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faire rire; cette objection n'allarme pas M. de B*** ; il faudra renoncer à l'ancienne gaîté, & adopter les drames qui commencent à s'établir. Ce dernier genre eft eftimable fans doute; mais doir il exclure l'autre, & peut-on feulement le comparer à l'ancien pour le mérite & la difficulté?

M. de B*** examine enfuite fi les Comédies Françoifes ont atteint le véritable but de la Comédie; il puife rous fes exemples dans Molière. Je vous citerai celui-ci. » L'avare Harpagon » querelle fes enfans & fes domesti »ques d'un ton & badin & fi bouffon » que fes domestiques & les enfans fe » moquent de lui depuis le commence. » ment de la pièce jufqu'à la fin. Il de» vient amoureux d'une fille qui n'a > rien : cette intrigue,avec les débats du " cuifinier & de Valère, forme le nond » de la pièce, & donne matière à diffé»rentes fortes de plaifanteries qui font n long-temps oublier qu'il s'agit d'un » avare. On dêrobe dix mille écus à Harpagon qui n'a pas tort d'en être » fâché; on lui rend fon argent, & à » la fin de la pièce tout le monde es

content de lui. Voilà, si je ne me » trompe, une peinture de l'avarice. plus plaifante qu'effrayante. Harpagon. eft un original qui amufe beaucoup par fes fingeries; il ne fait de tort à perfonne; il n'a point envie d'avoir le bien d'autrui; il a un affez grand » nombre de domeftiques pour le fervir lui & fa famille, & fi l'on excepte de ce portrait le prêt à ufure, qui vé ritablement eft odieux, mais qui pourroit appartenir à tout autre caractère qu'à celui de l'avare, fon avarice n'a point de fuites funeftes à la fociété. Il eft donc évident que Mo» lière a plutôt rendu l'avare ridicule qu'il ne l'a rendu odieux. Sa fatyre. » tombe donc plutôt fur la manière d'êstre extérieure de l'avare, que fur le » fond de fon caractère. » Cette idée de l'avare eft exacte ; mais les conféquences que l'auteur en tire ne font pas juftes; il n'eft perfonne qui voulût reffembler à Harpagon. Molière, en faifant tire de lui, l'a rendu ridicule par fa parcimonie, & odieux par l'ufure. M. de B*** ne fait pas plus de grace au Mifantrope, &c; il n'y a que le Tar

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tuffe qui lui paroille une Comédie traitée dans les véritables principes. Ceft dans celle-ci qu'il montre qu'on a trouvé le moyen de faire rire & d'infpuer de l'horreur pour l'hypocrifie; car en même temps que Tartuffe excite l'indignation de l'atlemblée par fes félératelles, le ridicule aveuglement d'Or gon & de Madame Pernelle provoque le rire général, leur prévention eft naturelle & concourt à mettre dans le plus grand jour l'hypocrifie du Tarruffe.

M. de B*** termine fon Effai par le détail des obftacles qui s'oppotent parmi nous à la perfection de la Comédie. Ces obftacles font au nombre de quatre; le premier confifte dans le penchant des François à jetter du ridicule fur tout; leur légèreté s'attache à la fuperficie des chofes; ce premier obftacle ceffera quand les auteurs ne s'obftineront plus à croire qu'on ne peut attirer les François aux fpectacles qu'en introduifant far le théâtre des perfonnages plutôt femblables à des marionnettes qu'à des hommes, Le second obftacle vient de la

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fauffe idée où font les auteurs que caractères propres à la Comédie font épuifés. M. de B*** les invite à em prendre qui ont été déja traités; mais cette entreprife dangereufe demande un homme de génie, & nous n'avons que de l'efprit. Que nos auteurs étudient leur fiécle; s'ils ne trouvent plus de grands caractères,ils trouveront des teintes, des nuances qui pourront fournir de l'exercice à leurs talens. Le troifiéme obftacle eft tiré des préjugés de la nation fur certains vices qu'elle ne veut pas qu'on attaque. Tel eft, par exemple, celui du point d'honneur, qui oblige quiconque a reçu une injure de rifquer fa vie pour en obtenir la réparation, fous peine d'être à jamais deshonoré. L'auteur cite encore l'intérêt qui fait aujourd'hui tous les mariages. Enfin je trouve un qua» triéme & dernier obftacle; c'est le » défaut de liberté qui empêche d'expofer fur la scène les vices des Grands » & des gens en place, & qui reftreint le Théâtre à n'être utile qu'à la mul»titude. Le but du Gouvernement, en

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>> impofant filence à la Comédie fur cer» tains états, est fans doute d'empêcher les peuples de fortir du refpect » & de la foumiffion qu'ils doivent à » ceux qui gèrent les affaires publi» ques; mais cette défenfe du Gouvernement lui eft préjudiciable; car, en » dérobant les Grands à la cenfure pu blique, elle leur fait entendre qu'ils » peuvent être vicieux impunément, » & il eft malheureufement trop vrai que, lorfqu'on peut commettre un » crime fans rien craindre, on le commet prefque toujours,» Cette liberté pourroit dégénérer en abus; mais la défenfa exifte-t-elle ? On a mis fur la fcène tous les états ; & cela est toujours permis dès que la fatyre n'eft pas perfonnelle; les crimes des Grands font réfervés à la Tragédie; c'eft un droit dont elle a toujours ufé & qu'on n'a jamais fongé à lui ravir.

Ces deux ouvrages, Monfieur, font curieux & intéreffans; ils font peut-être un peu trop fyftématiques; mais, en approfondiffant l'un & l'autre, on pourroit parvenir à la réforme qu'ils ont en vue.

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