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à deux en saillie: ouvrage immense si l'on songe que, d'après le témoignage de Polybe, qui connaissait bien les lieux puisqu'il avait assisté à la prise de Carthage, la largeur de l'isthme n'était pas moindre de 25 stades. Ces murs cependant n'étaient pas pleins dans toute leur épaisseur; ils présentaient, du côté de la place, deux étages de voûtes ou, comme nous dirions, de casemates. Dans celles du bas on avait ménagé des loges pour 300 éléphants, et des magasins pour leur nourriture; dans celles du haut il y avait des écuries pour 4,000 chevaux, des casernes pour 24,000 hommes, et des dépôts d'armes et de subsistances'. Les enclos pour dresser les éléphants au combat se trouvaient sans doute à proximité de cette enceinte. Quant au nombre de ces animaux entretenus ordinairement par les Carthaginois, on ne saurait le déterminer rigoureusement; mais rien ne prouve qu'il ait jamais dépassé celui de 300 2.

Dans leurs anciennes guerres, les Carthaginois avaient, ainsi que la plupart des nations de l'Orient, fait un grand usage de chars armés de faux ; ils en avaient beaucoup lors de leurs premières invasions en Sicile, au temps de Gélon et de Denys l'Ancien. Plus tard, lorsqu'ils furent défaits par Timoléon, au passage du Crimèse, ils laissèrent au pouvoir du vainqueur 200 chars de guerre, et ils en eurent un plus grand nombre de brisés pendant le combat. Enfin, lorsqu'Agathocle porta ses armes en Afriils lui opposèrent une armée de 40,000 hommes et 2,000 de ces machines. Ce dernier événement ne précéda

que,

Appian., Bell. punic., xcv. - Polyb., 1, 73. Diodor. Sicul., Fragm., lib. xxxII. Campomanes, Antigüetad maritima de la republica de Cartago.

2 Dureau de La Malle, Recherches sur la topographie de Carthage, p. 23. Dusgate, ouvrage cité, p. 233 et suiv.

que d'environ trente ans l'expédition de Pyrrhus'; mais ils cessèrent de se servir de chars aussitôt qu'ils eurent adopté les éléphants; et l'on peut en inférer qu'ils regardaient ce nouveau service non-seulement comme équivalent, mais même comme préférable à celui qu'ils abandonnaient. C'est, toutefois, une chose digne de remarque que les Carthaginois aient renoncé aux chars de guerre pour se servir des éléphants, et que les Romains n'aient pensé à en faire usage que pour résister à ces animaux 2. L'analogie de ces deux moyens d'attaque avait done frappé ces deux nations, qui toutes deux les avaient crus également propres, soit à être substitués, soit à être opposés l'un à l'autre.

Quant à Carthage, elle dut s'applaudir d'une innovation au moyen de laquelle elle put souvent contre-balancer la supériorité des Romains et même en triompher: aussi les éléphants figurèrent-ils souvent en grand nombre dans les armées carthaginoises. Au commencement de la première guerre punique, Hannon, pour obliger les Romains à lever le siége d'Agrigente, débarqua en Sicile des troupes auxiliaires et 60 éléphants 3. Il échoua dans cette entreprise; il perdit 44 de ces animaux, et 11 tombèrent au pouvoir des vainqueurs: mais Carthage répara promptement cette perte, car quelques années étaient à peine écoulées que l'on vit Xanthippe opposer 100 éléphants aux légions de Régulus. A mesure que la guerre se prolongeait, les Carthaginois redoublaient d'activité pour ajouter à leurs armées ce puissant accessoire. Enfin, décidés à faire un dernier effort

1 Diodor. Sicul., x1, 20, 21; xiv, 54; xvi, 79, 80; xx, 10. Plutarch. et Corn. Nep., Timoleon. vit.

2 Voyez ci-dessus, pag. 124.

3 Diodor, Sicul., lib., xx, Eclog.,8.-Freinshem., Suppl. Livian,, dec. 11, lib. xvI.

pour recouvrer la Sicile, ils envoyèrent dans cette ile Asdrubal avec des forces considérables et un train de 140 éléphants. Ainsi que nous le dirons bientôt, ces animaux tombèrent au pouvoir des Romains. Malgré cette perte, Carthage put encore, après avoir conclu la paix avec Rome, déployer un grand nombre d'éléphants dans la guerre contre les mercenaires 1.

:

L'emploi de ces animaux prolongea la résistance des Carthaginois, et déconcerta souvent les prévisions de leurs ennemis aussi les Romains leur imposèrent-ils, aussitôt qu'ils furent assez forts pour leur dicter la loi, le sacrifice de tous leurs éléphants. Ils se soumirent, mais non sans un profond regret; et quand ils eurent perdu tout espoir de sauver leur patrie, on les vit, suivant Appien, courir comme des forcenés au milieu des monuments de leur ancienne grandeur, et appeler à grands cris, en les nommant par leurs noms, comme s'ils étaient présents, leurs éléphants, dont ils n'avaient jamais cessé de déplorer la perte 2.

