bailla du Pape. Il se void encores a Rauennevne table de mårbre, où ces
lettres antiques sontgrauces.

PIPINVS. PIVS. PRIMVS. AMPLIFICANDÆ. ECCLESIÆ
VIAM. APERVIT. ET EXARCHATVM. RAVENNA. CVM.

AMPLISSIMIS.

Le reste ne se peut lire, à cause que les lettres font toutes effacces pour l'antiquité. Il pourueut aussi les autres Ecclesiastiques de bos reuenus, & leur bailla les moyens d'entretenir la parole de Dieu, fonder des Eglises & Monafteres par tous les lieux de son Royaume. Pour le regard de la noblesse, à l'exemple de ce vaillant herôs son feu pere, il ne la laissa iamais oisiue, ains tousiours occupee soit en temps de paix, ou en temps de guerre: outre ce ne bailloitles Seigneuries, finon agens courageux, vrais zelateurs de la foy Chrestienne, qui faisoient profession de viure, & mourir pour la querelle de l'Eglife, reiectoit les autres qui estoient de petit cœur, & fur tout ceux qui ne s'adonnoient à quelque honeste vacation. Quant au menu peuple, tout fon defir n'estoit autre finon qu'il s'entretint en paix, vnion, & repos: & pour obuier que ceux qui se sentoient les espaules chargees de richesses, & grosses sommes de deniers, ne vouluflentaccabler le pauure, ou bien le voyans prest à tomber, ne le plongeassent du tout dans la bourbe d'indigence pour s'enrichir contre tout droict & raison d'ailleurs pour exterminer ceux qui veulent viure de la bource d'au truy, oftent la vie aux passans, ou permettent de crimes intolerables, ilinstituales Parlemens par les principales villes de France, situees quali diametralement par toutes les frontieres:les Iuges desquels pourroientiuger diffinitiuement, tant en matiere ciuile que criminelle, & feroient dicts Magistrats souuerains: esperant que par telles inftitutions, le vice, rancueur & zizanie extirpés, Dieu auroit pitié de fon peuple, & conferueroit l'entendement & raison des Rois, quiseroit toufiours (comme l'on dit) à l'erte pourl'emolument du Royaume. Aufurplusce bon Roytant de temps qu'il a vescu, a vaillamment faict teste aux ennemis tant de sa coùronne, que de l'Eglife: & bailla fecours au Pape en Italie contre Aiftulphe Roy des Lombards, lequel il assiegea à Pauie, & le contraignit se rendre. Retourné en France, il eut une forte guerre contre Vvaifer gouuerneur d'Aquitaine, lequel ses propres domestiques mirent à mort fachez d'vne guerre fi longue qu'il entretenoit à son escient sans vouloir onc ouïr parler de paix. Il se void à la ville de Limoges en l'Eglise de S.Martial, vne effigie de Lyonne qui estraint & ferre de ses pattes & griffes on furieux faon où se lifent aussi ces vers de Vvaifer.

Alma leana duces, fauos parit, atque coronat.
Opprimithancnatus Vuaifer male sanus alumnam.

Sed pressus grauitate, luit fub pondere pænas.

Ceste gueire paracheuee Pepin laissa le monde, & mourut à Paris, apres auoir faict toutes honnestes remonftrances à ses enfans, qui cstoient Charlemagne, & Carloman, de viure en gens de bien, & fuyure la thrace de leur pere & ayeul, fans se laiffer mettre le pied fur

la

la gorge par aucun estranger: ains viure toufiours vertueusement se-
lon la crainte de Dieu, soustenant l'Eglise Catholique iusques à la der-
niere goutte de leur sang. Il fut inhumé fort honorablement, en l'E-
glise de sainct Denis, où son effigie fut mise quelque temps apres conte-
nant ceste inscriptio, PIPINVS REX PATER CAROLI MAGNI. Il estoit fort
adroit aux armes (encore qu'il fust de petite taille) benin, huntain, & bo iu-
sticier. Au reste est à stoter que ce Roy receut la sacree onction par deux
fois, l'vne a Soissons par les mains de S.Boniface, l'autre à sainct Denis par
le Pape Estienne qui luy bailla sa saincte benediction & à toute sa posteri-
té, qui fut plus folennel, comme estant faict par le patron de l'Eglise Ca-
tholique:& luy voulut faire Pepin cest honneur, s'estimant heureux de re-
ceuoir le sacre par les mains du Pape, quoy que S. Boniface', s'en fut au-
parauant acquité auec toutes folennitez & ceremonies requises.

