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Ce serait le lieu de raconter les revendications inattendues qui se sont produites en 1856, si le le docteur Penant n'en avait déjà fait l'historique dans sa notice sur l'hôpital de Vervins insérée au Bulletin de 1873. (V. pages 74 et 75.)

Parmi les nombreux priviléges dont le clergé jouissait autrefois, il faut compter celui de recevoir les actes de dernières volontés. Voici un testament authentiqué suivant un mode peu usité probablement.

Je n'en donnerai que les passages les plus caractéristiques et les plus saillants :

<< Au nom du père et du Fils et du Saint-Esprit, pardevant moy Claude Constant, prêtre doyen rural et curé de la paroisse Notre-Dame de Vervin, diocèse de Laon, et les témoins soussignez, fut présente damoiselle Marie Gobinet, ma paroissienne fille majeure demeurante dans l'hôtel Dieu de Vervin, étant au lit malade, saine toute fois d'esprit et d'entendement, comme il m'est aparu et ausdits témoins tant par ses gestes et ses parolles que par l'inspection de sa personne, laquelle ne voulant mourir intestate a fait et dicté et nommé son testament en la forme et manière qui ensuit:

<«< Item lègue audit hôtel Dieu dudit Vervin la somme de deux cens cinquante livres qui lui sont deub par Monsieur le comte de Joyeuse pour sa part et portion des arrérages de la pension viagère deub par ledit sieur comte de Joyeuse à maitre Philippe Gobinet, doyen curé de Vervin, son frère.

<< Item lègue audit hôtel Dieu la somme de cent cinquante livres à elle deub par le sieur Le Blanc ci-devant curé de Vervin et maintenant chanoine de la cathédralle de Laon pour argent qu'elle lui a prêté et autre argent qu'il a touché pour elle de sa pension de cent francs qui lui est payé tous les ans par l'hôtel Dieu de Laon par fondation faite par Monsieur de Barillon, laquelle somme de cent cinquante livres l'administrateur exigera dudit sieur Le Blanc et pressera le payement sans avoir égard que le sieur Le Blanc lui a surprise dans une maladie précédente qu'elle a eu et contre laquelle elle s'est toujours récryé et se recrie encore comme une extorsion que ledit sieur Le Blanc ne sçauroit nyer dans sa conscience et devant Dieu, s'il a la hardiesse de le nier devant les hommes.

<< Item lègue audit hôtel Dieu une rente de cent dix sols remboursable de la somme de cent dix livres deub par Pierre Judan et sa femme..... « Et Et pour l'exécution du présent testament et de toutes ses circonstances et dépendances, ladite testatrice a nommé, élüe, nomme et élit la personne de Monsieur François Malherbe, marchand, demeurant à Vervin et administrateur de l'hôtel Dieu dudit Vervin.....

« Et a été le présent testament fait, dicté et nommé par ladite testatrice sans suggestion d'aucune personne à moi doyen dudit Vervin et curé soussigné en présence de monsieur Charles Verzeau, substitut du procureur d'office de Vervin et monsieur George Denier, marchand, demeurant au faux-bourg dudit Vervin, tesmoins pris et appelez à cet effet et depuis par moi luë et reluë à ladite testatrice mot après autres à haute et intelligible voix en présence desdits tesmoins, lequel elle a dit bien entendre et telle être sa dernière volonté. En témoin de quoy j'ai signé avec lesdits témoins et ladite testatrice en sa chambre en l'hôtel Dieu où nous avons été mandé le vingt sixième jour du mois de juin après midy l'an de grâce mil sept cens onze. Signé à l'original: Marie Gobinet, Constant, doyen de Vervin, Verzeau et Georges Denier. >>

Comme un notaire, le curé garda minute du testament, car ce n'est qu'une expédition sur timbre qui figure dans les archives de l'hôpital. Du reste ce testament fut parfaitement exécuté sans que personne songeât à en contester la validité, ainsi que le prouve la grosse d'un jugement rendu par Jean-Louis Dormay, bailli de Vervins, le 23 mai 1712, condamnant Pierre Judan, marchand brasseur à Vervins, à payer à l'hôtel-Dieu les arrérages de la rente due à cet établissement en vertu du testament que je viens d'analyser.

