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SÉANCE DU 2 AVRIL 1881

PRÉSIDENCE DE M. E. PIETTE

M. le président dépose sur le bureau les ouvrages suivants :

L'Investigateur, 46° année, juillet, août, septembre, octobre, novembre et décembre 1880;

La sépulture mégalithique d'Ambleny, par M. Amédée Piette, membre correspondant, 1884 ;

L'hiver de 1709, par M. H. Joffroy, membre correspondant.

Remerciements à MM. Piette et Joffroy.

La parole est donnée à M. le docteur Penant qui lit une intéressante notice sur une vieille famille de Vervins.

UNE ANCIENNE FAMILLE VERVINOISE

LA FAMILLE VERZEAU

(1600-1880)

A l'ombre de la noblesse dont les noms remplissent nos chroniques vivait une classe intéressante que l'histoire, un peu dédaigneuse à son endroit, désigne en bloc sous le nom de tiers-état. C'étaient d'honorables marchands qui, pour toute réclame, s'appliquaient à conserver leur bonne renommée; des médecins dont la seule ambition était de guérir les malades; des administrateurs, des fonctionnaires qui suppléaient par leur zèle aux rouages incomplets du temps; des prêtres dont quelques-uns ne reculaient pas devant de lointains apostolats; et ces braves gens rendaient peut-être, dans leur sphère modeste, autant de services réels à la chose publique que les brillants seigneurs qui allaient se pavaner à la cour ou

qui guerroyaient pour le service du roi, et plus souvent dans leur intérêt personnel.

Il m'a paru bon, à ce point de vue, de faire des recherches sur une vieille famille vervinoise, qui depuis plus de deux cents ans se maintient dans la voie que lui ont tracée ses ancêtres, et dont quelques représentants n'ont pas quitté le clocher natal, chose rare à notre époque, où la facilité des communications, l'attrait des grandes villes et bien d'autres causes, dispersent si rapidement les enfants d'un même pays.

La famille dont je me propose d'établir la généalogie ne figure pas encore à la Transaction de 1573 célèbre dans les annales vervinoises; elle apparaît seulement dans la première moitié du XVIIe siècle avec les noms de Marcq et Adrien Verzeau. L'orthographe de ce nom de famille peut varier et on le trouve, dans les anciens titres, écrit tantôt avec un s, tantôt avec un z, terminé par un x, ou non muni de cette dernière consonne; quelques-uns même, paraissant moins lettrés, signent Verziaux ; quant à nous, nous en rapportant aux signatures les plus correctes, nous l'écrirons Verzeau. L'étymologie peut provenir du mot verseau, un des signes du Zodiaque; une autre étymologie moins savante, mais plus picarde, ferait dériver ce nom de verziaux, pierre à aiguiser, que l'on retrouve dans les vieux dictons du pays pour désigner des monolithes célèbres, ainsi : le Verziaux de Gargantua, à Bois-lès-Pargny, dans les environs de Crécy.

Adrien Verzeau était procureur en la justice de Vervins et plus tard receveur de M. le marquis de Vervins, peut-être même cumulait-il à la fois ces deux fonctions. En décembre 1635, il est désigné comme procureur dans un acte de baptême, et plus tard, en juin 1670, dans l'acte de décès de sa femme, il figure comme receveur de monsieur le marquis de Vervins. Ce cumul de professions était très-fréquent chez nos pères, et on en trouve de nombreux exemples, ainsi que le fait remarquer M. Piette, qui cite souvent dans ses intéressantes recherches (Minutes historiques le nom de Adrien Verzeau et nous le représente stipulant comme receveur du marquisat de Vervins, en l'absence de madame, pour M. le marquis (1655-1668).

Adrien Verzeau sentant sa fin prochaine avait fondé à Vervins en 1667 une procession de la Résurrection; il désirait sans doute donner plus de solennité à cette cérémonie qui a lieu le jour de Pâques à l'office du matin;

il mourut le 16 mai 1681, à l'âge de quatre-vingt-deux ans : il était donc né à la fin du siècle précédent, en 1599.

