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giques qui, depuis des siècles, utilisent, à travers la forêt de Saint-Michel, la force motrice des nombreux cours d'eau de la contrée. C'est Sougland, une forge en 1543, aujourd'hui une fonderie dont les ateliers, encaissés le long du Gland qui coule au fond d'un ravin boisé, ne laissent voir d'abord qu'un large toit d'ardoises assez semblable à la carapace d'une canonnière cuirassée.

Un peu avant d'arriver à l'usine, on longe un petit manoir composé d'une ferme dont le plus bel ornement est un colombier presque monumental tout ardoisé, et d'une habitation moderne élevée d'un étage, bâtie en briques rehaussées de pierres de taille en saillie, décorée d'un cordon de modillons et appuyée à l'un de ses angles d'un petit pavillon carré à toit plat. A la suite vient un enclos planté d'arbres verts que je n'ose appeler parc à cause de ses modestes proportions. Là habitaient au XVIIe siècle de vaillants hommes qui défendaient la frontière en armant leurs forgerons c'était la famille Pétré, dont un membre Jean Pétré, courut avec Condé à Rocroy à la tête de 500 hommes levés par lui. Il fut anobli en 1667 par lettres royales relatant tout au long des états de services fort honorables. (V. La Thiérache de 1849, page 24.)

« Cette famille, écrit Dom Lelong en 1768 dans son histoire manuscrite du bourg et de l'abbaye de Saint-Michel, n'a point passé à Saint-Michel la quatrième génération, étant tombée par défaut de mâles et par dissipation des grands biens qu'elle possédait, comme Sougland, Baubigny, Magny, La Renette, Hardoncel, etc. En 1666, Jean Pétré bâtit le château de Sougland qui est en ruine depuis plus de 30 ans. » L'habitation actuelle a été édifiée sur les ruines de ce château.

Au-dessus de la fonderie, le Gland forme un étang encombré de champs de roseaux, puis il s'épanche par un large déversoir en mille filets d'argent et le bruit de sa chute anime la solitude de ce site retiré.

Quelques maisons s'étagent sur la lisière de la forêt qui domine le tableau. L'une d'elles porte une enseigne séduisante: A la terre des Roses, dénomination dans laquelle l'archéologue retrouve le souvenir poétisé d'un partisan espagnol du nom de Rose qui, au milieu du XVIIe siècle, avait frappé Saint-Michel d'une contribution de guerre si lourde que l'abbaye se vit obligée, pour y satisfaire, de vendre trente arpents de propriétés encore appellés aujourd'hui la Terre de Rose.

Une montée se fraye un passage à travers la futaie et c'est désormais un

chemin plein d'ombre et de fraîcheur qui vous conduit au pied de l'église de Saint-Michel, l'édifice religieux le plus imposant de la Thiérache, grand débris longtemps oublié par les archéologues; car c'est, je crois, M. C.-A. Decamp qui l'a signalé le premier à l'attention publique, dans une lecture faite à la Société historique de Soissons, le 8 janvier 1850, sous le titre de Notice sur le village et l'abbaye de Saint-Michel.

Fondée au xe siècle par une colonie de saints écossais, la vieille abbaye de bénédictins se dresse devant nous telle qu'elle était à la veille de la Révolution. Mais elle a payé un large tribut aux tourmentes qui ont pesé si cruellement sur nos frontières: elle n'a conservé de vraiment antique qu'une partie de l'abbatiale; le xvIIe siècle a refait la moitié de l'église et le XVIIIe a relevé les bâtiments claustraux. De nos jours, l'abbatiale est devenue une simple église de village et les bâtiments claustraux, après avoir été verrerie et filature, abritent une fabrique de chaussures. Sic transit gloria mundi.

