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aurait permis, pour la présente année, une activité précieuse, très-favorable à la récolte actuelle.

Sur les versants, la destruction est tout-à-fait proportionnelle à la proximité verticale des bas-fonds; on peut suivre les dégâts à mesure que l'on descend. Au sommet la végétation est superbe; au milieu de la côte, bien souvent, une partie de l'arbre est feuillue, tandis que le reste est mort; enfin au bas on ne voit plus rien de vivant.

Nous avons pourtant constaté que beaucoup de souches, garanties par la neige, fournissaient aujourd'hui des rejets vigoureux, accusant que l'arbre n'est pas toujours atteint jusque dans ses racines.

Il nous faut encore mentionner un phénomène qui s'est produit d'une manière assez générale; les arbres endommagés partiellement ont été attaqués presque tous sous une orientation déterminée, et cette orientation fut celle du S.-O.

Si on se rappelle que le vent a soufflé pendant les froids à peu près régulièrement de l'E., il y aura lieu d'être surpris de voir la gelée sévir du côté opposé, et mieux encore du côté où le soleil dardait ses rayons les plus chauds. Non seulement les branches soumises à cette exposition furent désorganisées, mais souvent encore sur toute l'étendue du tronc, l'écorce fut fendue et plus ou moins détachée du bois qu'elle protégeait.

Nous disions plus haut que dans ces circonstances le soleil avait dù jouer sa part de rôle comme agent destructeur; la présente observation ne permet plus d'en admettre le doute.

Les pommiers n'ont pas été seuls à subir cette action désastreuse ; d'autres essences, tels que les poiriers, les cerisiers, les noyers ont également souffert, seulement à un degré moindre.

Dans la forêt du Nouvion, nous avons vu nombre de jeunes chênes dont l'écorce était aussi fendue longitudinalement sur la face exposée au S.-O.

Pour n'omettre aucune des causes probables des accidents survenus pendant l'hiver de 1879-1880, il faudrait encore considérer qu'au moment où les froids firent leur apparition (14 novembre 1879), la sève de nos arbres fruitiers n'avait pas encore opéré son retrait de fin de saison. Cette sève, abondante dans les couches corticales, fut surprise en pleine circulation vers la fin de novembre et au commencement de décembre. Les froids précoces, continus et par trop vifs en ont déterminé la

congélation, et le résultat de ce phénomène fut le déchirement des cellules du liber et le décollement de l'écorce.

Nous savons du reste que les beaux jours se succédèrent presque sans interruption, surtout en décembre; le ciel alors serein pendant la nuit accumulait par rayonnement, pour ainsi dire, froid sur froid. Pendant le jour, le soleil, par sa persistance, desséchait l'écorce des arbres déjà soulevée du tronc; celle-ci, en se fendillant, mettait le bois à nu et l'exposait à toutes les rigueurs de cette intempérie exceptionnelle.

Voici un complément d'explication qui nous a été soumis par notre collègue M. Matton, si expérimenté en la matière:

D'abord sous la couche de neige, qui les préservait, les racines continuaient à absorber la sève par leurs spongioles, et l'emmagasinaient en quelque sorte, car la circulation dans le tronc se trouvait arrêtée par la basse température de la nuit. Cependant, sous l'action du soleil de deux heures, les vaisseaux sous-corticaux, en se dilatant, aspiraient avec force cette sève en excès, et bientôt les cellules du liber s'en trouvaient gorgées. Mais aussitôt le soleil descendu à l'horizon, le froid, reprenant sa prépondérance, déterminait la solidification du liquide qui, par son expansion, faisait éclater les cellules. Cette action se répétant chaque jour dût amener fatalement la désorganisation sus-mentionnée.

Dans les régions basses et humides, la sève plus aqueuse s'est malheureusement mieux prêtée à cette action désorganisatrice, et les désastres y furent considérables.

Les hauteurs, au contraire, se trouvèrent en grande partie privilégiées; nous en donnerons pour cause première, sans plus insister, l'interversion du froid que nous nous sommes efforcé de mettre en évidence. En second lieu, nous ferons observer que la température ordinairement plus froide de ces points avait déjà, en fin d'automne, déterminé en partie le retrait de la sève. Cette dernière d'ailleurs plus généreuse, c'est-à-dire moins chargée d'eau, se trouvait en état de résister plus facilement aux effets de la gelée.

Ces considérations achèvent, pensons-nous, de rendre compte des accidents si graves survenus dans l'industrie fruitière de nos contrées. Nous les avons exposées ici avec d'autant plus de confiance, qu'elles s'accordent en tous points avec les interprétations que nous avions sollicitées de plusieurs propriétaires intelligents et intéressés dans la question.

Notre intention bien arrêtée avait été de terminer ce compte-rendu par une évaluation, au moins approximative, des pertes éprouvées dans la circonscription de la Thiérache. Nous avons fait, dans ce but, de nombreuses démarches; mais il nous a fallu renoncer à ce desideratum, faute de renseignements suffisamment précis. Partout nous avons entendu dire que les pertes étaient incalculables, et personne n'a pu nous produire de chiffres.

Force nous est donc de nous renfermer dans les généralités.

Disons alors, seulement, que dans toutes les basses localités avoisinant les cours d'eau grands ou petits, tous les pommiers, à peu d'exceptions près, sont à remplacer. Pour apprécier l'importance de la dévastation, il suffirait de suivre les vallées du Vilpion, de la Brune, de la Serre, jusqu'à Marle et au-delà.

