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de semblable; leurs chevaux s'épouvantèrent, tout s'enfuit, et César resta maître du passage '. e1.

Quoique Polyen ne nomme pas cette rivière, il est évident qu'il ne peut être ici question que de la Tamise, dont César força effectivement le passage, en présence de Cassivellaunus, ainsi qu'on peut le voir dans le 5 livre des Commentaires sur la guerre des Gaules. Il est vrai qu'il n'est point question d'éléphant dans la relation que le conquérant nous a laissée de ce fait d'armes; mais peut-être crut-il qu'il était au-dessous de sa réputation de parler de cette espèce d'épouvantail qui l'avait fait triompher sans gloire de la barbare stupidité de ses ennemis. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'on a de la peine à comprendre, d'après son récit, comment il put effectuer le passage sous les traits de l'ennemi, ayant de l'eau jusqu'au cou, et tandis que le lit et les bords du fleuve avaient été rendus impraticables par des estacades et des pieux solidement fixés dans le sol. Il est d'ailleurs remarquable que César ne rende qu'un compte très-succinct d'un fait d'armes aussi important. On peut donc supposer qu'il s'était servi de quelque stratagème, dont il n'a pas jugé à propos de nous instruire. C'est l'opinion de Turpin de Crissé, qui, frappé également de la concision extraordinaire qui règne dans ce passage, a fait suivre sa traduction de remarques qui tendent à prouver que le fait ne s'est pas passé aussi simplement qu'il est raconté. Le silence de César n'est donc pas une raison pour démentir l'assertion de Polyen; cette opinion a d'ailleurs déjà été admise par plusieurs critiques 2.

1 Polyæn., Stratag., VIII, 23, n. 5.

2 Le Beau, Mémoire sur les médailles de restitution, dans le 2o volume du recueil de l'Académie des inscriptions (1747, 1748). — Cuperus, de Eleph. in Num. obv., 11, 6. — Freinshem., Supplem. Li

On sait que ce grand homme avait coutume d'écrire jour par jour les particularités les plus importantes de sa vie politique et militaire : c'était avec ces matériaux qu'il rédigeait, à mesure qu'il en avait le loisir, ses mémoires, auxquels nous avons conservé la dénomination latine de commentaires. Ce journal survécut à son auteur, et il est cité par Plutarque, par Servius et par Symmaque, sous le titre d'éphémérides. C'est apparemment à cette source que Polyen a puisé l'anecdote de l'éléphant, à laquelle je ne prétends pas d'ailleurs donner plus d'authenticité qu'elle n'en a. Je remarquerai seulement que, si le fait est réellement arrivé, nous pourrions assigner les bords de la Tamise comme la limite la plus septentrionale à laquelle aient touché les éléphants, pendant les guerres de l'antiquité 1.

J'ajouterai, pour achever de dire tout ce qui se rattache au sujet de ce chapitre, qu'on a aussi quelquefois employé les éléphants pour intercepter la navigation des rivières peu profondes, en faisant de ces animaux une véritable estacade improvisée, qui empêchait les bâteaux de descendre ou de remonter. Je donnerai un exemple remarquable de cet emploi des éléphants, en racontant, au chapitre 11 du livre 111, les guerres du Bas-Empire.

vian., lib. cv. Turpin de Crissé, les Commentaires de César, Guerre des Gaules, v, 18.

Une raison me ferait pencher à admettre le récit de Polyen: c'est que l'empereur Claude, lorsqu'il prépara son expédition de Bretagne, voulut aussi conduire des éléphants dans cette île. (Dion. Cass., LX, 4.) Or, on pourrait penser qu'il voulait en cela imiter César, et se procurer un moyen de victoire dont l'efficacité contre ces insulaires était restée traditionnelle depuis ce grand capitaine. Je dois ajouter cependant que Cambden (Britannia, p. 27) paraît ne pas croire à cette anecdote.

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CHAPITRE VIII.

Emploi des éléphants dans les siéges et dans l'attaque des retranchements. Pyrrhus s'en sert contre les villes de Sparte et d'Argos; Antiochus, contre Larisse; Hannon, contre le camp des mercenaires près d'Utique; et Annibal, contre les lignes des Romains autour de Capoue. - Scipion Émilien fait attaquer le camp des Carthaginois par les éléphants de Gulussa. — Considérations sur le parti qu'on pouvait tirer de ces animaux contre les places fortes. Siége de Casilinum. — Instinct de l'éléphant pour arracher les palissades et démolir les ouvrages en maçonnerie. Perdiccas attaque avec des éléphants un château fort défendu par Ptolémée. - Faits analogues dans les guerres d'Orient au moyen åge.

Ταῖς οὖν προβοσκίσιν ἐπάλξεις καθαιρεῖν καὶ δένδρα ἀνασπᾶν πρόῤῥιζα, διανισταμένους εἰς τοὺς ὀπισθίους Tóda. Avec leurs trompes ils renversent les parapets et déracinent les arbres, en se dressant sur leurs pieds de derrière. (Strabon, xv, 1, 43, pag. 705.)