Son fils Martin Verzeau lui succéda dans la charge de receveur, mais ne la garda pas longtemps, car il mourut le 28 juillet 1689, âgé de 60 ans. Martin Verzeau n'était pas le seul descendant d'Adrien on trouve parmi eux deux procureurs Jacques et Jean; et un chanoine de l'église de Laon, Jacques Verzeau qui figure souvent et donne sa signature dans les principaux actes de famille, en février et mai 1681, et à l'occasion d'un mariage en 1687.

Martin Verzeau eut plusieurs enfants parmi lesquels on peut citer Adrien Verzeau, docteur en médecine, né en 1656 et décédé le 27 octobre 1724, et un autre frère, Charles Verzeau, né en 1663, procureur de Plomion et procureur fiscal au comté de Bancigny en 1714, au mariage duquel nous assistons le 18 mai 1693. Adrien Verzeau exerca longtemps la médecine à Vervins; né en 1656, nons trouvons sa signature avec la qualification de médecin, en 1681, au décès de Adrien Verzeau son grand-père; il avait alors vingt-cinq ans et devait être au début de sa carrière. Nous ne savons rien des faits et gestes médicaux d'Adrien Verzeau; mais il exerçait à une époque malheureuse, à la fin du règne de Louis XIV, période néfaste pendant laquelle la France désolée à l'intérieur par la famine voyait de nouveau ses frontières envahies par l'ennemi; dans notre pays, des bandes de partisans parcouraient les campagnes et y commettaient toutes sortes de brigandages.

Il dût donc avoir bien des plaies à panser, bien des misères à secourir; et la position de médecin, toujours très-honorable, devait être peu rémunératrice; aussi nous ne pouvons être étonnés du certificat ci-joint concernant Adrien Verzeau, pièce qui nous a été communiquée par M. Piette, notre honorable président :

« Nous, Claude Constant, prêtre-curé et doyen de l'église Nostre-Dame de Vervin, soussigné, nous eschevins en charge, et nous anciens eschevins et bourgeois de la ville de Vervin aussy soussignez, certiffions que Maistre Adrien Verzeau, docteur en médecine, et damoiselle Elisabeth Levent, sa femme, sont de la religion catholique apostolique et romaine, comme ont tousjours estés leurs ancestres, qu'ils élèvent de leur mariage dans la piété huit enfans, trois filles et cinq garçons, dont le second nommé Quentin-François vient d'achever sa réthorique à Laon; que led. Verzeau a depuis trente-trois ans sollicité gratis les pauvres malades de cette ville, et que nous n'avons jamais oüy personne quy ait formé aucune plainte contre luy; qu'il a exercé avec

honneur la charge de premier eschevin, celle de conseiller de police, et celle d'admi-
nistrateur de l'hostel-dieu, et qu'il exerce encor celle de conseiller du roy assesseur à
la mairie de Vervin, faisant fonction de procureur du roy et de communauté pour la
charge n'estre levée, touttes lesquelles charges sont des marques certaines de sa
capacité et de sa probité; mais ne luy apportant aucun profit, ne l'aidant aucunement
pour soutenir sa nombreuse famille, ny donner l'éducation à ses enfants proportionnée
à sa condition, que sa vie et meurs tant de luy que de sa femme et de ses enfans sont
irréprochables, en foy de quoy nous avons signé le présent certificat pour servir ce que
de raison et y avons faict apposer le cachez des armes de la ville.
Faict à Vervin, ce cinq septembre mil sept cent-treize.

Signé: CONSTANT, doyen de Vervin, NICOLAS, eschevin, CONSTANT, eschevin,
VUAUDIN, eschevin, FOULON, eschevin, HUBIGNEAU, LEHAULT.

La façon dont ce certificat est libellé dit assez quel en était le but; nous ne savons s'il eut un résultat satisfaisant, mais ce qui est certain c'est que parmi les cinq garçons, trois se firent prêtres.

Adrien-Antoine, fut curé de Prisces;
Quentin-François, fut curé de Besny;

Antoine, fut sous-diacre.