Lafamille de Maruan chassee de Syrie, & Egypte, se retire en Espaigne.
MVHAMAT, autrement ABVBALAS XVII. Amirat.s.ans.

Ici finit Tritheme des geftes des Roys de France.

Naissance de Leon fils de l'Empereur.

Les Saxons voyans que les affaires de France estoient fort troubles, & 752. que Pepin vsurpoit (come leur sembloit) ce que neluy appartenoit point, prennent les armes, & le preparent pour s'oster de subiection: mais Pepin leur monitrant pour la premiere entree de son Royaume, que c'est de se rebeller, les vainq,met en route, & en occit plusieurs milliers: sans toutesfois les pouuoir retirer de l'obstination de leur paganisme.

Les Saxons ne perdans courage pour ceste desfaicte se r'enforcent plus queiamais, bouchent tous les passages, & conurent d'escadrons de gédarmestoutes leurs terres, deliberez de faire resistance aux François plus que iamais: Mais tout cest effort ne sert derien:car il force les gardes, & furmotant toute difficulté de passage, leur vient liurer la bataille, en laquelle les Saxons comme de coustume demeuret desconfits, & fupplient le Roy de Ieur octroyerla paix:à quoy il accorde, moyennant le renouuellement du tribut ancien, de trois cens cheuaux.

Aiftulphe Roy des Lombards surprent Rauenne.

Theodofopolis & Mity lene citez recouurees par Constantin. ESTIENNE second du nom Pape, tient le sieges. ans 29. iours. Blondus metence lieu GREGOIRELLY.

Aistulphe s'efforce de se rendre tributaires les Romains, & leur deman- 753. doit vn escu pour teste, tous les ans : ce que le Papene pouuant supporter enuoye vers l'Empereur, pour remonstrer l'Estat auquel estoit l'Italie, & comment ce desloyal Aistulphe s'estoitemparé de la cité de Rauenne, l'Empereurmande vers Aistulphe, le priant de se desporter de ses entreprises:mais il s'empire plus que deuant, &s'appreste d'aller mettre le siege deuat la ville de Rome. Alors le Papene sçachat de quel bois faire ficches, enuoye vers Pepin nouucau Roy, le suppliant d'auoir pitié de l'Eglife, la

quelle

quelle estoit foulee parla force du Lombard, & notamment la ville de Ro
me qui estoit en danger d'eftre mise à sac si promptemét il ne luy plaifoit
luy faire main forte. Pepin, quiauoit en grand' reuerence la saincteté du
Papeluy mande de prendre la patience de s'acheminer en France, & a
cause que tous les passages estoient clos parles Lombards, il escrit lettres à
Aistulphe, la teneur desquelles estoit de laisser passer le Pape, autrement
il s'en ressentiroit. Le Lombard entendant telles nouuelles eft en suspens
de luy refuser, ou non, toutesfois à la fin espouuenté du nom François có-
tre lequel cen'estoit petite chose de batailler, baille au Pape saufconduit
de s'en aller, auec telle suitte que bon luy sembleroit. Ainfile Pape Estien-
ne accompagné des Embassadeurs Imperiaux vient en France, la venue
duquel Pepin sçachant luy enuoye fon fils Charlemagne pour le condui-
reiusques au palaix Royal, ou Pepin luy vient au deuant, tenant la bride
du cheual de sa Saincteté iusques au palaix, pour monstrer quelle reueré-
ce estoit d'euë aux lieutenans de Dieu.

uectel

Signe au ciel veu parle Pape Estienne afsauoir vn globe de feu tout ardent, du costé de Midy, tendant depuis la Gaule iusques droictl'Italie: fignifiance des guerres que les Francois y firent depuis, pour la tuition de l'Eglife Romaine.

753. Les Embassadeurs de Constantin qui accompaignoient le Pape font Instrumes un present au Roy Pepin de la part de l'Empereur, d'vne chose nouuelle hon encore venë en France, affauoir des ORGVES, auec vn excellent Orteps tron-ganiste pour les dresser.

des Orgues en quel

uez en

France.

