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les Macédoniens combattaient sur seize de profondeur; et Porus, qui, sans aucun doute, était informé de l'ordonnance de l'armée d'Alexandre, n'aurait pu, sans préparer lui-même sa défaite, adopter un ordre plus mince. Il y a donc tout lieu de supposer que l'infanterie indienne n'avait pas moins de douze à quinze rangs; et les expressions d'Arrien favorisent elles-mêmes cette conjecture, car il se sert, en parlant de l'armée de Porus, du mot de phalange, qui, selon les idées des Grecs, ne pouvait convenir qu'à un ordre profond 1.

Ces bases une fois admises, il est facile de calculer que les 30,000 hommes de Porus n'auraient formé qu'un front de six ou sept mille pieds. Je dis les 30,000 hommes, pour poser la question dans les termes les plus favorables au récit d'Arrien; car, à la rigueur, il faudrait en déduire les nombreux détachements destinés à garnir les intervalles laissés entre les éléphants, déduction par laquelle le front de l'infanterie indienne serait notablement diminué. Mais en lui laissant même toute cette étendue, il est clair qu'il n'y aurait eu de place que pour 60 à 70 éléphants, à moins que nous ne voulions supposer que ces animaux étaient plus serrés et seulement à cinquante pieds d'intervalle, ainsi que l'assure Polyen 2; alors on aurait pu en placer environ 120. On peut, au reste, concilier ces différentes versions, en supposant que Porus avait réellement avec lui 200 éléphants, mais qu'il n'en avait mis qu'une partie devant son infanterie, les autres étant restés avec les détachements laissés sur les bords de l'Hydaspe pour observer les mouvements de Cratère et de Méléagre 3. On pourrait même inférer de la relation de Diodore 1 Arrian., Exp. Alex., v, 15.

2 Polyæn., Stratag., W, 3, 22.

3 ἀλλὰ καὶ ὡς ὀλίγους τῶν ἐλεφάντων συν οὐ πολλῇ στρατιᾷ αὐτοῦ ἐπὶ τοῦ στρα

que Porus avait laissé en réserve un certain nombre d'éléphants, et qu'il ne les fit avancer qu'au moment du plus grand danger 1.

Pour terminer ce qui concerne cette bataille, j'ajouterai qu'à en croire Polyen, Alexandre aurait eu aussi des éléphants, qu'il aurait placés à la gauche de sa phalange 2. Mais ce témoignage isolé d'un compilateur qui manque souvent de critique ne peut être d'aucun poids contre le silence d'Arrien, de Quinte-Curce, de Diodore, de Plutarque, qui, certes, se seraient bien gardés d'omettre une circonstance aussi importante. Sans doute, Alexandre pouvait, avant la bataille, disposer d'un grand nombre d'éléphants; mais l'auteur des Stratagèmes n'a pas vu qu'il lui eût été impossible de faire suivre à ces animaux les mouvements rapides d'une colonne, forcée de traverser une rivière considérable pendant une nuit d'orage et à proximité de l'ennemi. Alexandre aurait compromis le succès de son plan et le salut de son armée, s'il se fût embarrassé de ces lourds quadrupèdes, qui, au surplus, n'auraient fait que mettre le désordre dans son armée et sur le champ de bataille, attendu que les Macédoniens ignoraient l'art de les gouverner.

Après la victoire de l'Hydaspe, Alexandre se trouva possesseur de tous les éléphants de Porus, et ce nombre. ajouté à ceux qu'il possédait déjà, fut bientôt augmenté de ceux qui lui furent offerts par les autres princes de l'Inde : il en reçut au moins 40 d'Abissare, l'un de ces

τοπέδου ἀπέλιπεν, ὡς φοβεῖν ἀπὸ τῆς ὄχθης τοὺς ξὺν Κρατερῷ ἱππέας. (Arrian., Exp. Alex., v, 15.)

1 Diodor. Sicul., XVII, 88. Cet auteur donne à Porus 50,000 hommes d'infanterie; mais je n'hésite pas à préférer sous ce rapport la relation d'Arrien.

2 Polyæn., Stratag., IV, 3, 22.

princes, et, suivant Arrien, il donna à Porus, en le renvoyant dans ses Etats, après le passage de l'Acésines, l'ordre de lui amener, avec l'élite de ses troupes, tous les éléphants qu'il pourrait rassembler 1. Enfin, il dut naturellement en acquérir encore d'autres, après les avantages qu'il remporta sur les Oxydraques et sur les Malliens (habitants du Moultan d'aujourd'hui). Il nous est donc permis de supposer qu'il pouvait en avoir quelques centaines, lorsqu'il se mit en route pour regagner la Perse.

