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jeunesse du pays et à beaux deniers comptants le droit d'enlever la fiancée de son choix.

Comme on le pense bien les prétentions des jeunes indigènes sont souvent exorbitantes; et quelles que soient les félicités que fasse entrevoir au futur époux sa prochaine union, l'enthousiasme ou l'aveuglement vont rarement chez lui assez loin pour l'engager à passer sans résistance sous les fourches caudines qui se dressent devant lui.

De là des discussions à n'en pas finir.

Si l'on arrive enfin à s'entendre, si le futur se montre généreux,. on lui rend les honneurs, c'est-à-dire que les jeunes gens servent d'escorte à la noce en tirant des salves de coups de fusil, en criant à tue-tête le ki-iou-iou traditionnel, et, après la cérémonie religieuse, en fèlant joyeusement les mariés avec le produit de la contribution obtenue de leur générosité.

Les prétentions des jeunes gens ont-elles, au contraire, été maintenues à un chiffre trop élevé? Toutes concessions ont-elles été refusées, et le futur a-t-il cru devoir passer outre à son mariage? Alors au lieu des honneurs qu'on lui offrait, on lui prépare un charivari dans lequel les cornets à bouquins vont remplir leur bruyant et peu mélodieux office, accompagnés du bruit des casseroles, poëles à frire, couvercles à four et autres corps sonores, mis en résonnance sous la percussion d'instruments contondants convenablement choisis.

Le moment de la cérémonie arrive, le cortége se met en marche; il trouve obstruée par toutes sortes d'obstacles et de barricades la voie qui conduit à l'église; des cordes sont tendues, des voitures renversées en travers du chemin, et l'on rencontre partout des embûches plus ou moins dissimulées.

Cependant, la cérémonie civile et la cérémonie religieuse s'accomplissent, non sans peine; le retour a lieu sans trop d'encombre; mais ce n'est pas tout pendant le banquet nuptial, pendant le bal, pendant les jours de la fête, et même lorsqu'après la noce les jeunes époux quittent enfin une commune qui s'est montrée si hostile à leur premier jour de bonheur, toujours le charivari mêle ses accords assourdissants au chant des épithalames comme aux accords de l'orchestre et aux pleurs des adieux.

Les choses ne se passent pourtant pas toujours ainsi sans résistance de

la part des « gens de la noce. » La patience humaine a ses limites, et il s'élève souvent des altercations, des discussions, des rixes qui viennent assombrir ces jours pendant lesquels on s'attendait à ne respirer que la joie, l'espérance et le bonheur.

Des procès surgissent quelquefois pour tapage injurieux, ou pour coups et blessures entre les parties belligérantes (1).

Dans ces dernières années, pour prévenir ces fàcheux incidents, des arrêtés administratifs sont intervenus, qui ont interdit de corner les mariés, et on est parvenu, sinon à empêcher absolument les manifestations de cet usage, du moins à les rendre moins brutales et surtout beaucoup plus rares.

Certains chroniqueurs ont voulu voir dans cette coutume un ressouvenir du droit du seigneur, droit qui, s'il a existé, pouvait, parait-il, se racheter par de faibles compensations pécuniaires ou honorifiques.

C'est bien dans la féodalité, croyons-nous, qu'il faut chercher l'obligation du rachat de la mariée, mais ailleurs que dans l'exercice du droit du seigneur.

Tous les habitants d'un domaine appartenant corps et biens au seigneur sur les terres duquel ils vivaient, il était tout simple que la féodalité eût

(1) În lisait dans un des numéros du Journal de Vervins de l'année 1841 :

Il existe, dans certaines communes de l'arrondissement de Vervins voisines du départetement du Nord, une coutume par suite de laquelle, lorsqu'une jeune fille se marie avec un étranger à la commune, celui-ci est obligé de payer aux jeunes gens du pays une somme d'argent fixée par ces derniers et proportionnée à la fortune des époux. Si ce paiement a lieu de bonne grâce, des cavalcades, des cris de joie, des coups de fusil de réjouissance accompagnent la noce; dans le cas contraire, le cortège est hué, sifflé et escorté par un charivari de cornets à bouquins: cela s'appelle corner les mariés.

