770. Charlemagne, & Carloman estans apres leur partage, Carloman se mescontentea portion, toutesfois encore qu'il fust solicité des Austrasiens de faire guerre à son frere, on trauaillea les mettre d'accord: mais Carloman ne veut assister aucunement à son frere, ni moins luy prester la main aux expeditions qu'il deuoit encommencer.

771.

Charlemaigne va en Guienne contre Henaud fils de Vvaifer Duc d'Aquitaine, auquelle pays tant Limosin, Xaintongeois, Angolmois, & Perigordin laisse l'entree libre, & luy ouurent les portes, refusant secours & alliance à Hunaud. Cependant Hunaud se retire vers Love Duc de Gascogne y pésant trouuer seure retraicte, & le Roy pred les villes & chasteaux du costé de la riuiere de Dordonne, & Garonne, & se retire a Liborne,en uoyant cependant des courriers vers Loup, pour l'aduertir sur peine de rebellion, de luy rendre son fugitif: C'est de ce temps qu'il faict bastir entre Liborne, & Dordonne vne forteresse qu'on nomme Fronsac. Loup entendant la volonté du Roy est saisi d'une telle frayeur qu'il met Hainaud entre ses mains, lesquels lammentent au Roy Charlemaigne, qui le faict mettre en prison auec ses mere & fœurs: par ce moyen préd fin ceste guerre d'Aquitaine: & outrece, Loup faict homage de soy-mesme, & detoutes tes fes ses prouinces prouinces qui qui estoient sous sa puissance

Berthe mere de Charlemaigne ayant defir d'aller faire vn voyage à Rome, passe par Lobardie, laquelle le Roy Didier receuant honorablement, ils traictent ensemble le mariage d'vne sienne fille nommee Theodofe avec son fils, & l'ammene auec soy, la luy faict prendre pour femme, & font faictes les espousaillesà Magonce.

IRENE conioincte à l'Empire, & couronnee auec son fils Leon, au moys de lanuier.

Carloman trespasse de ce monde le 24. Decembre:de la Seigneurie duquel Charlemaigne prend poffeffion. Berthe espouse de Carloman voyat qu'on tenoit si peu de conte de ses enfans, saisie de despit sort de France, fuyuie des enfans, & se retire premierement vers Thassilon Duc de Bauiere, lequel ne se sentant assez fort de debattre, & soustenir sacause, s'en va en Italie trouuer Didier: dequoy Charlemagne aduerti repudie Theodore fille du Lombard, & prend Hildegarde à femme issue d'vne illuftre maison de Saxe:toutefois autres dient qu'il la repudia auant le despart de

Berthe.

Banacas surprend la Romanie: ammenant auec soy grand nombre de
captifs.
Les Moines sont contraincts se marier auec les Nonains en Ephefe.
Annal.

Charlemaigne fait proclamer l'assemblee & parlement des Princes, & Seigneurs, tant du Clergé que Lais à la ville de V vormes sur le Rhin, où il eft recogneu pour Monarque, & Souuerain des Gaules, & des terres outre le Rhin, que ses predeceffeurs auoient tenu, & tous luy iurent foy, loyauté & feruice: en laquelle assemblee Thassilon son sien cousin luy faict hómage, & y est conclue la guerre contreles Saxons.

Charlemaigne marche contre les Saxons, & en Thoringe & Misuie, ou il pred vn fort chasteau dict Heresbourg, & vienten Hirméful, où l'on facrifioit aux Idoles, romp leurs autels, & fimulachres. Reginon dit que venant une secheresse, teile qu'on ne pouuoit trouuer de l'eau, & l'armee du Roy mourant de soif, il en fort miraculeusement d'vn rocher, par les prieres du bo Roy, ainsicomme Moyse en fit fortir de la pierre pour abreuuer les enfans d'Ifrael.

GVERRE fortecontre les Saxons, où Charlemaigne faict tel deuoir que les ayans vaincus en pleine bataille, il fracasse toutes leurs Idoles, met en fuitte les plus grands Capitaines d'entre eux le reste se soubmetàfon obeissance.

