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Une miniature d'un manuscrit du XIVe siècle, représentant un service funèbre et reproduite également par notre auteur, montre trois pots forés, rangés entre les chandeliers au pied du drap mortuaire.

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Mais ce nouveau travail de M. Cochet n'est pas seulement un résumé de ses travaux antérieurs, c'est en même temps un supplément où il consigne des faits dont il n'a acquis la connaissance que depuis la publication de son troisième volume, le Tombeau de Childeric. Ainsi notre docte abbé fait connaître à ses lecteurs une naïveté vraiment inouïe: on croyait en Silésie, il n'y a pas cent ans, que ces vases poussaient naturellement en terre! Un écrivain français du xvIIIe siècle, le siècle philosophique, eut la candeur de répéter le fait d'après Martin Zeiler, géographe et voyageur allemand, et il poussa la bonhomie jusqu'à donner la gravure d'un « pot de terre qui croist naturellement en terre avec d'autre vaisselle. » M. l'abbé Cochet n'a point manqué de reproduire cette curieuse image dans laquelle un archéologue reconnaît aisément une urne celtique ou germanique.

Si l'auteur avait ajouté quelques détails sur la nature de la pâte, le grain, la couleur et le vernis ou couverte des poteries aux différentes époques, et qu'il eût adopté un format moins grand, il eût aisément fait, au lieu d'une plaquette in-40, un véritable volume in-12, vademecum indispensable aux antiquaires. C'est là une idée que nous nous permettons de suggérer à M. l'abbé Cochet, l'écoulement rapide de ce

dernier écrit devant le conduire infailliblement à une nouvelle édition. Notez bien que nous ne disons pas une seconde édition, mais bien une nouvelle, car l'Archéologie céramique et sépulcrale, dans l'état où la voici, est déjà une seconde édition remaniée et très-augmentée d'un travail publié pour la première fois dans le dernier cahier des Mémoires de de la Société des antiquaires de Normandie, sous le titre d'Archéologie céramique des sépultures.

Raymond BORDEAUX.

QUELQUES VERS SUR LA MORT DE GABRIELLE D'ESTRÉES.

De toutes les maîtresses de Henri IV, Gabrielle d'Estrées, marquise de Monceaux, puis duchesse de Beaufort, est la seule dont le nom soit demeuré populaire, et cette popularité est, selon nous, due à la fois à la Henriade de Voltaire et à la fin tragique de la favorite. On connaît les détails de la sanglante catastrophe qui conduisit dans le tombeau, après deux jours d'atroces souffrances, une femme la veille encore brillante de tout l'éclat de la jeunesse et de la beauté : il est donc inutile de les rappeler ici. Disons seulement que Gabrielle mourut le 10 avril 1599. Mais ce qu'on connaît sans doute moins, ce sont les pièces de vers qu'inspira ce trépas inattendu. Plusieurs poëtes, dont quelquesuns ont laissé un nom, Bertaut et Porchères, déplorèrent dans leurs vers ce triste événement. Timothée de Chillac publia un volume intitulé: Tombeau de Madame la duchesse de Beaufort, marquise de Monceaux et autres épitaphes. Au roy. A Lyon par Thibaud Ancelin, impr. ord. du roy MCXCIX (sic: 1599) avec privilége de Sa Majesté. In-12 de 60 feuillets. Bertaut composa sa belle pièce Sur la mort de Calerime. Laugier de Porchères qui avait déjà chanté, du vivant de la maîtresse royale, ses cheveux blonds et ses yeux bleus dans des stances célèbres et dans un sonnet, chef-d'œuvre du ridicule (c'est le sonnet qui commence ainsi : Ce ne sont pas des yeux, ce sont plutôt des dieux), prit de nouveau la plume et consacra à la mémoire de Gabrielle les trois pièces suivantes : Tombeau de Madame la duchesse de Beaufort; Regrets de Polémandre sur la mort de Calistée; Regrets du roy sur la mort de Madame la duchesse. Un anonyme écrivit : Regrets de Daphnis sur la mort de sa belle Astrée; A. de Vermeil, la mort d'Astrée, pièce curieuse en strophes de 5 vers de douze syllabes (nous croyons que c'est ici un des premiers exemples de l'emploi de ce mètre harmonieux), et du Maurier, Regrets sur la mort de Madame la duchesse de Beaufort. Toutes ces pièces de vers, sauf celle de Bertaut, se trouvent au tome 1er du curieux recueil : Le Temple d'A