Il est d'abord difficile de concevoir à quoi pouvaient servir ces énormes quadrupèdes dans les siéges, où l'on a généralement plus d'intérêt à cacher ses moyens d'attaque qu'à les mettre en évidence. Les anciens les ont cependant employés dans ces circonstances; nous allons le prouver par quelques exemples. Nous avons déjà parlé de l'essai malheureux que fit Polysperchon de ce moyen d'attaque contre Mégalopolis: il s'était passé environ 46 ans depuis cet événement, lorsque Pyrrhus voulut faire une semblable expérience, dont les suites furent pour lui encore plus désastreuses.

Il s'était avancé dans le Péloponèse, et s'était présenté devant Sparte avec une armée de 30,000 hommes et 24 éléphants, dont il espérait surtout tirer un bon parti pour brusquer l'attaque et pénétrer d'emblée dans la

place. Mais les Spartiates ne se laissèrent pas intimider par cet appareil; ils creusèrent des fossés, élevèrent des parapets, et ayant réuni autant de chariots qu'il leur fut possible d'en trouver, ils les enfoncèrent dans le sol jusqu'à la hauteur des essieux, à toutes les issues de la place. Les femmes rivalisèrent avec les hommes dans l'établissement de ces préparatifs, qui mirent bientôt la ville à l'abri de toute insulte de la part des troupes, et à plus forte raison de la part des éléphants. Deux jours de suite le roi d'Épire attaqua ces fortifications improvisées, et il fut constamment repoussé : alors, désespérant de la réussite, il leva son camp et se dirigea sur Argos, où il s'était ménagé des intelligences 1.

La trahison lui livra une porte de cette ville pendant la nuit; il y entra immédiatement, et, pour imprimer plus de terreur, il voulut mettre ses éléphants en tête de ses colonnes. Mais la porte n'étant point assez haute, on fut forcé d'enlever les tours que portaient ces animaux, pour les replacer ensuite à mesure qu'ils étaient entrés. Ce premier inconvénient fit perdre un temps précieux ; c'était d'ailleurs une bravade irréfléchie que d'engager ces énormes quadrupèdes dans des rues étroites et tortueuses, où la garnison et les habitants, à l'abri dans leurs maisons, pouvaient les accabler en toute sûreté. Ce fut, en effet, ce qui arriva : les Argiens, réveillés en sursaut, coururent aux armes, et la résistance fut organisée avec tant de vigueur, que Pyrrhus dut songer à se retirer, sous peine de rester prisonnier dans la ville, où il s'était témérairement aventuré. Serré de près et de tous côtés, il voulut en vain mettre de l'ordre dans sa retraite : les éléphants faisaient encombrement, et barraient le chemin

1 Plutarch., Pyrrh., 26, sqq. - Athen., Deipnosoph., x11; 8. —— XII; Flathe, Geschichte der Nachfolger Alexanders, t. 11, pag. 93, 94.

aux troupes qui essayaient de gagner la campagne. Pour comble de malheur, un de ces animaux, estropié par les blessures, tomba en travers de la porte, où il se débattit en poussant des cris épouvantables, et boucha la sortie à la foule qui se retirait. En même temps l'éléphant Nicon, dont le conducteur venait d'être tué, se faisait jour parmi les fuyards pour chercher le cadavre de ce malheureux; l'ayant trouvé, il le souleva sur ses défenses, se retourna en fureur, et renversa également amis et ennemis. Au milieu de cette confusion, Pyrrhus, resté presque seul à l'arrière-garde, se battait en désespéré, et tâchait d'arrêter la poursuite des Argiens, lorsqu'il fut atteint mortellement à la tête, d'une tuile lancée du haut d'un toit par une pauvre femme, et de sa vie son imprudence 2.

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Un autre exemple de l'emploi des éléphants dans l'attaque des places nous est fourni par l'histoire de la guerre d'Antiochus le Grand contre les Romains. Ce roi, ayant débarqué en Thessalie, mit le siége devant Larisse, et d'abord, pour intimider les habitants, il fit avancer sous les murs de la place son armée serrée en colonne, ayant les éléphants en tête 3: mais cette tentative n'eut pas de suite, et le roi de Syrie, ayant rencontré plus de résistance qu'il ne pensait, se vit obligé de lever le siége. Quoique les Romains se soient peu servis des élé

1 Nous avons déjà dit que, parmi les éléphants de Pyrrhus, il y en avait un qui portait le nom de Nicon (le vainqueur), et un autre celui de Nicaia (la victorieuse). C'étaient les deux les plus remarquables par leur taille et par leur courage.

2 Plutarch., Pyrrh., 34.-Justin., xxv, 5.-Pausan., Attic., 13.Cet événement eut lieu en 272 av. J. C. On voyait encore à Argos, du temps de Pausanias, le tombeau de Pyrrhus, sur lequel on avait représenté des éléphants; Corinthiac., 22.

3 «Elephantis agi ante signa terroris causa jussis, quadrato ag«mine ad urbem incessit.» (Tit. Liv., xxxvi, 10.)

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