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SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1883

PRÉSIDENCE DE M. E. PIETTE

M. le président dépose sur le bureau :

Notes sur la tenue des registres de l'état-civil, par Ed. Bercet;
Bulletin de la Société des Antiquaires de Picardie, no 3, année 1883.

M. Papillon fait les trois communications suivantes :

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M. Rogine et moi avons recueilli depuis quelque temps trois pièces de monnaies que j'ai l'honneur de déposer sur le bureau.

On se plaint, dans le midi de la France, d'une invasion de monnaies espagnoles en cuivre ; il semblerait que cette invasion est déjà parvenue jusqu'à nous, car les pièces de 2 et 1/2 et de 5 centimos sont relativement abondantes dans notre contrée, et c'est parmi ces pièces que nous avons trouvé celles sur lesquelles nous appelons aujourd'hui l'attention de la Société.

L'une à l'effigie de Ferdinand VII, et les autres à celle d'Isabelle II, paraissent avoir été déformées intentionnellement, comme si l'on avait eu la volonté de les démonétiser, bien que leur congénères se trouvent encore dans la circulation.

La pièce à l'effigie de Ferdinand VII est couverte sur chaque face de sillons parallèles qui en mutilent complètement l'avers et le revers, et qui paraissent avoir été imprimés par les cylindres dentelés d'un laminoir.

Dans les deux autres, celle de 2 et 1/2 centimos est moins profondément sillonnée, tandis que celle de 5 centimos offre une régularité parfaite de lignes progressivement creuses rappelant la disposition des dents de scie.

Les trois pièces ont été dénaturées avec trois instruments différents ; l'opération s'est faite un certain temps après leur mise en circulation puisque les parties enfoncées par les dents de cylindre avaient déjà été usées par le frottement; elles ont continué de circuler depuis, parce que les parties saillantes formées par les sillons ont été usées et arrondies. Enfin ce n'est pas en France que l'opération s'est faite. Il y a dans cette espèce de déformation des pièces de monnaies espagnoles une intention, un esprit d'ensemble paraissant indiquer clairement que c'est dans leur pays d'émission qu'elles ont été altérées.

Dans quel but, par suite de quelle mesure, administrative ou autre ? Nous ne saurions le dire, et des personnes versées dans l'histoire des révolutions modernes de la péninsule espagnole pourraient seules nous l'apprendre.

RUINES DE VOULPAIX

Il existe sur le territoire de la commune de Voulpaix dans la faible partie de bois qui reste d'un ensemble plus considérable connu sous le nom de Bois du Marlier, des ruines presque entièrement recouvertes par la végétation forestière.

Le Bois du Marlier occupait un promontoire dépendant du plateau élevé sur lequel se trouvent les terres dites du Bas-Goulet, à plus de 190 mètres d'altitude, et les ruines se trouvent sur la pointe extrême de ce promontoire, à la jonction de deux ruisseaux, celui de Beaurepaire et celui du Goulet. Il domine le bassin de ce dernier cours d'eau.

Selon une ancienne tradition, ces ruines seraient celles d'un établissement de Templiers. Elles consistent surtout en un amoncellement de grès; au pied, on voit sourdre une fontaine dans le lit de laquelle nous avons constaté l'existence de fragments de vases de l'époque gallo-romaine.

Bien qu'on ne paraisse pas avoir fouillé ces ruines, sinon pour en extraire des matériaux, on y trouve assez fréquemment des objets en fer et en bronze dont la forme et la conservation indiquent une origine bien plus récente que la période gallo-romaine et même que les époques mérovingienne et carlovingienne.

Nos vitrines renferment une serpe, des cisailles (forces), un éperon en

fer, très-peu attaqués par la rouille. Ces objets ont été déposés par notre collègue M. Rogine.

Tout récemment, M. Duflot, agent de la Compagnie d'assurances l'Abeille, m'a remis pour nos collections une cuiller en bronze à manche triangulaire, avec tête ornementée, dont la forme et l'usage paraissent s'être conservés depuis les Romains jnsqu'à nos jours;

Et surtout une petite clochette, également en bronze, portant en relief la croix à huit pointes des chevaliers de Malte.

Je me suis demandé si la présence de cet insigne des frères hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem, devenus dans la suite des temps chevaliers de Rhode, puis enfin chevaliers de Malte, après leur prise de possession de l'île de ce nom, en 1530, si cet insigne, dis-je, n'était pas de nature à jeter, à défaut de texte historique, quelque lumière sur l'origine des ruines de Voulpaix.

Lors de la destruction de l'ordre des Templiers au XIVe siècle, le pape Clément V fit décider que les biens du Temple, devant être employés à la délivrance de la Terre-Sainte, seraient donnés aux hospitaliers de Jérusalem ou chevaliers de Rhode; on accusa même cet ordre d'avoir dans cette perspective acheté l'abolition de celui du Temple.

Les chevaliers de Saint-Jean furent donc mis en possession des immenses domaines des Templiers, et les chevaliers de Malte, leurs continuateurs, les possédèrent jusqu'à la Révolution.

Nous voyons en effet dans un plumitif que nous a laissé M. Amédée Piette, dressé pour servir, à l'intendant de la généralité de Soissons, à l'assiette de l'imposition de la taille dans l'élection de Laon en 1776, qu'alors, le commandeur de Malte était encore seigneur de la commanderie de Puisieux et de celle de Câtillon-du-Temple.