Mais c'est surtout la vallée de l'Oise, d'Etréaupont à Guise, vallée dont les productions en fruits à cidre faisaient l'une des principales ressources, où la perte est immense; c'est pour ainsi dire une ruine pour le pays.

Les chiffres officiels, qui portent surtout sur ces dernières contrées, accusent 4421 sinistrés par le fait de la gelée, avec une perte s'élevant à la somme de 4,881,450 francs. Mais, en remontant aux sources, nous avons pu nous assurer que le plus grand nombre des communes n'avaient fourni aucune statistique sérieuse. Le véritable chiffre des pertes éprouvées doit donc être de beaucoup supérieur à celui que nous venons d'indiquer.

Il nous semble maintenant, par tout ce qui précède, que nous n'aurions pas à craindre d'être taxé d'exagération en proposant d'ajouter l'hiver de 1879-1880 à la liste de ceux qui, par leur rigueur et leurs conséquences désastreuses, ont acquis la plus triste célébrité.

Après cette communication, M. Ed. Piette reprend la lecture de son travail sur les Minutes d'un notaire de Vervins:

LES MINUTES HISTORIQUES

D'UN

NOTAIRE DE VERVINS

Suite (1)

XVIIIe Siècle

Il existe ici une lacune importante dans la série chronologique de nos minutes. De la fin du XVIIe siècle au commencement du XVIIIe une vingtaine d'années vont s'écouler pendant lesquelles nous n'aurons à produire qu'un ou deux contrats. On dirait vraiment que les affaires de notre tabellion ont chômé pendant cette période si l'on ne savait que nous n'avons recueilli de ses vieilles minutes que des épaves abandonnées, et qu'au moment de notre trouvaille plusieurs liasses gisaient éventrées, lacérées et dispersées. Cette lacune, qui du reste s'est déjà présentée, est regrettable en ce qu'elle vient couper court à des révélations attendues sur certains faits contemporains dont nous suivions sa piste avec intérêt, par exemple, les péripéties du procès pendant entre les Joyeuse et le marquis de Vervins et l'évènement tragique qui en marqua le dénouement.

A défaut de renseignements spéciaux, inédits, nous allons reproduire les détails que les auteurs du temps nous ont laissés sur cette affaire..... << Vervin, dit Saint-Simon, eut force procès avec ses cousins-germains >> enfants de la sœur de son père et du comte de Grandpré, dont il fut étrangement tourmenté presque toute sa vie. Enfin il étoit sur le point » d'achever de les gagner tous lorsqu'un de ses cousins-germains, qui » avoit des prieurés et se faisoit appeler l'abbé de Grandpré, le fit atta» quer (31 aout 1704) comme il passoit dans son carrosse sur le quai de

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(1) Voyez Bulletins de 1873, 1874, 1875, 1876, 1877, 1878, 1879 et 1880.

la Tournelle devant la communauté de Madame de Miramion (1). Il >> fut blessé de plusieurs coups d'épée et son cocher aussi, qui le voulut » défendre. Sur la plainte en justice, l'abbé s'enfuit en pays étranger d'où » il n'est jamais revenu, et bientôt après (octobre 1704), sur les preuves, » fut condamné à être roué vif (2). Il y avoit longtemps que Vervin étoit » menacé d'un mauvais coup de sa part (3) ».

Le marquis Dangeau rend compte également de cette tentative d'assassinat dans son Journal, à la date du 1er septembre 1704, et deux mois plus tard, le 1er novembre, il annonce que M. de Vervins est guéri de toutes ses blessures.

Mais ce n'est pas tout l'affaire eut un épilogue dont n'ont parlé ni Saint-Simon ni Dangeau. Il s'agit d'un procès civil correlatif au procès criminel, et cette fois, qui le croirait! c'est le battu qui paye l'amende. Voici les faits Le comte de Joyeuse, sur la foi d'indices qui paraissaient sérieux, avait été enveloppé dans l'accusation d'assassinat. On relevait des propos tenus en sa présence par des gens de sa maison et par l'abbé, propos impliquant des projets de vengeance, des menaces de mort contre le marquis de Vervins. On alléguait qu'aussitôt après l'attentat un des auteurs principaux en avait porté la nouvelle chez le comte de Joyeuse, et qu'il avait reçu de sa part une gratification; que les deux frères vivaient dans une étroite intimité, que l'abbé avait fait au comte une donation entre vifs de tous ses biens, qu'après sa condamnation, au moment de passer à l'étranger, il avait eu une longue conférence avec son frère, que celui-ci lui avait remis tout l'argent dont il pouvait disposer; qu'enfin le comte de

(1) Il sortait de visiter dans ce couvent Me de Mérode, sa sœur utérine, depuis Madame de Plancy. (Causes célèbres, 1738, tome XII, p. 115).

(2) Nous ignorons l'époque et le lieu de sa mort. Il ne faut pas confondre ce sinistre personnage avec un autre abbé de Grandpré, son oncle, mort en 1710, que Saint-Simon nous dépeint d'une façon fort plaisante..... « C'étoit, dit-il, une manière d'imbécile qui >> en avoit aussi tout le maintien, mais qui ne laissoit pas de sentir sa naissance et » d'aller partout. Il n'avoit qu'une méchante abbaye et n'étoit pas dans les ordres. Son >> corps n'étoit pas comme son esprit les dames autrefois lui avoient donné le nom » d'abbé quatorze qui lui étoit demeuré, et ce prodige avoit passé en telle notoriété » que sa singularité excuse la honte de le rapporter. » (Mémoires, Paris, 1856, in-8, T. VII. p. 119.)

(3) Mémoires, T. IV, p. 350.

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