L'église de Saint-Michel est bâtie sur une légère éminence que l'on gravit par seize marches singulièrement disloquées. Elle a la forme de la croix latine avec la tête tournée vers l'Est. Sa façade comporte deux étages. Au milieu d'un premier ordre de pilastres correspondant à la grande nef et aux bas-côtés s'ouvre le portail décoré de deux colonnes à demi engagées, d'un fronton arrondi, et précédé d'un perron de cinq marches. A droite et à gauche, entre les deux derniers pilastres se creuse une niche à fronton triangulaire occupée par un saint dont la tête a disparu. Au-dessus des pilastres règne une frise rayée de triglyphes et surmontée d'une corniche denticulée. Au second étage le mode de décoration consiste en une grande fenêtre grecque (en ce moment l'ouverture en est remplie de moellons), avec balcon à balustres, accompagnée de deux groupes de pilastres, le tout couronné d'un fronton arrondi surbaissé portant à son tympan les armes d'un abbé. Comme le second étage ne correspond qu'à la nef, il est plus étroit que le premier : le vide résultant de cette disposition est atténué par deux consoles renversées dont l'enroulement inférieur est orné d'un vase. Si l'architecte a été sobre des guirlandes et des arabesques qu'on rencontre souvent sur les façades de ce style, la nature, elle, y prodigue ses végétations: bruyères, fougères, toutes les semences de la forêt voisine poussent entre les pierres qu'elles désagrégent d'une façon inquiétante. Il est vrai qu'elles cachent le mal sous leur gra

cieux feuillage et adoucissent en les fleurissant les lignes de l'architecture gréco-romaine.

Comme le fait pressentir l'ordonnance de la façade, la nef est flanquée jusqu'à moitié de son élévation de deux collatéraux qui s'arrêtent aux transepts, point où commence la valeur archéologique de l'église.

Au pignon du transept septentrional s'épanouit une rose large de près de huit mètres. D'un oculus central décoré de petites arcatures intérieures rayonnent douze colonnettes qui vont se rattacher à un cercle de grandes arcatures à plein cintre comme celles du centre; un bandeau bordé de moulures encadre tout l'appareil et, ce qui produit le meilleur effet, chaque claveau du bandeau est percé d'un petit oculus. Malheureusement il ne reste rien de la brillante mosaïque de verre qui devait émailler la rosace, et ses élégants meneaux ne soutiennent plus qu'un réseau de petites vitres grises et sales. Au-dessous se dessinent trois baies ogivales coiffées d'un cordon mouluré. Au pied du mur, une petite porte qui ne mérite d'être citée que pour mémoire. A l'angle droit du pignon s'élève une tourelle octogonale, à corniche sculptée, et qui dans sa simplicité ne manque pas d'une certaine élégance.

De chaque côté du chœur, deux chapelles basses géminées, décrivant comme deux festons à pans coupés, remplissent les angles formés par les transepts et le chœur.

Autour du chœur et du chevet qui est aussi à pans coupés, des contreforts à retraites successives montent jusqu'au comble qui repose sur une frise de feuillages sculptés. Deux étages de fenêtres à courbe brisée, c'est-à-dire ogivales, éclairent le chevet, le choeur et ses chapelles. Ces fenêtres n'ont ni meneaux, ni colonnettes; mais elles sont mises en relief par un double encadrement et par un cordon de moulures qui contourne leur courbe et se continue en retour d'équerre à la hauteur des impostes. Au-dessous des fenêtres supérieures court, en forme de corniche, un chemin de ronde aérien qui traverse le massif de chaque contrefort.

Tout le côté méridional de l'abbatiale, à l'exception du chœur, est masqué par les bâtiments de l'abbaye qui sont soudés à l'église dans le sens de leur longueur.

Et maintenant entrons dans l'édifice.

Ann. 83

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Ces dimensions résultent d'un travail fait en 1870 par M. Dablin, architecte à Saint-Quentin, en vue de réparations projetées (1). Ce travail consiste en une notice accompagnée de dix plans autographiés et distribués aux personnages en position de faire classer l'église de Saint-Michel au nombre des monuments historiques et d'amener le gouvernement à contribuer aux frais de restauration. Ce double but est atteint aujourd'hui. Depuis quelques années le chœur de l'église (qui a été seul classé) est remis complètement dans son état primitif.

