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s'en vont criant partout que l'art s'en va, que les types sont usés, etc., : « Il est plus moral, il est plus viril de faire vibrer en l'homme les cordes de l'honneur, de l'ambition légitime, de l'amour pur, du sacrifice, que d'intéresser sa curiosité par des peintures malsaines. La comédie, le roman ont au XIX siècle une mine inépuisable. Si Dieu nous redonnait un Molière, les types ne lui manqueraient pas. L'agiotage, la sottise qui est éternelle, le ridicule qui ne périt point, le luxe qui dévore tout, jusqu'à la vertu même ; le commerçant enrichi et sot, lourde doublure du bourgeois gentilhomme; l'homme actuellement plus amateur de chevaux que de femmes; la femme préférant à l'homme les splendeurs de la toilette; les girouettes politiques enfin, voilà des ridicules, qui, en attendant leur Molière, se coudoient impunément dans la rue. »

Ces citations suffisent pour faire connaître ce travail, qui, quoique trop court, est bien fait. Le sujet est traité avec ordre; le style est correct et sobre, et une animation soutenue en rend la lecture agréable et facile.

La Société a accordé une mention honorable, avec médaille d'argent, à son auteur, M. Ruban, professeur au lycée de Nice.

Dans cette séance, M. Bénard, membre résidant, a lu la pièce de vers suivante :

SUR UNE VIEILLE ÉGLISE.

I.

On m'avait dit: Craignez de vous tromper d'époque;
Ce siècle est incrédule et sceptique, il se moque
De l'art de ses aïeux;

Consacrer au Veau d'or l'encens des convoitises,
Voilà le dogme saint des modernes Moïses;

L'art est bon pour les vieux.

Que nous font ces débris gothiques d'un autre âge
Englouti sans retour dans un vaste naufrage,
Epaves du passé ?

Comme sur les tombeaux des mornes cimetières

Par les spectres hantés, écrivons sur leurs pierres :
Quiescant in pace!

Qu'étranger à son temps, un blême archéologue
Déchiffre les cartels du titre à l'épilogue

Sous son abat-jour vert:

Qu'il cherche le secret des légendes obscures,
Des dalles, des vitraux, des austères figures
Dont l'œil n'est plus ouvert;

Que veulent aujourd'hui ces reliques usées ?
Accrochons-les au clou, dans un coin des musées,
Avec un numéro;

L'Art, c'est la Fantaisie ondoyante et légère

Qui, maquillée à neuf, danse sur l'étagère

De Susse ou de Monbro!

II.

Quoi! cette basilique immense et séculaire

Devant qui tout s'abaisse et rampe à fleur de terre
Pour ne durer qu'un jour;

Et tous ces trésors d'art qu'abritent ses murailles,
Ces souvenirs qui font palpiter ses entrailles
De l'abside à la tour;

Les saints portant sinople, or, émaux des bannières,
Qui passent tout pensifs dans l'azur des verrières
Semé de fleurs de lis;

Ceux dont le badigeon, comme un suaire immonde,
Croyait avoir plongé dans une nuit profonde
Les traits ensevelis;

Les figures sans nombre illustrant les dallages,
Des citoyens d'alors héroïques images,

Echevins et mayeurs,

Guerriers morts en luttant pour sauver la Commune,

Bienfaiteurs dont la main tendue à l'infortune

Lui fit des jours meilleurs ;

Ossements des aïeux qui pavent cette enceinte,
Et mêlent au respect de sa majesté sainte

Le culte des défunts :

Tous ces témoins de Dieu, de l'Art, de la Patrie,
Ne seraient qu'une poudre inutile et flétrie,
Sans vie et sans parfums!

Tout cela ne serait qu'un tas de moëllonnage
Qu'on tolère, encor bien qu'il jette trop d'ombrage
Par ses divers côtés,

Suivant que le soleil (passe encore pour la lune)
Eclaire tour à tour de sa masse importune

Les vieux flancs arc-boutés !

III.

Parfois, lorsque la nuit, des voûtes descendue,
S'est jusqu'au fond des nefs muettes répandue,
Que les portails sont clos,

Que les piliers touffus se fondent dans les ombres,
Que l'iris des vitraux plonge en des teintes sombres
Comme en d'étranges flots:

On entend chuchotter soudain des voix plaintives
Qui montent lentement du sol jusqu'aux ogives
Où le regard se perd:

Des souffles inconnus parcourent les nervures,
Et les font tressaillir ainsi que des ramures
Pendant un soir d'hiver.

Des vitraux à leur tour d'autres voix leur répondent;

Dans les rangs des piliers des accents se confondent; Ces athlètes géants,

Livrant au vent sacré leur chevelure austère,

Du socle au chapiteau frissonnent de mystère
Sous les arceaux béants.

LES DALLES.

Quelqu'un entendra-t-il là-haut notre prière?

Ceux dont nous abritons la demeure dernière

Ont froid, pauvres reclus !

Leurs âmes sont en peine, alors qu'on les oublie ;
La vallée autrefois de fleurs était remplie :

N'en cueillera-t-on plus ?

Pourtant ils ont payé leur dette avec usure:
Leur cœur au dévouement n'a point mis de mesure,
Ni leurs vertus au bien;

Leur voix n'avait qu'un cri: Dieu, la Cité, la France!
Et quand il le fallait, l'or, le sang, la souffrance,
Ils comptaient tout pour rien.

Leur généreuse race est-elle donc éteinte ?

Qui sait si, quelquefois traversant cette enceinte,
Un dernier descendant

Ne foule pas aux pieds, sans s'en douter peut-être,
La pierre sous laquelle un magnanime ancêtre

Dort, son épée au flanc?

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