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sentiments et la vérité de l'histoire dans une synthèse qui reproduisit l'allure de la vie.

Dans la mesure où, femme du monde, elle écrit pour des gens du monde, elle y a presque parfaitement réussi; son pouvoir d'illusion est grand. Pour la critique, elle n'a peut-être pas, malgré tout, gagné la cause du roman-histoire, très différent du roman historique. Même après La princesse de Clèves, il peut paraître préférable de ne pas associer les deux genres.

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Et voilà, ce semble, à peu près comment travaillait une grande dame au XVIIe siècle. Les résultats n'ont pas répondu toujours à son effort, et sa méthode n'a pas toujours valu ses intentions. Mais ses intentions et son effort restent d'un bel exemple. Avec cette probité des vrais classiques, elle n'a pas cru que le talent dispensât du travail, ni que l'art supérieur de la psychologie l'autorisât à dédaigner l'humble précision historique.

H. CHAMARD et G. RUDLER.

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REV. DU SEIZIÈME SIÈCLE. V

COMPTES-RENDUS

W. F. SMITH. Rabelais in his writings. Cambridge, University Press, 1918, in-8°, 230 pages.

« L'objet de ce petit livre, nous dit l'auteur dans sa préface, est de fournir une sorte de commentaire suivi sur les différentes phases de la vie et des écrits de François Rabelais à la lumière des recherches modernes. >>

Les lecteurs de cette Revue et tous les rabelaisants savent quelle large part M. W. F. Smith a prise dans ces recherches. Les qualités qui distinguent ses travaux : richesse de documentation, goût des recherches d'érudition, intelligence des idées et de l'art de Rabelais, se retrouvent dans ce volume.

Ce sont les aspects de ces idées et de cet art qui sont examinés au cours de quelques chapitres sur la religion de Rabelais, son humanisme, ses connaissances juridiques, son goût de la géographie et des voyages, etc.

Parmi ces articles, il convient de signaler spécialement celui qui est consacré au Ve Livre. M. Smith y reprend une dictée qu'il a exposée dans la Revue des Études rabelaisiennes en 1906. Les parties qui constituent le Ve Livre ont pu être écrites non seulement avant le IVe, mais même avant le IIIe. Mises de côté par l'auteur, elles auraient été découvertes après sa mort et arrangées de manière à former une continuation du voyage vers le pays de la Dive Bouteille.

L'argument le plus frappant en faveur de cette hypothèse est la présence, dans les trente-quatrième et trente-cinquième chapitres du Ve Livre, ainsi que dans les huit derniers de ses chapitres, d'emprunts à l'Hypnerotornachia, de Prosper Calsuna. Or, Rabelais, qui avait utilisé cette source au moment où il écrivait le Gargantua, ne l'a plus exploitée ni dans le Tiers ni dans le Quart-Livre.

A signaler encore dans la conclusion du livre de M. Smith une esquisse de l'influence de Rabelais sur les lettres anglaises :

Ben Jonson, Shakespeare, Burton, Thomas Browne Butler, Sterne et Walter Scott ont fait à Rabelais des emprunts considérables.

J. P.

Dr M. BOUTAREL. La médecine dans notre théâtre comique depuis ses origines jusqu'au XVIe siècle. Mires, Fisiciens, Navrés. Librairie H. Champion, 1918, in-8°, 144 pages.

M. le Dr Boutarel a recherché dans le théâtre comique du moyen âge, du Jeu d'Adam le Bossu aux Soties des xve et xvIe siècles, quelle était l'opinion de nos aïeux sur le « mire ». Même limitée aussi strictement, l'enquête reste étendue et les textes sont nombreux, dans le théâtre comique, qui nous renseignent sur le médecin, le charlatan, le malade, les simulateurs, la thérapeutique, etc. On les trouvera groupés dans l'ouvrage du Dr Boutarel et interprétés par la médecine moderne.

Il est fâcheux que ce commentaire laisse sans les éclaircir suffisamment quelques-uns des passages cités. Il était possible pourtant de dissiper toutes les obscurités des textes. La tradition médicale du moyen âge s'est continuée au xvie siècle. Elle se retrouve dans les romans de Rabelais. Or, s'il est une partie de l'œuvre de Maître François qui ait été minutieusement étudiée, c'est précisément celle qui représente la science médicale de Rabelais ou son observation des mœurs médicales. Presque tous les termes relatifs à la médecine du moyen âge se trouvent expliqués dans les commentaires de Rabelais qui ont été publiés par le Dr Brémond, le Dr Le Double et en dernier lieu par le Dr Dorveaux dans la Revue des Études rabelaisiennes et dans l'Édition critique de Rabelais. De ces travaux, le Dr Boutarel pouvait retirer pour ses commentaires une documentation solide que le lecteur regrette de ne point trouver dans son ouvrage, par ailleurs agréable.