Tout d'abord on est frappé du contraste saisissant que produit la juxtaposition, sans transition aucune, du style ogival primitif et de l'architecture du XVIIe siècle.

La nef se compose de douze arcades (six de chaque côté) portées sur des piliers carrés décorés de pilastres. Les pilastres de face, d'ordre ionique, flanqués, montent jusqu'à un entablement à large corniche agrémentée d'un cordon de denticules. Entre le sommet des arcades qu'il a fallu maintenir basses à cause du peu de hauteur des bas-côtés (7 m. environ) et l'entablement reste un champ dont on a voulu meubler la nudité par un panneau en saillie. L'ensemble est correct, mais froid.

Bien qu'on ne fit plus au XVIIe siècle de voûtes à nervures, la nef, pour harmoniser sans doute les nouvelles constructions avec les anciennes, a emprunté à l'architecture ogivale primitive ses arcs doubleaux, ses arcs formerets et ses arcs ogives, mais en multipliant les profils des nervures. Aux clefs de voûte planent des moines et des anges, dont les longs corps attachés par le dos sont d'un goût plus que douteux au point de vue décoratif. Entre les arcs formerets s'ouvrent vers le nord une rangée de fenêtres

(1) L'exemplaire du travail de M. Dablin que j'ai sous les yeux appartient au cabinet de M. Edouard Piette.

cintrées et divisées en deux baies également cintrées surmontées d'un oculus. En face on ne voit que des simulacres de fenêtres aveuglées par les bâtiments de l'abbaye.

Les collatéraux possèdent le même système de voûtes que la nef; le collatéral nord est seul aussi éclairé par une rangée de fenêtres pareilles à celles qui viennent d'être décrites.

En gravissant les trois degrés qui se rencontrent à l'extrémité de la nef et de ses collatéraux, nous rétrogradons de quatre siècles, car nous voici en pleine œuvre ogivale de la première période. Aux quatre angles de la croisée des bras de l'église un faisceau de colonnettes hautes de onze mètres se dresse pour recevoir de beaux arcs ornés à l'intrados d'une moulure plate entre deux tores. Ces masses puissantes étaient appelées à porter autre chose que le mince clocher d'ardoise qui marque à l'extérieur le point d'intersection des deux bras. « C'était un dôme, nous dit Dom Lelong, qui existait là autrefois, et qui a été remplacé par une voûte. » Cette voûte date du XVIIe siècle. Semblables aux nervures de la nef comme profil, les nervures de la croisée offrent un dessin plus compliqué elles représentent une étoile à quatre pointes et une croix de Malte entrelacées. Les voûtes des transepts et du chœur, appartenant à l'architecture ogivale primitive, tiennent de cette époque la simplicité de combinaisons dont nous avons constaté tout-à-l'heure la reproduction aux voùtes de la nef. Quant à l'abside et aux chapelles leur plan polygonal ne pouvait comporter que cette heureuse ordonnance de voûtes rayonnantes dont les nervures en quart de cercle viennent aboutir à une clef placée entre les deux extrémités de l'hémicycle. Ici, la clef de voûte absidiale figure en raccourci un ange assez détérioré. Dans notre église, les nervures anciennes se différencient de celles du XVIIe siècle par une coupe plus simple: un tore entre deux gorges. Aux nervures des chapelles, le tore, au lieu de présenter, dans sa section horizontale, un segment de cercle, est composé de deux segments formant arête, détail qui apparait pour la première fois au milieu du XIIe siècle.

A l'extrémité du transept nord nous retrouvons la grande rosace, qui a conservé toutes ses élégances pour l'extérieur, et, au-dessous, les trois baies avec ébrasements moulurés. Trois petits arcs couronnent les baies et retombent sur deux corbeaux composés de larges feuilles sortant des assises à la hauteur des impostes de la baie du milieu, et sur deux colon

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