< Cette coutume, il faut bien en convenir, est quelque peu barbare comme les siècles qui nous l'ont transmise, et elle prête singulièrement à l'arbitraire; nous ignorons comment nos pères en faisaient usage, mais nous savons que la jeunesse actuelle est très-disposée à en abuser. Dans le département du Nord les journaux ont eu plusieurs fois occasion de signaler des indignités commises envers de jeunes époux récalcitrants, et voilà que ces excès s'introduisent dans notre arrondissement. Il faut le regretter.

:

<< Les faits qui ont amené cinq ou six jeunes gens de la commune de Clairfontaine à la barre du tribunal correctionnel de Vervins sont à peu près du genre de ceux que nous venons de citer contrariés de n'avoir pu obtenir du mari la contribution à laquelle ils l'avaient taxé, ils ont organisé à la porte de l'église un superbe concert charivarique par suite duquel, des troubles étant survenus, les organisateurs ont été condamnés chacun à quelques jours de prison. La leçon est sévère sans doute, mais elle leur rappellera utilement cet ancien proverbe : Usez, n'abusez pas. »

imposé une indemnité lorsque par le mariage ou autrement on lui faisait perdre un serf ou une vassale.

Plus tard, après l'affranchissement des communes, les habitants devenus libres ont voulu par imitation faire payer à leur tour par les étrangers le droit de contracter mariage avec une jeune fille appartenant à l'agglomération communale, et c'est cette prétention qui, continuée à travers les siècles, persiste à se manifester encore de nos jours.

Mais il faut espérer qu'elle a désormais disparu en présence des motifs d'ordre public et des principes de liberté individuelle qui règnent actuellement sur la France.

SÉANCE DU 2

FÉVRIER 1883

PRÉSIDENCE DE M. E. PIETTE

M. le Président dépose sur le bureau :

Bulletin historique publié par la Société des antiquaires de la Morinie, 124 livraison, octobre, novembre, décembre 1882;

L'Investigateur, 48° année, novembre et décembre 1882;

Bulletin du comité des travaux historiques et scientifiques, année 1882, numéros 1, 2, 3;

Bulletin de la Société des antiquaires de Picardie, année 1882, no 3; Programme des questions mises au concours par la Société académique de Saint-Quentin pour l'année 1883.

Est nommé membre correspondant de la Société, après le vote réglementaire, M. le docteur Hénouille, d'Hirson.

M. Papillon fait une nouvelle lecture sur les coutumes locales:

LE FEU

On croit que les Galls, nos prédécesseurs, ou, comme on disait autrefois, nos antécesseurs sur la terre des Gaules, ont adoré d'abord les objets ma

tériels, les arbres, les pierres ; et les agents de la nature, le soleil, l'eau, le feu. Avec le temps et sans doute sous l'influence du druidisme, ce culte primitif s'éleva et s'épura: les forêts, les lieux remarquables, les tribus mêmes eurent leurs génies protecteurs, aussi bien que les cavernes, les lacs, les rochers, les montagnes. La forêt des Ardennes, par exemple, devint la déesse Arduenna, comme la forêt de Thiérache eut peut-être pour génie tutélaire la déesse Theoracia, et comme Auriniaca passa au rang des divinités topiques et transmit son nom à plusieurs de nos localités. Chaque contrée eut ainsi ses dieux particuliers, ce qui n'empêchait pas la théogonie gauloise de compter beaucoup d'autres dieux de premier ordre correspondant à ceux de la mythologie grecque.

Le nombre des divinités secondaires dont on connaît les noms est prodigieux, et fréquemment encore, des monuments ramenés au jour après des siècles d'enfouissement viennent en révéler de nouveaux.

