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L'ANNÉE

LITTÉRAIRE.

LETTRE XIII.

Expofition des Peintures, Sculptures & Gravures de Meffieurs de l'Académie Royale.

Cd'une spèce particulière, & l'on

Ette Expofition, Monfieur, eft

peut regarder le Salon du Louvre de cette année comme un cabinet de ta

bleaux par le grand nombre de petites compofitions gracieufes dont il eft décoré. La plupart des grands ouvrages que les Artiftes ont exécutés dans les deux années précédentes, n'ont pû y être placés, ou parce qu'ils ont été envoyés à leur destination, ou parce que AN. 1769. Tome V.

N

les amateurs qui les pofsèdent n'ont pas cru devoir partager avec le Public le plaifir de les admirer. Quoiqu'il en foit, le Salon n'en a été ni moins riche ni moins agréable. Il a même exigé plus d'attention de la part de ceux qui veulent que rien n'échappe à leur exa

men.

M. Boucher, premier Peintre du Roi, a mis au jour un tableau de neuf pieds de large fur fix pieds fix pouces de haut, repréfentant une Marche de Bohémiens ou Caravanne dans le goût de Benedetto di Caftiglione. Ce tableau, rempli de graces & du génie le plus abondant, eft bien digne de fon auteur; fes talens font fi univerfellement reconnus, que ce feroit tomber dans une fatigante répétition que de fe répandre en nouveaux éloges.

Michel

La célébrité de Monfieur Vanloo, Ecuyer, Chevalier de l'Ordre du Roi, premier Peintre du Roi d'Efpagne, &c, fe foutient avec éclat. On applaudit toujours à cette sûreté de deffin qui lui fait fi bien faifir les reffemblances, compofer, grouper & agencer fes figures avec une élégance qui lai

eft particulière. Ce mérite paroît furtout dans le tableau où l'on voit les portraits de M. & de Mad. la Marquife de Marigny auffi bien que dans les deux morceaux qui repréfentent des

concerts.

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Les fujets naïfs d'une veillée de païfannes de Bourgogne & d'une scène de vendange du même païs ont occupé le pinceau de M. Jeaurat; il en a trèsagréablement rendu les épifodes les plus intéreffans.

Il n'y a rien de M. Pierre dans cette Expofition; mais le petit Livret qui en contient le détail annonce qu'on peut voir actuellement le magnifique plafond qu'il a fait au château de SaintCloud. M. Pierre y a déployé toute la richeffe de fon génie & la couleur la plus belle & la plus féduifante. Ce qui furprend le plus dans ce grand ouvrage, c'eft fon accord général; il femble qu'il ait été fait en un feul jour, &, pour s'exprimer comme les Artifes, d'une feule palette.

M. Hallé nous a donné un grand tableau qui doit être exécuté en tapifferie. aux Gobelins; c'eft Achille reconnu.

à la Cour de Lycomède par le choix qu'il fait des armes qu'Ulyffe avoit exprès mêlées avec des bijoux de femmes, à deffein de le découvrir; ce tableau, pendant de celui qu'on vit il y a quelques années & qui repréfentoit la course d'Athalante, est très-remarquable par la compofition. Il est très lumineux; l'Artiste a ofé rendre, & l'a fait avec fuccès, l'effet du grand jour & tout l'éclat d'un beau ciel. Les maffes obfcures de païfage, quoique peut-être un peu bleuâtres, y font des oppofitions piquantes; la perfpective eft d'un beau choix, & traitée avec jufteffe. C'eft un très-grand agrément dans un tableau que la foumiffion aux règles févères de la perfpective.Il en résulte que l'on fent la diftance qui fépare les figures, & que l'oeil s'y promène avec fatisfaction. Quelques perfonnes auroient defiré que la couleur du tapis qui eft bleue, ne. préfentât pas au premier coup d'œil l'équivoque d'une pièce d'eau. Ou auroit encore fouhaité que les têtes de femmes n'euffent pas autant de reffemblance entr'elles; elles ont toutes le nés creusé à fa naiffance; ce qui ne donne pas de dignité à une tête.

L'Inauguration de la Statue Equeftre du Roi, tableau peint par M. Vien pour l'Hôtel de ville de Paris, nous offre M. le Gouverneur de cette Capitale, M. le Prévôt des Marchands & Mrs les Echevins à cheval faifant le tour de la Statue. Ces forres de tableaux font fort ingrats, & difficiles à compofer. Le génie n'a pas la liberté de s'y montrer à caufe des portraits qui obligent de préfenter les têtes prefqu'en face, perfonne ne voulant être de profil. D'ailleurs, la forme de celui ci étoit tout-à-fait contraire à la nature du fujet qui auroit exigé un tableau en hauteur, afin de découvrir la ftatue au deffus de ces perfonnages. M. Vien s'eft vû forcé de la mettre dans l'éloignement, & de plus, de traiter deux genres dans lefquels il eft moins exercé, le portrait & le cheval. Ce fuperbe animal demande une étude particulière; on peut dire néanmoins avec vérité que M. Vien a rempli cette, tâche difficile avec fuccès. J'ajoûterai que ce tableau, quoiqu'il ait beaucoup de force, n'obtient point tout l'effet qu'il doit faire, parce que, n'étant pas affez fec, les touches qui doivent pro

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