ques morceaux qui vous donneroient une idée de la manière de Saurin; mais je ferois trop embarraffé du choix. Je me contenterai de mettre fous vos yeux le portrait qu'il trace du célèbre Bayle, que les Incrédules de notre temps reconnoiffent pour leur chef. » étoit un de ces hommes " Bayle que la 2 plus grande pénétration ne fçaurroit » concilier avec lui même, & dont » les qualités contradictoires nous laiffent toujours en fufpens fi nous devons le placer ou dans une extrêmité » ou dans l'extrêmité oppofée d'un » côté grand Philofophe, fçachant dé» mêler le vrai d'avec le faux, voir l'enchaînement d'un principe & fuivre une conféquence; d'un autre cô» té, grand fophifte, prenant à tâche » de confondre le faux avec le vrai, de tordre un principe, de renverser une » conféquence d'un côté, plein d'éru dition & de lumières, ayant lû tout » ce qu'on peut lire, retenu tout ce qu'on peut retenir; d'un autre côté, " ignorant ou du moins feignant d'i» gnorer les chofes les plus communes, » avançant des difficultés qu'on a mille » fois réfutées, propofant des objections que les plus novices de l'Ecole » n'oferoient alléguer fans rougir: d'un côté, attaquant les plus grands hom»mes, les conduifant par des routes » difficiles, par des fentiers raboteux » &, finon les furmontant, du moins » leur donnant toujours de la peine à vaincre ; d'un autre côté, s'aidant des plus petits efprits, leur prodiguant » des éloges, & faliffant fes ouvrages » de ces noms que les bouches honnê»tes n'avoient jamais prononcés: d'un côté, exempt, du moins en apparence, » de toute paffion contraire à l'efprit de l'Evangile, chafte dans fes mœurs, » grave dans fes difcours, fobre dans »fes alimens, auftère dans fon genre " » de vie; d'un autre côté, employant » toute la force & toute l'adreffe de fon génie à combattre les bonnes » mœurs, à attaquer la chafteté, la mo» deftie, toutes les vertus chrétiennes : » d'un côté, appellant au tribunal de » l'orthodoxie la plus rigide, puifant » dans les fources les plus pures, em»pruntant les argumens des Docteurs » les moins fufpects; d'un autre côté, » fuivant la route des Hérétiques, ra» menant les objections des anciens Héréfarques, leur prêtant des armes » nouvelles, & réuniffant dans notre » fiécle toutes les erreurs des fiécles paf» fés. f 19 Cette analyse eft très-bien faite, Mon fieur, & c'est un des ouvrages les plus folides & les plus éloquens que l'on puiffe placer dans fa bibliothèque. On le trouve chez Vente Libraire au bas de la montagne de Ste Géneviève. Abrégé Chronologique de l'Hiftoire Comme les Livres changent fouvent de Libraires, il feroit bon d'en avertir les perfonnes de Province qui voudroient fe les procurer; elles éviteroient par là des ports de lettres défagréables & à ceux qui les adreffent à faux & à ceux qui les reçoivent mal à propos. Cellot Imprimeur Libraire rue Dauphine, eft actuellement propriétaire de l'excellent Abrégé Chronologique de l'Hiftoire Ot tomane, par M. de la Croix, 2 volumes in. 8° dont je vous ai rendu compte dans le temps. Cet ouvrage, par luimême très intéreffant, le devient encore plus dans la circonftance présente de la guerre des Turcs contre les Ruffes. Je fuis, &c. A Paris, ce 6 Août 1769. 73 L'ANNÉE LITTÉRAIRE, LETTRE IV. Euvres de M. de Moncrif, Lecteur de la Reine, l'un des Quarante de l'Académie Françoise & de celle des Sciences & Belles - Lettres de Nancy & de Berlin: Nouvelle édition. Es ouvrages de M. de Moncrif vien LE nent de recevoir les honneurs de la preffe pour la quatrième fois, & probablement ce ne fera pas la dernière. L'édition que je vous annonce, Mɔnfieur, eft en quatre volumes d'un joli format in 12, enrichie d'eftampes & du portrait de l'auteur. Elle fe vend rue Baffe des Urtins & au Palais chez la ANN. 1769. Tome V D |