Mais, si les éléphants furent souvent utiles aux Carthaginois, ils leur causèrent aussi de grands dommages. Ces revers de fortune sont une des conditions inévitables de l'emploi de ces animaux : c'est ce que nous allons démontrer dans le récit des batailles de Tunis et de Palerme, batailles qui occupent une place si importante dans l'histoire de la première guerre punique, et qui sont également remarquables et par le grand nombre des éléphants qui s'y trouvèrent engagés et par la diffé

1 La facilité avec laquelle les Carthaginois réparaient la perte de leurs éléphants est une nouvelle preuve que nous pourrions ajouter à celles par lesquelles nous avons démontré, dans le chap. 1, p. 17 et suiv., qu'ils tiraient ces animaux de la Numidie, de la Mauritanie, et des autres pays situés au nord de l'Atlas. 2 Appian., Bell. punic., vi, 92.

rence des résultats. En effet, ces mêmes animaux, qui avaient donné aux Carthaginois la victoire à Tunis, furent à Palerme la cause de leur défaite.

BATAILLE DE TUNIS.

(497 de Rome, 256 av. J. C.)

L'expédition du consul Atilius Régulus en Afrique avait débuté de la manière la plus brillante. Après avoir détruit ou dispersé les flottes des Carthaginois, les Romains avaient débarqué sur leur territoire et défait leurs armées partout où ils les avaient rencontrées. Un grand nombre de villes avaient ouvert leurs portes à Régulus; il avait pris 18 éléphants dans un seul combat, et envoyé à Rome 27,000 prisonniers. Maître de la campagne, il poussait déjà ses excursions jusqu'aux portes de la capitale, et cette rivale de Rome, humiliée enfin, s'abaissait à demander la paix. Tourmentée à la fois par la terreur, la famine et la discorde, elle se serait résignée aux plus grands sacrifices; mais le consul, dont la dureté naturelle avait encore été augmentée par la victoire, ne voulait consentir à traiter qu'à des conditions intolérables pour les vaincus. Telle était l'extrémité où étaient réduits les Carthaginois, lorsqu'un hasard inespéré vint tout à coup changer la face des affaires. Ils avaient envoyé des vaisseaux à l'étranger pour y enrôler des volontaires; on vit entrer dans le port un nombreux convoi de ces aventuriers, parmi lesquels se trouvait un Spartiate, nommé Xanthippe, homme de talent et de résolution qui releva bientôt les espérances des vaincus.

La première chose que fit l'habile Lacédémonien, ce fut de s'informer de tout ce qui était arrivé depuis le

débarquement des Romains, et surtout des circonstances qui avaient accompagné les dernières défaites: il vit bientôt que l'incapacité des généraux carthaginois était la principale cause de leurs désastres. En effet, ils avaient été assez peu clairvoyants pour s'engager dans des terrains escarpés et accidentés, où les éléphants et la cavalerie, qui faisaient leur plus grande force, leur étaient inutiles, et où la supériorité de l'infanterie romaine ne pouvait manquer de décider de la victoire. Xanthippe ne fit point mystère de sa manière de penser; ses discours parvinrent aux oreilles du sénat. Cette assemblée, n'ayant plus de confiance dans les officiers carthaginois, voulut conférer avec l'étranger, et le fit appeler: ses raisons furent trouvées convaincantes, et le gouvernement, ayant approuvé ses plans, le chargea de la direction de la guerre.

Le nouveau général régla ses dispositions sur les principes qu'il s'était formés. Persuadé que la force de l'armée carthaginoise était dans la cavalerie et dans les éléphants, il tâcha d'en avoir autant qu'il était possible, et il eut soin de manœuvrer en rase campagne, où il était sûr de conserver l'avantage; car les Romains n'avaient point d'éléphants, et leur cavalerie, toujours peu nombreuse, a rarement été utile. Régulus ne comprit pas l'importance de ce changement de tactique, ou peut-être fit-il peu de cas d'un ennemi qu'il avait constamment vaincu. Quant à ses officiers et à ses soldats, ils ne partagèrent pas son assurance; ils virent au contraire avec appréhension l'ennemi adopter ce nouveau système au moment d'engager une bataille qui semblait devoir être décisive.

Le lieu où l'action allait se passer était une plaine près de Tunis (Tunes ou Tunetum), place alors occupée par les Romains, à quelques lieues au S. O. de Carthage. L'armée de cette république était composée de 12 à

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