apprendra. En attendant on conferve le ton de hauteur qu'on a toujours pris; il fe manifeste fur-tout dans un Mémoire juftificatif du Roi de la Grande-Bretagne pour fervir de réponse à l'expofé des griefs de la Cour de France. On dit que le Gouvernement a employé la plume élégante de l'Auteur de l'histoire de la décadence & de la chûte de l'Empire Romain, M. Gibbon. On n'a pas manqué d'observer qu'il étoit important de mettre une mauvaise caufe entre les mains d'un homme éloquent. La publication de ce Mémoire n'a pas tout-à-fait répondu à l'atténte; on y a trouvé beaucoup de hauteur; mais en reprochant les déclamations à nos ennemis, on y tombe à chaque inftant; & au défaut des raifons, on y a prodigué les injures. Cette pièce doit trouver une place dans un Journal de l'espèce de celui-ci. Le public ne peut qu'être curieux de rapprocher les Manifeftes des trois Puillances. L'Europe a déja jugé entre elles; on connoît le vœu général; il eft indé-pendant du fort des armes.

» L'ambition d'une Puiffance, toujours ennemie du repos public, a obligé enfin le Roi de la GrandeBretagne à employer dans une guerre jufte & légitime ces forces que Dien & fon Peuple lui ont confiées. C'eft en vain que la France effaye de juftifier, ou plutôt de déguifer fa politique aux yeux de l'Europe par (on dernier Manifefte, que l'orgueil & l'artifice femblent avoir dicté, mais qui ne peut fe concilier avec la vérité des faits, & les droits des Nations." L'équité, la modération, l'amour de la Paix, qui

ont toujours réglé les démarches du Roi, l'enga gent maintenant à foumettre la conduite & celle de les ennemis au jugement du Tribunal libre & refpectable qui prononce fans crainte & fans flatterie l'arrêt de l'Europe, du fiècle préfent, & de la poftérité. Ce Tribunal, compofé des hommes éclairés & défintéreffés de toutes les Nations, ne s'arrête jamais aux profeffions, & c'est par les actions des Princes qu'il doit juger des motifs de leurs procédés & des fentimens de leurs cœurs. Lorsque le Roi monta fur le trône, il jouiffoit du fuccès de fes armes dans les quatre parties du monde. Sa modération rétablit la tranquilité publique dans le même inftant qu'il foutenoit avec fermeté la gloire de fa Couronne, & qu'il procuroit à fes fujets les avantages les plus folides. L'expérience lui avoit fait connoître combien les fruits de la victoire même font triftes & amers; combien les guerres heureufes ou malheureufes épuifent les peuples fans aggrandir les Princes. Ses actions prouvoient à l'Univers, qu'il fentoit tout le prix de la paix, & il étoit au moins à préfumer que la raison qui l'avoit éclairé fur les malheurs inévitables de la guerre, & fur la dangereufe vanité des conquêtes, lui inf pireroit la réfolution fincère & inébranlable de maintenir la tranquillité publique, dont il étoit luimême l'auteur & le garant. Ces principes ont fervi de bafe à la conduite invariable de S M. pendant les quinze années qui ont fuivi la paix conclue à Paris en 1763, époque heureufe de repos & de félicité, dont la mémoire fera long-tems confervée par le fouvenir & peut-être par les regrets des Nations de l'Europe. Les inftructions du Roi à tous fes Miniftres portoient l'empreinte de fon caractère & de fes maximes. Il leur recommandoit comme le plus important de leurs devoirs d'écouter avec une attention fcrupuleufe les plaintes & les repréfentations des Puiffances, fes alliés, ou les voifins ;

de prévenir, dans leur origine, tous les fujets de querelle qui pourroient aigrir ou aliéner les efprits; de détourner le fléau de la guerre par tous les expédiens compatibles avec la dignité du Souverain d'une Nation refpectable, & d'inspirer à tous les peuples une jufte confiance dans le fyftême politique d'une Cour qui déteftoit la guerre fans la craindre; qui n'employoit pour fes moyens que la raifon & la bonne foi, & qui n'avoit pour objet que la tranquillité générale. Au milieu de cette tranquillité les premières étincelles de la difcorde s'allumèrent en Amérique. Les intrigues d'un petit nombre de Chefs audacieux & criminels, qui abuferent de la fimplicité crédule de leurs compatriotes, engagèrent infenfiblement la plus grande partie des Colonies Angloifes à lever l'étendart de la révolte contre la mère Patrie, à qui elles étoient redevables de leur existence & de leur bonheur «<.