C'était à cette époque, comme aujourd'hui, un moyen plus facile d'élever et d'établir une nombreuse famille.

M. Amédée Piette possède le portrait du docteur Adrien Verzeau. Il est encore jeune, ses cheveux descendent en boucles sur ses épaules et une petite moustache naissante orne sa lèvre supérieure ; il porte la robe de docteur avec le rabat; sa main s'appuie sur un volume d'Hippocrate sur lequel on lit: Ego curo, Deus sanat. Ce qui nous paraît être une imitation ou plutôt une traduction latine de la devise d'Ambroise Paré, le le pansai, Dieu le guerit. Ce portrait, de même que trois autres dont nous parlerons plus loin, est probablement l'œuvre de Verzeau, peintre du roi, dont la signature figure dans les actes de l'état-civil de Vervins du commencement du XVIIIe siècle. Ces portraits sont d'une exécution un peu rude, mais d'une vigueur de pinceau vraiment remarquable; ils doivent être d'une grande ressemblance. Notre docteur avait aussi ses armes d'azur à un signe de Verzeau d'argent, représenté par un homme tenant une cruche et versant de l'eau de même, et surmonté de trois étoiles d'or mal ordonnées. Son père, Martin Verzeau, suivant la déclaration de Geneviève Houzé, sa femme, avait les mêmes armes.

Revenons maintenant à Marcq Verzeau: il était marchand en la cité et

plus tard gouverneur de la ville; car il est désigné en 1669 comme marchand, et le 4 mai 1693, au décès de sa femme Françoise Noël, on lui donne le titre de gouverneur de la ville de Vervin. Sa postérité fut nombreuse et les noms de plusieurs de ses enfants méritent de nous arrêter, car chacun d'eux a marqué, avec une certaine originalité, sa place dans les annales vervinoises.

Nous trouvons d'abord Jean-Marie et Adrien Verzeau, le premier, né en octobre 1656, et le second le 14 février 1669. La concordance parfaite des noms et des dates nous font croire que ce sont ces deux frères qui, membres des Missions étrangères en qualité de pères Jésuites, s'y firent remarquer par leur zèle évangélique. On ne peut d'ailleurs mettre en doute qu'il n'ait existé deux Jésuites du nom de Verzeau, les actes qu'ils ont signés sur les registres de l'état-civil le prouvent d'une manière certaine. En effet, le 3 octobre 1706, M. Adrien Verzeau de la compagnie de Jésus est parrain de François-Xavier Verzeau, fils de Claude Verzeau, maire perpétuel de Vervins, et de demoiselle Marie Clicquet, son épouse. La signature qui figure au bas de l'acte est excellente, elle est celle d'un homme fait, le signataire avait en réalité 37 ans. Et plus tard, en 1728, au mariage du même François-Xavier, qui était le neveu des révérends pères, c'est Jean Verzeau de la compagnie de Jésus qui appose sa signature; une année après, le 14 octobre 1729, il baptise le premier né de cette union. La signature de ces deux actes par Jean Verzeau fait supposer qu'il était alors âgé ; il devait en effet avoir 73 ans.

Les Lettres édifiantes et curieuses écrites par des missionnaires de la compagnie de Jésus nous fournissent des documents certains sur les missions des pères ver vinois. On lit en effet dans une lettre du père Tarillon à M. le comte de Pontchartrain, secrétaire d'Etat, sur l'état des missions des pères Jésuites dans le Levant, en date du 4 mars 1714 (1): << Smyrne n'a que quatre Jésuites, dont deux ont près de 80 ans. Cepen<< dant c'est encore une mission où il y a de grands biens à faire pour le ⚫ salut du prochain. Il est vrai que le P. Adrien Verzeau qui en est le << supérieur y travaille autant que plusieurs autres. >>

Et pourtant Smyrne n'était pas alors un séjour bien recherché ni bien sûr. Car, d'après cette même lettre, « la ville de Smyrne était souvent << affligée de pestes violentes et de tremblements de terre si furieux qu'ils

(1) Tome 1, p. 24, édit. Gaume frères, 1829.

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