Le dictionnaire de M. Matton indique que le bois du Marlier, situé sur le territoire de Voulpaix, recouvre les restes d'un château détruit.

Il y aurait donc lieu de rechercher aujourd'hui dans les anciennes chartes, puis, sur les lieux mêmes, d'interroger les ruines par une exploraration sérieuse, afin de découvrir comment l'établissement du bois du Marlier a pu subsister en même temps que les seigneurs particuliers du domaine de Voulpaix d'abord, et peut-être en même temps que les derniers seigneurs du nom de Coucy-Vervins entre les mains desquels ce domaine était passé.

LE GLAND, A SAINT-MICHEL

Dans son histoire de Saint-Michel publiée au commencement de cette année, M. Desmasures a cru devoir changer le nom de Gland, donné à deux cours d'eau qui circulent sur le territoire de cette commune, en celui de Glau.

La raison qui paraît avoir déterminé M. Desmasures à opérer ce changement, c'est que dans le langage populaire on donne le nom de glau à un amas d'eau.

Il est vrai que dans la Thiérache on désigne volontiers sous le nom de glau une flaque d'eau dormante, mais une flaque de minimes dimensions, telles que celles qui s'amassent dans les interstices des grès des rues, ou dans les inégalités des chemins.

A la rigueur on comprendrait ce changement si le nom des deux cours d'eau de Saint-Michel n'avait aucune relation avec l'histoire, avec la topographie du pays.

Mais en est-il ainsi ?

Examinons:

Le Gland proprement dit prend sa source dans le département des Ardennes, sur le territoire de Regniowez; il traverse les communes de La Neuville-aux-Tourneurs, Beaulieu, Signy, La Neuville-aux-Joûtes, avant d'entrer dans le département de l'Aisne sur le territoire de Wattigny, en passant par ceux de Saint-Michel et d'Hirson, et de se réunir à l'Oise en cette dernière ville.

Dans les Ardennes, les eaux du Gland servent à entretenir six étangs considérables dont l'un porte sur les cartes officielles le nom d'étang de Gland, et c'est peut-être cette circonstance qui lui vaut le changement de nom que veut lui imposer M. Desmasures.

Au XIIe siècle, on canalisa le Gland en creusant un lit à côté du sien après quelques kilomètres de parcours à partir de l'étang de Gland, et on utilisa ce canal pour faire tourner des moulins. Ce cours d'eau, nommé ruisseau de la Petite-Eau, demeure à peu près parallèle au Gland jusqu'à Caillo-Fontaine, où il s'infléchit vers le sud pour arroser le vil

(1) Les mères de famille disent, à l'occasion, en parlant de leur progéniture: Il n'y a qu'un glau d'eau sur la route, mais on est sûr que cet enfant ira y mettre les pieds.

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lage de Signy, puis il reçoit le tribut de plusieurs ruisselets, notamment de ceux de Bouillon, de Bosneau, un peu au-dessus de Fligny, et il tourne ensuite à l'ouest pour entrer dans le département de l'Aisne sur le territoire d'Any; à partir de ce moment, il prend les allures d'un cours d'eau principal; il reçoit le nom de rivière des Champs et on ne se douterait plus qu'il n'est qu'une artère du Gland; il côtoie alors le chemin de fer, et après avoir limité les communes de Watigny, de Leuze et de Martigny, il revient, considérablement grossi, sur le territoire de Saint-Michel par Blissy et Montorieux, et retrouve enfin, dans cette ville, le Gland dont il est issu. Au nom de rivière des Champs, M. Desmasures substitue celui de Glau des Champs, et il donne celui de Glau des Bois au Gland originel, puis il ajoute : « les Glaux jumeaux ne forment plus qu'un avant d'arriver à l'abbaye. >>

Si l'on se reporte à la carte qui accompagne son livre, on voit en effet le nom de Glau donné à la rivière des Champs, tandis que le dessinateur a conservé, en contradiction avec le texte, le nom de Gland au cours d'eau principal.

Voyons si tout cela peut se concilier avec l'histoire.

Dans les anciens titres, il est fait mention du Gland à partir du douzième siècle.

En 1132, Nicolas, seigneur de Rumigny, donne le domaine de Gland à l'abbaye de Cuissy pour y établir une abbaye. La chapelle de Gland était déjà fondée et son nom figure encore aujourd'hui à la carte de l'étatmajor, aussi bien que celui de l'étang de Gland. Le territoire de Signy-lePetit faisait partie du domaine. Les Prémontrés de Cuissy, ne pouvant remplir les intentions du donateur, se contentent de bâtir une grange ou ferme pour l'exploitation de leurs propriétés. Peu après ils cédent le domaine à l'abbaye de Bucilly, qui, quelques années plus tard, restitue le domaine de Gland au seigneur de Rumigny.

Toutes ces mutations ne s'opèrent pas sans de nombreux actes intervenus entre les religieux et le seigneur, et toujours il est question de domibus de Glant ou de Gland, curiam de Gland, territorium de Gland; à partir de ce moment les cartulaires de Bucilly, de Foigny, de SaintMichel, citent fréquemment le nom de Gland, soit comme celui d'un cours d'eau, soit comme celui d'une chapelle ou d'une maison, domibus. Non-seulement le Gland figure ainsi dans les chartes du XIIe siècle,

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