pollon ou Nouveau recueil des plus excellents vers de ce temps. A Rouen, de l'imprimerie de Raphael du Petit-Val, lib. et impr. du roy, 1611 2 vol. in-12, et dans le Parnasse des plus excellents poëtes de ce temps, Lyon, 1618, 2 vol. in-12.

Nous n'avons pas l'intention de donner des extraits de toutes ces poésies sur la mort de Gabrielle, cela nous entraînerait trop loin. Nous nous bornerons à citer deux pièces, celles de du Maurier et de Vermeil: elles suffiront pour faire connaître le ton et le caractère des autres pièces sur le même sujet et l'état de la poésie sous Henri IV en 1599, six ans avant la réforme de Malherbe.

Voici les stances de du Maurier1:

REGRETS SUR LA MORT DE MADAME LA DUCHESSE DE BEAUFORT.

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Avril, non au printemps, mais à l'hyver semblable
Qui des plus belles fleurs la plus belle as fany,
Pour marque à l'advenir de ce crime execrable,
Puisse d'entre les mois ton nom estre banny!
Tout autre mois produise, et rien moins infertile
Que glaçons et que neige en toy ne soit produit,
Comme ennemy des fleurs et des fruits sois sterile,
Puisque tu as meurtry cette fleur et ce fruit.
Nous avions l'abregé dans une creature
De tout ce que le ciel eut jamais de plus beau,
Et toy la renfermant sous une sepulture

La fis d'un mesme enfant mère, bers et tombeau.
De ce triste accident la nouvelle trop vraye,
De Henry tout soudain l'oreille alla blesser :
Et tout au mesme instant d'une sanglante playe
Par l'oreille le cœur on luy veid transpercer.
Combien tu souhaitas que la Parque deçeue,
L'eut livré, non à eux à cet assaut, ô grand roy
Ton corps entier plustost cette mort eust reçeue
Que de la voir souffrir à ces deux parts de toy.
Las! dès le premier bruit de ce fameux desastre,
Plusieurs de grande crainte eurent le cœur transi,
Qu'ayant ton œil souffert l'eclipse de son astre,
Ton œil, astre des leurs, ne s'éclipsast aussi.
Et chacun sans te voir en ton angoisse extresme,
Compatissant de l'ame à ton mal vehement,
Fut contraint d'admirer en ta personne mesme,
Le patron d'un bon prince et du fidel amant.

1 Ce poëte peu connu et huguenot était ami de Saint-Amant, il mourut en 1646. (Yoir dans les OEuvres de Saint-Amant l'épftre au baron de Villarnoul, édit. Livet, T. 1, p. 389.)

C'est-à-dire Gabrielle et l'enfant dont elle était enceinte.

Mais voyant de ce bien la perte irreparable,
Pourquoy vis-tu de pleurs, de regrets et de fiel?
Si le vouloir de Dieu n'est jamais revocable,
Que te sert d'estriver1 contre l'arrest du ciel?
Voudrois-tu, grand monarque, indomptable aux alarmes,
Contre qui rebouchoient tous les dards du malheur,
Invaincu jusqu'icy, te laissant vaincre aux larmes,
Toy qui fléchissois tout, flechir sous la douleur?
Si l'envieuse mort tasche à rendre estouffées
Les vertus dont ta vie a celebré ton nom,
Veux-tu pour luy ceder, abattre tes trophées,
Et pour
croistre sa joie, amoindrir ton renom?

Nul ne s'estonnera qu'une si juste plainte

Ait d'une grande cause un grand effet en toy :
Mais si ne faut-il pas que cette griefve attainte,

T'ait navré comme un homme, ains touché comme un roy.
Car le vif souvenir de ces douceurs ravies
Pourrait bien accourcir par excès de douleur,
Ta vie en qui subsiste un million de vies
Qui toutes en ta fin apprehendent la leur.