J. P.

CHRONIQUE

La victoire est venue, plus éclatante, plus pure, plus parfaite encore que nos âmes ne pouvaient l'imaginer dans leurs plus beaux rêves. Depuis plusieurs mois déjà, nous entendions, sans l'apercevoir encore, le doux frémissement de ses ailes, et, soudain, sa forme légère s'est élancée vers nous, en un élan superbe, semblable à cette déesse Niké des Grecs, à cette Victoire de Samothrace, que nos yeux ont appris à admirer et à aimer, au sommet du grand escalier de notre Louvre. Quoi qu'il arrive, plus rien ne pourra ternir désormais son image éblouissante et sacrée. Au moment où elle lui apparut ainsi, par une claire matinée de novembre, le jour de cette SaintMartin, chère aux traditions de nos pères, la France s'est montrée vraiment digne de cette visite, si passionnément et si longuement attendue. Par sa gravité, par sa noblesse élégante d'attitude, son triomphe spirituel et discret, le peuple français s'est affirmé pareil à celui des anciens jours. Un soldat lettré, racontant ses impressions du jour de l'armistice, nous disait que le spectacle des rues lui avait rappelé les exquises descriptions des premières pages du Voyage sentimental de Sterne. On ne le dira jamais assez : cette convenance, cette joie tendre et discrète, qui tenait compte de tant de larmes versées depuis plus de quatre ans, étaient à l'unisson des événements prodigieux qui se sont déroulés pendant cinq mois, à partir de cette journée fatidique du 18 juillet dernier, date mémorable par excellence de l'histoire du monde.

Depuis ce moment, la France et ses Alliés attendent la paix définitive. Il ne faut peut-être pas trop s'étonner que l'enfantement de celle-ci soit long et difficile. En attendant, il importe que notre patrie bien-aimée panse ses plaies et qu'elle se remette avec énergie et méthode au travail. Nous ne faillirons point, pour notre part, à ce pressant devoir. Notre Société et la Revue du Seizième Siècle, qui n'a jamais interrompu sa publication pendant la guerre, on peut le constater avec quelque fierté, vont reprendre le cycle régulier de leur

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labeur. Nous demandons à tous nos membres de rester fidèles à l'œuvre que nous poursuivons avec eux, depuis seize ans, et de lui conquérir de nouvelles sympathies. Si chacun d'eux veut bien répondre à cet appel, l'avenir de la Société comme celui de la Revue seront pleinement assurés. Dix-neuf volumes sont là pour attester l'étendue de nos efforts passés. Nous avons la volonté de vivre et de continuer, sur la civilisation d'un siècle plus admiré et plus attrayant que jamais, la vaste enquête que nous avons entreprise en 1903; il ne faut pas que le travail collectif, commencé sous des auspices si encourageants et avec de si nombreux et si précieux concours, risque de s'arrêter ou de se ralentir. Tant de belles âmes qui nous ont quittés au cours de la tourmente adjurent ceux qui restent de ne pas laisser s'éteindre le flambeau que leurs nobles mains ont porté. Serrons les rangs et reprenons notre marche. En avant, pour l'amour de la France et de notre grand xvie siècle.

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Les mois qui viennent de s'écouler ont apporté à notre Société une série de deuils qui ont été profondément ressentis : Michel Bréal, Charles Bayet, Ernest Dupuy, Émile Picot, Albert Fabre, Henri Maïstre, Émile Besch, Louis Loviot, le Dr Pozzi, Auguste Lepère. On trouvera dans le prochain fascicule l'hommage qui sera rendu, au cours de l'Assemblée générale de la Société, à la mémoire de ces membres, dont la perte nous est infiniment sensible et qui figuraient presque tous parmi nos amis de la première heure. Nous devons ajouter à ces noms ceux de deux anciens membres : le commandant Pinet et le professeur Raphaël Blanchard, ainsi que ceux de deux jeunes combattants, amis de nos études, Pierre Lécureux et Émile Gonin, tombés tous deux pour la France.

La maison de Calvin à Noyon est complètement démolie. Il n'en reste plus que quelques murs. L'armée allemande a, en effet, détruit entièrement par la mine et par le feu tout le centre de la vieille et charmante ville picarde, lorsqu'elle reprit Noyon, à la fin de mars 1918.

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A signaler, dans le numéro du 15 mars 1919 de la Revue des Deux Mondes, le charmant article de M. Henry COCHIN : Comment il faut lire Pétrarque.

Notre confrère M. J. MATHOREZ Continue avec une belle ardeur la série si utile et si neuve de ses enquêtes sur l'histoire

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