Cratère, qu'il chargea de conduire ces animaux, prit son chemin sur la gauche de l'Acésines et de l'Indus, et les amena jusqu'à Pattala (aujourd'hui Tatta), où le fleuve se partage en plusieurs branches. De là, il les fit passer sur la rive droite; mais au lieu de suivre le gros de l'armée, dans les déserts brûlants de la Gédrosie (le Mékran), où ils seraient morts de soif et de fatigue, il les fit remonter par l'Arachosie et la Drangiane, et ne rejoignit l'armée que dans la Carmanie (le Farsistan); il la suivit ensuite à Persépolis, à Suse, et à Babylone.

Les éléphants auront sans doute contribué à rendre plus imposante l'entrée triomphale du conquérant dans cette dernière ville, où son retour était attendu par les ambassadeurs de tant de nations, où un si grand nombre de rois et de satrapes s'étaient rendus pour se prosterner devant le nouveau maître de la terre 2. On sait combien il se glorifiait de posséder ces superbes quadrupèdes, qu'il regardait comme le prix le plus glorieux de ses victoires. Il les employait à rendre sa cour plus im

Arrian., Exp. Alex., v, 20, 21.

2 Justin., Hist., XII, 13. Alexandre reçut alors, suivant cet historien, des ambassadeurs non-seulement de Carthage, de l'Es

posante, surtout dans les audiences solennelles qu'il donnait soit aux Grecs, soit aux Barbares. On voyait alors plusieurs rangées de ces animaux couverts de housses magnifiques, d'ornements précieux, et disposés autour de sa tente et de son trône'. C'était un usage qu'il avait trouvé établi chez les monarques d'Orient, dont il se plaisait à imiter le faste et la magnificence. L'opinion qu'il avait fait son entrée triomphale à Babylone sur un char tiré par des éléphants me semble après cela très-probable 2. Ce qu'il y a de certain, c'est que la représentation de ces animaux servit d'ornement à son cortége funèbre, et qu'on n'oublia pas de faire peindre des figures d'éléphant sur le char de parade destiné à transporter en Égypte la dépouille mortelle du vainqueur de Porus 3.

pagne et des Gaules, mais encore d'une partie de l'Italie, ce qui, sans doute, ne peut s'entendre que des colonies grecques établies dans le midi de cette péninsule.

1 Arrian., Exp. Alex., v, 20, 21, 29, et in Phot. Biblioth., cod. xci. -Quint. Curt., IX, 3.-Athen., Deipnosoph., x11,9.-Polyæn., Stra tag., IV, 3, 24. Diod. Sicul., XVII, 87, 88. Schlegel, Indische Bibliotheck.

2 Malheureusement il ne nous est resté aucun monument pour justifier cette supposition. Le beau médaillon en argent du cabinet du roi qui représente Alexandre sur un char tiré par quatre éléphants, et que Cuper a publié, est maintenant reconnu comme apocryphe.

3 Diodor. Sicul., xvII, 26, 27, 28. On peut voir, dans l'excellent ouvrage de Sainte-Croix, la représentation de ce char funèbre, sur lequel on consultera aussi avec fruit un mémoire de M. Quatremère de Quincy, dans le vie vol. de la collection de l'Institut (classe d'histoire et de littérature anciennes), 1818.

CHAPITRE IV.

Successeurs d'Alexandre.

Régence de Perdiccas.

Avénement des

-

- An

SELEUCIDES.-Nombre considérable des éléphants de Séleucus Nicator. Bataille d'Ipsus. Antiochus Soter. Défaite des Galates. tiochus le Grand. Bataille de Raphia. Antiochus Épiphanès, et ses descendants jusqu'à la fin du royaume de Syrie. Moyens employés par les Séleucides pour se procurer des éléphants, et lieux de dépôts où ils en entretenaient.

Alexandre, à son lit de mort, n'avait désigné personne pour lui succéder, probablement parce qu'il ne voyait dans sa famille personne qui fût en état de soutenir un si grand fardeau. Les liens du sang pouvaient donner plus ou moins de droits à deux prétendants, et même à quatre, en comptant ceux qui étaient encore à naître; mais aucun d'eux n'était fait pour répondre aux besoins impérieux du moment. Arrhidée, fils naturel de Philippe, était dans un état d'imbécillité habituelle. Trois femmes portaient le titre d'épouses d'Alexandre: Barsine, qui lui avait donné un fils, du nom d'Hercule, encore au berceau; Roxane, dont on espérait aussi un héritier, et qui était fort avancée dans sa grossesse; enfin Statire, fille de l'infortuné Darius, qu'on croyait également enceinte, et qui, en effet, donna le jour à un enfant, lequel fut ensuite sacrifié, ainsi que sa mère, à la jalousie de Roxane et aux calculs ambitieux de Perdiccas.

Ce général avait alors la plus haute influence dans le conseil et dans l'armée, soit parce qu'il était investi du commandement de la garde royale, soit parce que Alexandre, en lui confiant son anneau, lui avait, en quelque sorte, délégué l'autorité. Son intention était de déférer la couronne à l'enfant qui devait naître de Roxane; et il espérait exercer lui-même, pendant la

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