Une supplique des administrateurs de l'hôpital adressée à Louis de Clermont, évêque duc de Laon, second pair de France, comte d'Anizy, du 8 août 1717, à l'effet d'obtenir des indulgences en faveur de la chapelle de l'hôtel-Dieu, nous a conservé une vive peinture des excès commis à l'hôpital par les partisans de Growestein qui « le onzième du mois de juin de l'année mil sept cens douze pillèrent absolument ledit hôtel Dieu, emportérent tous les linges qui étoient considérables, vaisselle d'étain, licts de plume, mattelats, rideaux des licts, ornemens de la chapelle, aubes et chasubles;

rien de plus affligeant ; mais ce qui fait frémir d'horreur plus que tous le reste, et ce à quoi on ne pense qu'en gémissant, c'est qu'ils enfoncèrent le tabernacle, foulèrent aux pieds les hosties, et emportèrent le saint ciboire, après en avoir fait le même usage qu'un Baltazar, sans qu'aucune main visible ni invisible parût pour écrire ni exécuter contre ces sacrilèges la sentence que ce roy impie éprouva en sa personne.... >>

Cette supplique est revêtue du scel, à timbre sec, des armes épiscopales qui rappellent à la fois la noblesse du titre et la noblesse de la naissance.

L'hôtel-Dieu n'était pas exclusivement consacré aux habitants de la ville. Il recevait des soldats malades et même des pensionnaires étrangers au pays. Ainsi un compte de 1719 porte recette :

De quatre livres dix sols qu'un officier suisse verse pour l'un de ses soldats traité pendant dix-huit jours;

De quarante-trois livres payées par Bevière, de Sévigny, pour huit mois de la pension de sa fille;

De soixante-dix livres payées par David, de Pontséricourt, pour la pension de sa belle-sœur ;

De quatre-vingt-dix livres « pour les nouritures et médicaments conférés au sieur de Larochelle invalide de la compagnie en garnison à Estréaupont. »

Les deux pièces suivantes témoignent de la sollicitude de certains esprits avancés pour l'instruction publique :

« Ce jourd'hui quatrième décembre mil sept cent vingt un,

« Nous, doyen, bailly, maire, échevins, administrateurs et principaux habitans de la ville de Vervins, avons arresté que la somme de quinze livres de rente annuelle, payable à la Saint-Martin, fondée par une personne de cette ville au proffit de l'hôtel Dieu de cette ville sera employée au désir de l'acte du deux de ce mois passé pardevant Solon, notaire, à l'enseignement de cinq pauvres filles. En conséquence le sieur directeur dudit hôtel Dieu payera par chacun an aux maîtresses des écolles la somme de quinze livres dont la première année commencera à la SaintMartin prochaine et dont il tirera quittance pour être employée en dépence dans ses comptes. Et s'il arrivoit que Laure Poulain, une maîtresse

d'écolle, vint à se retirer pour telle cause que ce puis être, ladite somme de quinze livres luy sera payée en instruisant lesdites cinq filles, au désir de la volonté et intention de la donnatrice, et où la constitution faite pour ce viendroit à être remboursée, ladite somme de trois cent livres provenante dudit remboursement sera mise ès-mains du Sr curé pour aviser au remploy pour le même sujet. Dont acte est fait. Et sera délivré par le directeur dudit hôtel Dieu une levée et coppie du présent acte ausdites maitresses d'écolles, signée de luy pour servir ce que de raison. Et ont les comparans signé :

<< Constant, doyen de Vervin; Dormay, bailif; Verzeau, maire; Rêve, premier échevin; Nicolas, échevin; Caron, échevin; Carré, échevin; Brasseur, procureur fiscal; Nicolas, marguillier d'église; Lehault, Hubigneau, Forestier, etc.