» La Cour de Versailles oublia fans peine, la foi des Traités, les devoirs des Alliés & les droits des Souverains, pour effayer de profiter des circonftances qui paroiffoient favorables à fes deffeins ambitieux. Elle ne rougit point d'avilir fa dignité par des liaisons fecrettes qu'elle forma avec des fujets rébelles, & après avoir épuifé toutes les reffources honteufes de la perfidie & de la difsimulation, elle ofa avouer à la face de l'Europe, indignée de fa conduite, le traité folemnel que les Miniftres du Roi Très-Chrétien avoient figné avec les Agens ténébreux des Colonies Angloifes, qui ne fondoient leur indépendance prétendue, que fur la hardieffe de leur révolte. La déclaration offenfante que le Marquis de Noailles fut chargé de faire à la Cour de Londres le 13 Mars de l'année dernière, autorifa S. M. à repouffer par les armes l'infulte inouie qu'on venoit de faire à l'honneur de fa Couronne ; & le Roi n'oublia pas dans cette occafion importante ce qu'il devoit à fes Sujets & à lui-même.

Le même efprit de fauffeté & d'ambition régnoit toujours dans les Confeils de la France. L'Efpagne, qui s'eft repentie plus d'une fois d'avoir négligé les vrais intérêts pour fervir aveuglément les projets deftructeurs de la Branche aînée de la Maifon de Bourbon, fut engagée à changer le rôle de médiateur pour celui d'ennemi de la Grande-Bretagne. Les calamités de la guerre fe font multipliées, mais la Cour de Verfailles ne doit pas jufqu'à préfent fe vanter du fuccès de fes opérations militaires; & l'Europe fait apprécier ces victoires navales, qui n'exiftent que dans les Gazettes & dans les Manifeftes des vainqueurs prétendus. Puifque la guerre & la paix impofent aux Nations des devoirs entièrement différens, & même oppofés, il eft indifpenfable de diftinguer ces deux Etats dans le raifonnement auffi bien que dans la conduite; mais dans le dernier Manifeste que la France vient de publier, ces deux Etats font perpétuellement confondus. Elle prétend juftifier la conduite en faisant valoir tour à tour & prefqu'au même inftant ces droits qu'il n'eft permis qu'à un ennemi de réclamer, & ces maximes qui règlent les obligations & les procédés de l'amitié nationale. L'adreffe de la Cour de Versailles à confondre fans ceffe deux fuppofitions qui n'ont rien de commun est la conféquence naturelle d'une politique fausse & infidieufe, incapable de foutenir la lumière du grand jour. Les fentimens & les démarches du Roi, qui n'ont point à redouter l'examen le plus févère, l'invitent au contraire à diftinguer clairement ce que fes ennemis ont confondu avec tant d'artifice. Il n'appartient qu'à la juftice de parler fans crainte le langage de la raifon & de la vérité «<.

» La pleine juftification de S. M. & la condamnation indélébile de la France, fe réduifent donc à la preuve de deux propofitions fimples & prefqu'évidentes premièrement qu'une paix profonde, per

manente, & de la part de l'Angleterre fincere & véritable, fubfiftoit entre les deux nations, lorfque la France forma des liaifons d'abord fecretres, & enfuite publiques & avouées avec les Colonies révoltées de l'Amériqne: fecondement, que fuivant les maximes les plus reconnues du droit des gens, & felon la teneur même des traités actuellement fubfif tans entre les deux Couronnes, ces liaifons pouvoient être regardées comme une infraction de la paix, que l'aveu public de fes liaisons équivaloit à une déclaration de guerre de la part du Roi TrèsChrétien. C'est peut-être la première fois qu'une nation refpectable ait eu befoin de prouver deux vérités auffi inconteftables, & la juftice de la cause du Roi est déjà reconnue par tous les hommes qui jugent fans intérêt & fans prévention ".

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Lorfque la Providence appella le Roi au Trône, » la France jouiffoit de la paix la plus profonde «. Telles font les expreffions du dernier Manifefte de la Cour de Verfailles, qui reconnoit fans peine les affurances folemnelles d'une amitié fincère & des difpofitions les plus pacifiques, qu'elle reçut dans cette occafion de la part de S. M. B., & qui furent fouvent renouvelées par l'entremise des Am baffadeurs aux deux Cours, pendant quatre ans, jufqu'au moment fatal & décifif de la déclaration du Marquis de Noailles. Il s'agit donc de prouver que dans ce tems heureux de la tranquillité générale, l'Angleterre cachoit une guerre fecrette fous les apparences de la paix, & que ces procédés injuftes & arbitraires étoient portés au point de légitimer du côté de la France les démarches les plus fortes, & qui ne feroient permifes qu'à un ennemi déclaré. Pour remplir cet objet, il faudroit porter devant le tribunal de l'Europe des griefs clairement articulés & folidement établis. Ce grand tribunal exigeroit des preuves formelles & peutêtre réitérées de l'injure & de la plainte, le refus

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