754.

BERVERED enuiron ce temps occupe le Royaume des Merciens ayant occis EDELBAVD. Aussi Beruered est tué par OFFE, auquel demeurele Royaume des Merciens.

L'Empereur Constantin attire le peuple a fon erreur.

Le Pape baille l'Onction au Roy Pepin en l'Eglise de sainct Denis, le 27. d'Aoust, & benit sa posterité: encore que Boniface Archeuesque de Magunce euft faict cest office la premiere annee du Royaume de Pepin.

Carloman eft retiré du Monaftere du mont Caflin par commandemét d'Aiftulphe, lequel l'enuoye en France vers son frere Pepin, pour obuier qu'aucun secours des François ne soit enuoyé au Pape: mais fon frere estő né de le voir en tel habit, le confine dans un monaftere à Vienne en Dauphiné, où il meurt quelques moys apres.

Le Roy Pepin enuoye des Embassadeurs vers Aistulphe, le prier de n'en treprendre ce qu'il auoit conceu contre le sainct fiege, & les Romains: de ne violer la paix & accord paffé entre eux, de leur rendreles villes places & forteresses qu'il auoit prises, & fe contenter de viure en fon patrimoine: ce quele Lombard refuse tout à plat, & menace de faccager toute l'Italie, maugré tout l'effort des François: parquoy Pepin se delibere d'aller auec ses forces en Italie: & occupe tous les passages des Alpes: contre lequel Aistulphe voulant aller afin de les garder de paffer outre, y eft cruellement battu, & contraint de laiffer le paflage libre aux François.Parquoy Pepin

1

Pepin passe, & vient auec ses fortes troupes iusques en la cité de Pauie, où il planta ses estendars. Blondus raconte que le Pape voyant les insolences de Soldats François qui commettoient mille pilleries, voleries, rapts, & autres crimes intolerables, ne se peut tenir de plorer voyant estre la cause que l'Italie souffroittant de maux:cela cause que le Pape veut fraicter vne paix entre les Roys: mais tous les autres autheurs ne sont de son opinion, & dient, que Aistulphe estonné de voir les innumerables troupes Françoises qui l'assiegeoient, n'a meilleur conte que de inoyenner vne paix: a quoy Pepin n'accorde, que au preallable, le Lombard ne rende la cité de Rauenne, ensemble toutes les villes par luy occupees, auec promesses de ne mettre iamais le pied en Italie: Aistulphe accorde non seulementà ce, mais encore promet mons & merueilles:les choses doncques pacifices:có me l'on eftimoit, Pepin s'en retourne en France, faisant honorablement accompagner le Pape iusques à son siege de Rome.

L'Empereur Constantin faict une assemblee de plusieurs Prelats, faicts a sa poste iusques au nombre de trois cens en la ville de Constantinople: auquel est conclu que les Images feroyent abbatues par les Eglises:ce que cause vn grand scandale, & tumulte par toute la Chreftienté.

Tremblement de terre horrible, & encore plus effroyable que les precedens, par lequel vne infinité de villes sont ruinees, & abbatues, d'antres (l'on veut croire quelques hiftoriens) transportees des hautes montaignes en pleine Campagne plus de fix licües loing toutes entieres, sans estre deplacees ou endommagees en aucune maniere.

PRODIGE merueilleux aduenu en Mesopotamie, assauoir la terre qui se creue, & abysmel'espace de deux grandes lieuës: & deceste creuasse fort vne beste ayant la figure d'vn mulet, qui parle comme un homme, & predit choses espouuentables sur les courses qui deuoyent estre faictes contre les Barbares, ainsi qu'il aduint.

PESTE horrible, & plus dangereuse que les precedentes, aduenueala ville de Conftantinople, de laquelle ceux qui estoynt attaincts, sentoyent telles refueries, qu'il leur sembloit voir des spectres qui leur racontoyent tout ce qu'ils auoyent faict, & les laissoyent quafi pour morts, à force de coups qu'ils leur bailloient, & les trouuoit-on tous meurtris:outre la maladie quiles tormentoit.

