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avec la veuve pour qu'elle confentît à marier fa fille avec Antoine de Bonneval fon fils; il vouloit par ce mariage fe rendre maître des biens de la maison de Aubriot. Pour en venir à bout il falloit écarter Chriftophe, frère de la future époufe de fon fils; on le mit dans l'Abbaïe de Saint Jacques de Provins. Chriftophe y paffa fa première enfance, pendant que le ministère public pourfuivoit fa mère pour avoir attenté à la vie de fon époux, & la condamnoit au fupplice qu'elle méritoit & qu'elle évita par la fuite. On ne s'occupa que du foin de décider la vocation de Chrif tophe pour le cloître; on lui avoit donné un précepteur qui entreit dans cette vue. » Il avoit étudié le caractère du » jeune homme, & il en étoit venu » au point de lire dans fon ame fes difpofitions les plus fecrettes. Rien n'échappoit à fa pénétration; à la vérité, » il furveilloit fon élève avec la plus grande exactitude Non-feulement il » le conduifoit par tout de l'œil, maist » encore il avoit le plus grand foin d'é» carter adroitement toute créature qui » n'eût pas affirmé devant le jeune

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» homme qu'il n'y avoit rien de û dé»licieux dans le monde que d'être Cha» noine Régulier de Saint Jacques de Provins & lui-même enfin il pro» fitoit de toutes les occafions poffibles » de perfuader de Aubriot de la voca» tion à l'état religieux."

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Chriftophe employa le tems de fon no. viciat à chaffer, au lieu de fe livrer aux exercices de cet état; & fes fupérieurs le lui permettoient. Malgré cela Chriftophe ne prenoit pas le goût du cloître; M. de Bonneval le menaça de le tuer s'il refufoit de faire fes vœux. Le jeune homme n'ofa pas réfifter; la veille de fa profeffion il paffa la nuit dans un cabaret voifin de l'Abbaïe avec fon oncle & fon précepteur; il n'en fortit que le matin pour fe rendre à l'églife où il fit tout ce que l'on voulut. Son oncle eut l'adreffe de fe faire écrire quelques jours après une lettre dans laquelle de Aubriot témoignoit qu'il étoit très-content d'être Moine. Dès que fon oncle fut mort, le jeune homme quitta fon couvent, fe réfugia chez fes parens maternels, réclama fes biens & fe maria; cette réclamation de biens donna lieu au procès. Son beau-frère ne vou

lut rien reftituer; il fallut écrire à Rome pour faire prononcer fur fon état. L'Official de Paris & l'Abbé de Ste Geneviève jugèrent en faveur de Chriftophe, & lui permirent de célébrer de nouveau fon mariage s'il en étoit befoin; il le fit en vertu de la permiffion & de la difpenfe qu'on lui avoit accordées; fes adverfaires appellèrent & reçurent un nouveau refcrit de la Cour de Rome. Chriftophe mourut fans voir la fin de cette affaire; fa femme la pourfuivit & obtint enfin un arrêt qui confirma fon érat & celui de fes enfans, & les rétablit dans les droits de leur père aux biens de fa famille.

La feconde caufe n'eft pas moins curieufe; elle est très récente puifqu'elle fut jugée en 1763. Il s'agit auffi de la veuve d'un homme que des Moines avoient réclamé. Balthazar Caftille étoit, dit-on, Profès de l'Ordre de Citeaux en l'Abbaïe d'Orval. Il avoit quitté fon Couvent, avoit vêcu à Paris plufieurs années. tenu les livres de différens Marchands, & amaffé une fomme de 46000 livres. Il fe marie à Michelle Peuchet, fait publier fes bens dans fon païs aux portes de l'Abbaïe d'Or

val, vit avec fa femme, en a des enfans. Un des parens de fa femme, diton, découvre qu'il eft Moine, & piqué de ce qu'il n'en tire pas l'argent qu'il voudroit, il va le dénoncer à l'Abbé de Clairvaux. Caftille eft arrêté, conduit à Orval, d'où il cherche à s'échapper, & meurt d'une bleffure qu'il fe fait. Michelle Peuchet la femme, regardée comme une proftituée, eft enfermée à Sainte Pélagie; fes effets font faifis, ainfi que ceux de fon mari; fon innocence perce enfin; elle fort; mais elle eft ruinée; il fe préfente un parti pour elle; c'étoit M. de Launay; il avoit éprouvé des malheurs. » Le récit » des aventures de la Dame Caftille » avoit réveillé ce jeune homme de fon "abattement & avoir fixé fon attention; il avoit connu qu'il n'étoit ni le » feul ni le plus à plaindre des hom» mes, & il avoit oublié fes malheurs » pour ne s'occuper plus que de ceux » de cette femme; mais au même inf» tant il s'étoit fenti fortement atteint » d'un defir violent de connoîrre la perfonne dont la fingularité des aven» tures avoit opéré en lui un auffi grand

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» changement; & bientôt ce defir étoit dégénéré en une paffion d'une efpèce dont il eft ordinairement peu d'exemples. On fçait que les mal» heureux s'entrecherchent; ils fe repaiffent avec avidité de l'hiftoire & » des événemens extraordinaires qui » peuvent fervir d'aliment à leur dou» leur. ››

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Madame Caftille époufa M. de Launay; elle ne donna point d'autre certificat de mort de fon mari que celui qui avoit été expédié par les Moines de l'Abbaïe d'Orval. Après quelque temps de mariage les nouveaux époux réfléchirent fur leur fituation & fur ce qui avoit précédé leur union; les effets de Caftille avoient difparu; les Moines ou s'en étoient emparés, ou avoient caufé leur perte en l'enlevant lui-même. Si, pour réclamer leur Moine, ils avoient eu recours à la voie ordinaire, la veuve n'eût pas perdu fa fortune; on auroit afsûré fon état & celui de fa fille; les Tribunaux lui auroient rendu la justice qui étoit dûe à la bonne foi; c'étoit aux Religieux, auteurs de fes malheurs, à les réparer; elle préfenta un Mémoire

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