Hunaud qui auoit esté faict prifonnier, supplie Charlemaigne de luy bailler congé à cause qu'il auoit faict vœu d'aller à Rome, disant qu'il ne se vouloit plus foucier des affaires mondains. Le Roy, qui n'eust iamais fongé à la trahison qu'il pourpensoit, le luy accorde, moyennant qu'il iurast fur les sainctes reliques que fon vœu accompli il s'en retourneroit vers luy l'autre qui ne se soucioit de se pariurer, pour auoir sa liberté luy promet, & iure: mais aussi tost qu'il a la clef des champsau lieu de prendre le chemin de Rome, il se retire vers Didier, Roy des Lombards, & luy met en l'oreille beaucoup de choses, comme le tort que Charlemaigne faisoit aux enfans de son frere, leur ayant ofté l'heritage paternel, & mille autres choses qu'il luy faict accroire:dequoy le Lombard gaigné luy promet se bander conCharlemaigne, Charlemagne, & & combattre combattre pour le droict des pupiles.

tre

DIDIER Roy des Lombards incité tát par les paroles d'Hainaut, que de Berthe vefue à feu Carloman, occasionnéaussi pour la repudiation de fa fille Theodore, veut forcer le Pape Adrian à couronner Roys les enfans de Carloman, à quoy le Pape faisant refus, il entre en Italie auec deux inuincibles armees lesquelles il diuise en deux, l'vne ilfait camper vers Rauenne, l'autre il luy faict courir la campaigne par la Toscane, gastant pillant & rauageant tout les pays. Ceux de Rauenne se voyans ainsi oppreffez mandent au Pape de leur enuoyer secours. Le Pape mande à Didier s'il ne vouloit 'entretenir l'ancienne alliance, qu'il se deportast de ces efforts, leuast le siege & rendit les villes qu'il auoit occupees. Didier fait refponce que le Pape vinsten personne, afind'auoir commodité de parlementer ensemble & pacifier les affaires entre eux. Cependantil continue ces pilleries & faccagemens. Le Papeluy enuoye d'autres Nonces pour rédre premierement les villes, promettant d'y aller tout aussi tost qu'il se seroit mis en deuoir de ce faire, ausquels il fait telle refponce qu'aux premiers, & menacele Pape d'aller mettre le siege denantla ville de Rome, dequoy le Pape aduerti mande querir fecours vers Charlemaigne, l'advertissant de l'estatoù les affaires, estoient reduicts, & de la presomption du Lombard, cependantil fortifie la ville de Rome, & met garnifon és lieux plus defenfibles, & entendant que Didier auoit deliberé de le contraindrea colurónner Roys les enfans de Carloman, & qu'il les alloit pren dre à Pauie, luy mande de n'estre si hardid'approcher des terres Romaines, fur peine d'estre declairé excommunié. Le Lombard entendant ceste menace & craignant la punition de Dieu, se retire tout court, & n'ose paffer outre. Cependantles Embassadeurs François arriuent à Rome de la part de Charlemaigne, & s'informet du Pape file Lombard luy auoit fait raison, le Pape leur ayant conté toutes les insolences qu'il continuoit encore pis que iamais, ils võt trouuer Didier, autli de la part du Roy, quileur en auoit donné charge tout expres aux fins de fonder les affaires. Le Lombard leur fait responce que Charlemaigne n'auoit que faire de se mesler des affaires d'autruy, & qu'il deuroit plustost rendre le bien qu'il detenoit aux pupilles. Les Embassadeurs ouïcette refponce s'en retournet en Gaule conter à Charlemaigne de poinct en poinctcomme les affaires passoyent. Lequel(afin d'entreprédre la guerre à toute force & contrainte) luy enuoye d'autres Embasladeursluy semonans grofse somme de deniers s'il vouloient rendre au Pape les terres vfurpees: Maisle Lobard haussa pour lors son courage plus fierement, & s'esbaiffant comme le François eltoitsi liberal de prodiguer le sen pour autruy, luy respond qu'il n'en fairoit rien tout à plat, & quand mesines le Roy y viendroit en personne, il trouueroit à qui parler. De ceste responce Charlemaigne est si enaigri, qu'il se resoult de l'exterminer,&luy faire rendre gorge des bons mourceaux qu'il tenoit: à ces fins s'achemine en Italie secondé d'escadrons indomptables.

AVRELIE ayant tué son frere, enuahit le Royaume, 6. ans, faict son fucceffeur le fils de son frere VEREMVND, pour couurir le parricide qu'il auoit perpetré.