« Délivré pour coppie par moy directeur de l'hotel Dieu de Vervin soussigné ce cinquième de décembre 1721, signé : Vuaudin. »

La seconde pièce est l'original d'un procès-verbal du 17 juin 1774 aux termes duquel les maire, échevins et administrateur en exercice de l'hôtel Dieu nomment Me Laurent-Charles Debeyne, prêtre du diocèse de Laon, chapelain de l'hôtel-Dieu et en même temps second régent au collége. Le procès-verbal énumère en détail les droits et obligations résultant de cette double nomination. En ce qui concerne la place de régent, on lit: « .... il aura la jouissance de la moitié des places et bâtiments dudit collège, l'autre moitié devant être occupée par le premier régent. Ne pourra ledit sieur Debeyne louer à son profit et faire occuper par d'autres que par des pensionnaires étudiants audit collège, laditte moitié des bâtiments; les réparations locatives pour cette partye qu'il occupera seront à sa charge.

« Il sera obligé de faire la classe chaque jour de la semaine, à l'exception des dimanches et fêtes, jeudis de chaque semaine, et l'après-midy des veilles de Noël et de la Pentecôte, des lundy et mardy de la Quinquagésime et des trois derniers jours de la Semaine Sainte.

<«<La classe durera le matin depuis huit heures jusqu'à dix, et l'aprèsmidy depuis une heure jusqu'à trois.

<< Ledit sieur Debeyne ne pourra prendre et exiger de chaque écolier externe pour rétribution que vingt-cinq sols par chaque mois.

<<< Les vacances commenceront le vingt-quatre aoust de chaque année et dureront jusqu'au premier octobre suivant, sans qu'il puisse les avancer,

ny reculler. Il ne pourra donner d'autre congé sans l'agrément des maire et échevins. »

Denis Lehault, maitre chirurgien à Vervins, fut administrateur et receveur de l'hôpital de 1718 à 1721, c'est-à-dire pendant cette période fameuse de notre histoire financière où Law risqua la fortune de la France, en voulant la doubler par la création de valeurs fiduciaires. Une banque faisant partie de son fameux système était devenue en 1718 la Banque royale, et pour la soutenir le gouvernement avait décrété en 1720 le cours forcé des billets de la Banque. Beaucoup de gens avisés mirent à profit le cours forcé pour se libérer en papier et de ce nombre se trouvèrent quelques débiteurs de l'hôpital. « Notament en l'année mil sept cent vingt, rapporte Denis Lehault dans un de ses comptes, plusieurs particuliers qui estoient chargés de rentes envers ledit hostel Dieu en ont fait les remboursements en billets de la Banque.... montant tous lesdits billets à la somme de trois mille sept cens trente livres que le rendant a encore aujourdhuy en ses mains en nature, n'ayant trouvé l'occasion d'en faire l'employ, lesquels il a fait viser suivant la déclaration du roy à telle fin que de raison... »

La Banque avait émis pour 3 milliards 71 millions de billets; elle succomba sous cette avalanche de papier avec le reste du système de Law. Le visa dont parle Denis Lehault n'était autre chose qu'une liquidation ; par suite tous les détenteurs d'effets relatifs au système perdirent du 1/6 aux 19/20, suivant les catégories dans lesquelles ils furent classés.

Un compte des recettes et dépenses faites pendant les années 1721, 1722, 1723, 1724 et 1725 par Bonaventure Vuaudin, qui succéda à Denis Lehault dans l'administration de l'hôtel-Dieu, nous offre encore de curieux renseignements sur les conséquences des crises financières qui furent infligées à la France sous la Régence.

Au lendemain du système de Law, au lendemain de ces édits qui, pour soutenir le système, avaient déprécié les valeurs métalliques au profit des valeurs en papiers et qui avaient été jusqu'à démonétiser, un moment, les espèces d'or et d'argent, il arriva, par une réaction toute naturelle, que la monnaie d'or et d'argent atteignit une hausse considérable. Un financier du temps, Pâris-Duvernay, qui avait succédé à Law dans les faveurs du gouvernement, combattit cette hausse par une mesure violente : il imposa,

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