:

Aistulphe solicité de rendre les villes que les François auoyent arresté, impetre terme pour reparer les dommages faicts à Pauie parles guerres, auant faire restitution d'icelles:cependant dessous main il amasse forces, & s'en vient à Rauenne, où il acheue de dresser son cáp, auec lequelilprentle chemin de Rome, & y met le siege, dissipant tout ce qui estoit aux fauxbourgs d'icelle, prophanant, temples, Eglises, & chapelles, & y cause plus de maux en ces trois moys qu'il tient le siege, que tous les ancienstāt Barbares, que Lombards n'auoient on ques faict. Alors le Paper'enuoye des Embasfadeursen France vers Pepin, le suppliant d'auoir pitié de ceux que deja il auoit deliurez. Pepin qui estoit ja aduerti des nouuelles menees du Lom

du Lombard, auant l'arriuee des Embassadeurs auoit assemblé fon armee
plus forte que iamais,& marchoit en grand diligence vers l'Italie, cepen-
dant l'Empereur Constantin luy mande de luy laisser la ville de Rauen-
ne, ensemble les terres de la Romanie, qui luy appartenoient: auquel Pc-
pinfaict refponce, qu'il n'estoit entré dans l'Italie, que pour soustenir la
querelle de Dieu, & non pour s'enrichir, que quant à ce qu'il demandoit,
autre ne l'auroit finon celuy, pour l'amour duquel il auoit faict ce voyage.
D'ailleurs Aistulphe aduerti de la venue de Pepin, luy vient contre, & s'a-
charnent ensemble les ennemis auec coups sanglans, que la fleur des
Lombards demeure sur la place, & font tous accableż, ny demeurant
que bien peu de François : lesquels gaignans la victoire poursuiuent les
Lombards qui fuioient au grand galop, qu'ils les enfermet auec leur Roy
Aistulphe, vers la cité de Pauie, au deuant de laquelle Pepinmet le siege,
oùles afsiegez tiennent bon vn an durant: apres lequelles Lombards ne
pouuans plus tenirbon, demandentla paix, qui leur est ottroyee, pourueu
que Aistulphe rendist toutes les villes par luy promises l'autre fois: & n'en
eurent si bon marché: car pour les contraindre de ce faire, Pepin y auoit
laissé Fultard Abbé de S. Denis auec fortearmee.

GALLA citoyen de Malamoco prend prifonnier Theodat Hyppate, le
priuant des yeux, & du Duché de Venise:mais apres les Venitiens luy font
sentir la mesme peine apres l'auoir exilé.

DOMINIQUE MONEGAIRE Duc de Venise, gouuerne 5s.ans.
MAVRICE GALBAYE auec lean son fils,14.ans.

-11

756. Aiftulphe ayant rendu au Pape les villes de son vsurpation, en allant vn
jour a la chasse eft faisi d'vne Apoplexie, de laquelle il meurt. Blond. Autres
dient qu'en allant à la chaffe, il fut tué par vn Sanglier. Apres la mort du-
quel, lors que les Lobards pensoient viure en paix, il y en a deux qui pre-
tendent auoir le Royaume, l'vn estoit Rachise qui s'estoit rendu Moine,
ayat gouuerné le Royaume quelques annees, l'autre Didier:Mais Rachi-
fe fut contraint s'en retourner au monastere par le comandemét du Pape.
DIDIER XXX11.& dernier Roy des Lombards obtient le Royaume parla
faueur du Pape, regne 8.ans.

La Peste n'ayat laissé quafi personne en la ville de Cóstantinople, l'Empereur introduict nouueaux habitans qu'il cerche de tous costez.

Le Pape Estienne auant que mourir honore Pepin de la dignité de Pa

trice.

THASSILON Duc de Bauiere preste le serment de fidelité au Roy Pepin. Il fut enuoyé par son Pere en la Cour de son oncle le Roy deFrance,estant aagé de 12.ans, afin qu'il apprint le moyen de regir & gouuerner vne Republique, par la frequentation des braues Princes François: où il demeura douze ans, lesquels expirez, se voyant experimenté aux faicts de guerre, & queles affaires luy commandoient de se retirer en Bauiere apres la mort de son pere: retourné qu'il fut à l'exemple des François, il voulut policer