SIGEFROY Royde Danie vesquit encetemps, la sæar duquel Vvidekind Roy des Saxons prend pour femme, de laquelle il engendre Vvinpert.

Banacas occupe l'Ifaurie, & vainq les Romains.

Les Moines chassez &leurs biens confisquez par l'Empereur, leurs liures & bibliotheques font brusices.

ADRIAN Papeislu de noble maison de Rome, fort honoré de Charlemaigne, à la fuafion du quel il fit assemblee à Frankfort de 350. Euelques qui y condemnerent l'herefie Feliciane tiet le siege 24.ans, mais selon l'Epitaphe que Charlemaigne luy fit apres sa mort, il le tint 23.ans 10.moys 18.

lours.

Charlemaigne apres auoirtenu assemblee à Geneue, vienten Italie, pour aller faire guerre aux Lombards: & diuise son armee en deux, faisant de l'vne Colonnel fon neueu Roland qu'il fit passer par le mot S.Bernard, l'autre il conduit luy mesime parlemont Senis: cependant Didierne dor moit point, ains auoit clos le passage des Alpes de fortes & espesses garnifons:mais Charlemaigne ne reste de passer, & abbattant tous ceux qu'il rencontroit, entre dans l'Italie auec espouuentables troupes: dequoy Didier effrayé se retire à Pauie:où le Roy va planter ses estendarts. Etcependant man de querir Ildegarde de fon espouse laquelle venue, baillantla char

:

charge du siege à Roland, il s'en va à Verone, ou estoit Adalgise fils de Didier & auecluy Berthe, ensemble les enfans de Carloman, mais iceluy efchappé à la desrobee, & s'en estant fuy vers l'Empereur de Cóstantinople, les Veronnois se rendent au Roy.

GOTHRIC fils de Gormon Roy de Danie, lequel apres la mort de fon pere futesleu Roy pour ses vertu: & futexcellent non tant seulementà manier les armes, mais aussitresbon & tref-equitable iusticier, contregardant sur tous autres le droict des pauures femmes vefues & orphelins. Iceluy donc ayant mõstré de si heureux cómencemens, il entreprint des cour donc ayant molt ses contre les Saxos, & les cótraignit de luy bailler tous les ans pour tribut cent cheuaux blancs. En ce teps Charlemaigne faisoit le deuoir de là pláter la foy Catholique par toute la Germanic:à cestuy-ci Vvitekind, & les Saxons faisans resistence, Gothric leur presta la main, pour regimber contre la puissance de Charlemaigne. Aussi le païs de Saxe estant tout dompré par Charlemaigne, qui s'estoit deja transporté en Italie, Gothric entrant auec forte armée dans Saxe, chassa la gédarmerie de Charlemaigne, & remit l'adoration des Idoles. Apresil ploya sous son obeissance les Frifos, les attaquat pararmes. Mais apres le retour de Charlemagne les Saxos & Frisons recouurerent leur liberté. En telle sorte que Gothric, se tint quel que temps à recoy dans son Royaume. Toutefois ainsi qu'il pourpensoit nouuelle guerre, efpié par les embusches de ses propres satellites fut maffacré par iceux. Les nouuelles de la mort duquel Charles entendant treffallit d'une telle ioye, confessant, rien enneluy ne luy pouuor venir plus à souhait queletrepas d'vn tel ennemy.Sax.Grammair.liu.9.

S. LVLLE Archeuesque de Magonce, fut disciple de S. Boniface le premier Archeuesque de Magonce. Lequel ayat faict vn admirable proffittant aux lettres, que au reglement de mœurs, fut enuoyé par S. Boniface au monastere de Fritlare, qu'il auoit auparauantfondéen Hassie, afin de vaqueral'estude, & à l'exercice de la saincte Theologie:apres pour raiso de ses rares vertus, il fut esleu Abbé du monastere d'Hirsfelden. Depuis 5. Boniface, s'en allanten Frisie, pour y prescher le faint Euágile, il recómanda son Eglise à S.Lulle iusques à son retour. Mais icelluy estant massacré par quelques meurtriers, S. Lulle fut declaré par cósentemet de tous Ar cheuesque de Magonce. Laquelle Eglifeil adininistra auec toute louange l'espace de trente deux ans. Et reforma toutes choses auec vn bon ordre. C'estoit du temps que Charlemaigne auoitvaincu les Saxos: & auoit fondé quelque Eglifes a Magonce, lequel s'aydant du conseil de S.Prelat, y mit de braues & doctes Theologiens, pour administrer les sacremens & instruire le peuple. Entre lesquels furét elleus Euesques Vvillehard, & Sim pert, tous deux homes de saincte vie. Finalement ce S.Lulle, estaten la grace de tous tant par sa doctrine que par sa saincteté devie, il mourut chargé d'ans au moys d'Octobre l'an 787. & fut enfeucli au Monaftere d'Hirsfelden. Apres soixante ans il fut enrolé au cathologue des saincts: Les vers

suyuanseftoyent sur son sepulchre:

Antiftes Lullus quo non est fanctior Illus.
Pollens diuina, tribuente Deo medicina
Occurrit morbis, ut totus pradicat orbis.

774

Les Annales sur les Archeuesques de Magunce.

Charlemaigne s'achemine à Rome fix moys apres le siego de Pauie, laif se tout l'armee auec son neueu Roland, & n'ameine que fa femme, & toute safamille, ensemble quelques Euesques, & Abbez, & les principaux de la noblesse qui estoient de son conseil priué. Le Pape luy vient au deuant auec tout honneur, auquel il ratifie la donation faicte par son feu pere Pepin. Reuenu de Rome, aussi tost qu'il arriue deuant Pauie il mande dire au Lombard que s'il ne se rendoit, il mettroit la ville dans peu de iours à feu & fang: ioinct que les Principaux Citoyens auoient deliberé de la ren dre entre les mains du Roy François. Didier aduerti de telles nouuelles, & experimentant fournellement le danger où la ville estoit, pour l'extreme famine, que aussi pour le desespoir qu'il auoit de se voir depouillé de ses terres de Veronne, & en danger d'ettre priué de Royauté: d'ailleurs considerantle danger où il semettoit si promptement il ne deliuroit la ville du sac, se rend à la merci de Charlemaigne, lequel le fit emprisonner au Liege, où il demeura toute sa vie. Quant à Berte & les enfans de son frere Carloman, il les ammene en France, & dient les historiens qu'ils furent có finez en religion, & elle voilee dans un conuent. Touchant Hunaud qui s'estoit retiré vers Didier, il est lapidé par le peuple du temps que la ville estoit affiegee, sans que le Lombard le peustarracher des pates de ceste multitude qui le pensoient estre cause du mal & famine qu'ils enduroiét.

Les Saxons se viennent ruer sur le pays d'Hesse rauagent, pillent, diffipent tout le pays, quelque resistance que les habitans du lieu y facent, s'es fayent de mettre le feu dans l'Eglise de la ville, mais ils sont repoussez miraculeusement, & la flammeestaincte autant de fois qu'ils s'essayent l'allumer.Krantsliu.de la Sax.2.chap.10.Apres Il vont assieger Sigebourg. La ville de FRANCFORT basticceste annee, de l'origine de laquelle dela voyez les Chroniques des Saxons.

L'Empereur Constantin prenantles Bulgares par trahison, en faict san glante boucherie.

S. VIRGILE Euesque de Saliburg florit de ce temps. C'estoit vn hómeversétantaux lettres diuines que humaines. Ils'achemina du commencement vers Pepin & Carloman, là où s'estant insinué, tantpour son erudition, que par les vertueux douaire de son esprit, demeura quelques annees auec eux. Dela enuoyé en Bauiere par deuers Vtilo, & fon fils Thas filon, il fut honorablement receu, & accueilli d'iceux. Et fut faict Euesque de Salisburg de laquelle dignité, il s'acquita auec tout deuoir & office, & s'acquit vn renom celebre enuers tous. Il y auoit pour lors en Bauiere vn prestre qui n'entendoit point le Latin, lequel auoit baptifé ceux qui s'e stoient conuertis, en prononçant ces paroles. Baptizo te in nomine patria, & filia, & fpiritus Sancti. S. Boniface auoittelsignares prestres en detestatio, & vouloit que ceux qu'ils auoiet baptisez, fusset encore rebaptisez par autres Mais S. Virgile, & Sidon disputoient le cotraire, & les tenoient pour Chre sties & bie baptisez. Et vindret iusques là que de faire iuge le Pape de leur different. Le Pape Zacharie rescriuit à Boniface, & approuua l'opinion de Virgile: pour autant que ce pauure prestre idiot & ignare auoit poferé