Comme dans toutes les religions primitives, le feu, source de la lumière et de la chaleur, élément par excellence de la fécondité de la terre, le feu était surtout l'objet de l'adoration des hommes; de là le culte du soleil.

Les Romains en devenant les maîtres de la Gaule se gardèrent bien de froisser les croyances du peuple conquis: quelques centaines de divinités de plus dans leur Olympe ne pouvaient les gêner. Ils se contentèrent d'identifier autant que possible à leurs dieux ceux de la Gaule qui paraissaient s'en rapprocher le plus par leurs fonctions, de telle sorte que Teutates devint le Jupiter gallo-romain; Bélen, dont les regards resplendissaient comme le soleil, se confondit avec l'Apollon mythologique, Ogmius se transforma en Hercule, Niord en Neptune, et Mercure conserva les fonctions multiples qui lui donnaient selon toute apparence une grande popularité, car on trouve fort fréquemment des statuettes, provenant des laraires gallo-romains, qui le représentent avec différents attributs.

D'ailleurs, les Romains aussi professaient un culte pieux pour le feu, les bois, les eaux, les rochers; ils avaient leurs prêtresses chargées d'entretenir dans les temples une flamme qui ne devait jamais s'éteindre; ils avaient leurs bosquets mystiques, leurs grottes mystérieuses, leurs sources consacrées. La fusion entre les deux paganismes ne fut donc ni longue ni difficile à opérer.

Mais lorsque, quelques années après la conquête, les disciples du Christ pénétrèrent dans la Gaule pour y semer la parole de l'Evangile, les choses

changèrent tout d'un coup. Aucune transaction n'était possible entre le christianisme et le culte des idoles, et les apôtres luttèrent dès le début contre les pratiques payennes qui donnaient à des choses matérielles, des témoignages de vénération et d'adoration qui ne sont dus qu'à Dieu.

La lutte fut difficile; elle fut longue surtout. Si longue qu'elle n'est pas encore terminée, bien que depuis dix-huit cents ans le catholicisme ait employé tous les moyens à sa disposition pour faire disparaître ces restes de superstition si contraires à son essence.

Dans le commencement du sixième siècle, le concile d'Orléans ordonnait que ceux qui offriraient des vœux aux fontaines, aux arbres, feraient une pénitence pendant quatre ans, parce que c'est un sacrilège.

Saint Eloi, cet apôtre de notre pays, disait aussi à son peuple : « Ne portez point de flambeaux aux temples, aux pierres, aux fontaines, aux bois sacrés, ni dans les carrefours, et ne faites des vœux à aucune de ces choses. >>

Mais malgré ces défenses et ces objurgations, le culte ou plutôt la vénération des eaux, du feu, des arbres, des rochers, n'en a pas moins persisté jusqu'à nos jours.

Il faut dire toutefois que la religion a purifié ces pratiques en les plaçant sous le patronage des saints particulièrement vénérés dans les contrées où elles se sont maintenues, et que si, aujourd'hui, elles nous rappellent des superstitions d'un autre âge, elles sont surtout une preuve évidente de la puissance du sentiment religieux au sein des populations de notre pays.

En ce moment, nous voulons seulement citer deux ou trois coutumes dans lesquelles le feu est appelé à remplir le principal rôle. Les feux de la SaintJean, ceux du premier dimanche de Carême et la bûche ou socque (souche) de Noël.

FEUX DE LA SAINT-JEAN

La coutume d'allumer des feux soit sur les places publiques des cités, soit sur les points élevés des territoires des campagnes jouissait d'une grande popularité dans les siècles derniers.

On sait qu'à Paris un bûcher était dressé tous les ans, la veille du vingtquatre juin, sur la place de Grève, et que les rois ne dédaignaient pas de mettre le feu à l'arbre de la Saint-Jean.

Ann. 83

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