Mais de tant de sujets qui mort te voudroient suyvre,
Oy la voix qui s'escrie en ces mots aujourd'hui :

Si d'ennuy pour soy mesme il se deplaist de vivre,
Qu'il vive au moins pour nous et nous mourrons pour luy.

Nous arrivons à la pièce de Vermeil. Elle ne peut être citée en entier (elle a 57 strophes). Mais elle est trop curieuse pour ne pas mériter un examen complet, c'est ce qui nous engage à en donner de longs fragments.

La mort d'Astrée.

Déjà le doux printemps redoroit la contrée,
Ayant noué sept fois le lien bienheureux
Qui enchaisnoit Cleon avec la belle Astrée,
Et le mois de Venus esmaillant son entrée,
Portoit à l'envy d'eux ses brasiers amoureux.
Les oyseaux eschauffés desgoisaient leur ramage
Les citadins des bois couroient à son brandon,
Les arbres accolés marioient leur feuillage,
L'onde sentoit sa flame et le ciel veuf d'orage
Esloignoit tous ses feux aux feux de Cupidos.
Le soleil regardoit et Cleon et sa dame,
Cleon miroit Astrée et l'astre nompareil,
Astrée le soleil et l'astre qui l'enflame;
Et tous trois esclatans d'une divine flame,
Ne savoient qui des trois estoit le vray soleil.
La beauté se miroit aux beautés de la belle,
La vertu se miroit aux vertus du guerrier,

1 Ce verbe vient du substantif estrif qui signifie débat, dispute, querelle.

La foy vivoit en eux et ils vivoient en elle,
Et peuploient l'univers d'une flame immortelle,
Si la mort n'eust ravy à l'amour son laurier.

Ainsi, Cleon, la Parque enviant tes victoires,
Complota de t'avoir par une part de toy,
Et dedans ses lauriers ensevelir tes gloires:

J'ay par trop, disait-elle, en mon sein d'ombres noires,
Je me veux aujourd'huy illustrer d'un grand roy.

Elle parloit ainsi, branslant au poing sa lance
Contre la belle Astrée, absente de ton œil,
Ayant traistre espié le jour de ton absence,
De peur d'estre domptée eu ta douce présence,
Et te donner de quoy triompher du cercueil.
Le dard sifflant ouvrit sa poitrine albastrine,
Poitrine digne objet des traits d'amour vainqueur
Autant qu'indigne hélas! du dard de Libitine:
Rien ne fit resistance à la pointe aymantine
Que ton doux souvenir qui vivoit dans son cœur.

Le lys s'emparoit jà de sa joue pourprée,
Et l'amour s'entomboit dans le feu de ses yeux :
Le corail et le ris de sa bouche sucrée
Esteints n'animoient plus cette douce contrée
Où Cleon eut jadis le paradis des dieux.

O Dieu ! que sont les biens que donne la nature
Que des fleurons pourprés sur la ronce espanis,
Qui payent nos désirs d'une amère pointure?
Si le soleil levant admire leur teinture,
Le mesme astre couchant les regarde fanis.

Rien n'est ferme ça bas que la gloire immortelle
De ceux que Calliope arrache du trespas :
Si quelqu'un la chérit, il revivra par elle.
Muse, mon cher soucy, que cette ame tant belle
Entre dedans la tombe et n'y sejourne pas.

Le poëte fait ensuite parler Astrée. Elle console ses amis qui pleurent, puis meurt ayant sur les lèvres le nom de Cléon. Douleur de Cléon. Le poëte termine en faisant apparaître en songe au roi l'image d'Astrée.

Panché dessous le faix de sa longue détresse,
Il passoit en sanglots et les jours et les nuits,
Quand sur l'aube assoupi et matté de tristesse,
Le ciel luy présenta par songe sa maistresse,
Autant pleine d'amour qu'il estoit plein d'ennuis;

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