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les journaux qu'il s'efforçait de lire chaque jour, afin d'augmenter la masse des matériaux qu'il rassemblait avec tant de constance.

Cette collection unique forme une cinquantaine de volumes, texte et planches, que M. Piette a voulu laisser au milieu des travailleurs à l'intention desquels elle a été réunie; il l'a léguée aux archives de l'Aisne, où ceux qui voudront écrire l'histoire d'une des communes du département pourront puiser à pleines mains. Après avoir toujours été obligeant et serviable envers ses collègues, envers les jeunes émules que son exemple faisait naître, il a créé pour eux une mine précieuse dont le Conseil général de l'Aisne appréciera il faut l'espérer la valeur, en lui acccordant une place privilégiée destinée à en assurer la conservation intégrale.

M. Piette laisse un fils récemment éprouvé, lui aussi, par une perte douloureuse et irréparable.

L'amour de la patrie est multiple dans les formes de ses manifestations. Né d'un père historien, M. Piette (Henry) s'est consacré tout entier aux sérieuses études de la haute science militaire. Trempé d'abord sous les rudes coups de nos luttes fatales de 1870, perfectionné ensuite aux leçons de l'Ecole supérieure de guerre, il accomplit sa part dans la lourde tâche de créer et d'édifier sur notre sol, tristement privilégié pour les invasions. étrangères, ces ouvrages protecteurs et défensifs qui doivent contribuer et contribueront au besoin, il faut l'espérer, à empêcher le retour des 'malheurs dont la France a naguère été la victime.

Les devoirs qu'impose une aussi haute mission n'admettent pas de partage, et c'est d'accord avec son père que M. H. Piette a dû se séparer du résultat des travaux de celui que la mort vient de lui enlever.

A notre Société, il a fait don d'une grande quantité de pièces historiques qui ne sont point comprises dans le recueil légué aux Archives de l'Aisne. Il nous a attribué aussi un certain nombre de vases et d'objets antiques, et deux peintures intéressantes comme souvenirs d'un passé peu éloigné de nous (1).

Après avoir fait choix dans la bibliothèque paternelle des ouvrages à sa convenance, M. H. Piette a fait don à la bibliothèque de la ville de Ver

(1) L'une représente l'abbaye de Foigny, et l'autre une vue cavalière du château de Rogny, près Marle, au siècle dernier.

vins d'environ 800 volumes tous plus précieux les uns que les autres, qui enrichiront à tous les points de vue notre établissement communal.

La vie est toujours trop courte pour les hommes qui ont voué leur existence aux travaux de la science ou à ceux de l'histoire.

Quelque laborieuse qu'ait été la carrière par eux fournie, lorsqu'arrive le moment où leurs regards se détournent des spéculations de l'esprit humain pour se porter vers les choses éternelles, beaucoup de problèmes entrevus ou étudiés restent non résolus, beaucoup d'œuvres demeurent inachevées, et ils emportent avec eux le regret de n'avoir pas fait plus pour la science, de n'avoir pas pu faire davantage pour le pays. Il en a été ainsi pour M. Amédée Piette.

La quantité de notes, d'observations, de renseignements par lui réunis était si considérable, qu'il lui aurait fallu une nouvelle existence d'homme pour les utiliser; mais on ne recommence pas la vie.

Lorsque M. Piette comprit que le moment était venu pour lui de

Quitter le long espoir et les vastes pensées,

il concentra ce qui lui restait de forces à l'achèvement de quelques œuvres principales. Cependant, pour un certain nombre, les jours devaient lui faire défaut; aussi, un peu avant sa mort, il nous remit plusieurs ouvrages en manuscrit, qu'il a recommandés tout particulièrement à notre Société. L'un, le Cartulaire de l'abbaye de Saint-Michel, est prêt pour l'impression; il est riche en renseignements peu connus pour l'histoire de beaucoup de communes des environs de Vervins.

L'autre se compose de l'ensemble classé chronologiquement de toutes les notes recueillies par lui pour une notice sur l'abbaye de Bucilly. Avec ces notes seules l'histoire est complète.

Enfin, un troisième se compose d'un travail d'ensemble, texte et dessins, sur les buttes, mottes et tombelles du département de l'Aisne.

Ces travaux et d'autres encore, bien qu'à l'état de notes, sont néanmoins déjà assez avancés pour être utilisés ; ils occuperont leur place dans notre Bulletin.

Comme vous le voyez, Messieurs, M. Amédée Piette n'a pas oublié son origine, et il a voulu que son nom fùt conservé par ses œuvres au milieu

de ses concitoyens. On peut dire qu'il s'est élevé lui-même son monument. Et, qui sait? peut-être ce monument sera-t-il plus durable que les statues en pierre et en bronze dont on se montre aujourd'hui si prodigue.

M. Piette a réuni dans un même sentiment l'amour de son pays et l'amour de l'histoire du sol natal. L'un est la conséquence de l'autre. Son érudition était prodigieuse. Il avait beaucoup lu, beaucoup vu, beaucoup écrit, beaucoup dessiné, et sa mémoire, comme un miroir fidèle, reflétait quand on y faisait appel ce qui s'y était gravé.

Semblable au voyageur qui désire se reposer après une longue étape, M. Piette a vu venir sa fin en homme qui espère y trouver un port. « Sans la souffrance, disait-il, la mort ne serait rien. >>

Les croyances de la jeunesse auxquelles l'activité de la vie impose si volontiers silence lui ont fait entendre leur voix dans l'isolement et les méditations des derniers jours, et il a accepté leurs consolations et les espérances qu'elles versent comme un baume salutaire dans le cœur auquel tout va manquer sur la terre.

Heureux qui, comme lui, peut mourir la main dans la main d'un fils, en paix avec les hommes et avec Dieu.

La réunion s'associe entièrement aux sentiments de sympathie et de regret exprimés par M. Papillon.

Elle décide que le portrait de l'excellent collègue sera demandé à M. H. Piette, pour être placé dans la salle des séances à côté de celui de M. Etienne Pichon, fondateur de la Société. Il est arrêté aussi que l'impression de l'analyse du Cartulaire de l'Abbaye de Saint-Michel, offert par M. Amédée Piette, avant sa mort, sera commencée immédiatement.

SÉANCE DU 24 JUIN 1883

PRÉSIDENCE DE M. E. PIETTE

A l'ouverture de la séance, M. le président fait l'exposé suivant :

M. le président de la Société académique de Laon ayant fait appel aux sociétés savantes du département à l'effet d'assister au congrès départemental qui se tiendra à Laon les 8, 9 et 10 juillet 1883, la Société de Vervins a envoyé à tous ses membres titulaires et correspondants une circulaire leur indiquant une réunion générale pour aujourd'hui, afin de nommer des délégués chargés de représenter la Société archéologique de Vervins à Laon.

Cet exposé fait et après délibération, il est convenu que le bureau représentera la Société au congrès départemental, et que tous les autres membres de la Société pourront se réunir à la délégation pour assister à la solennité savante des 8, 9 et 10 juillet.

Ensuite M. le président fait connaître que le 9 juillet la matinée sera consacrée à des lectures de mémoires intéressant le département, et il dit qu'il serait bon que la Société apportât son contingent à cette joute littéraire.

La réunion partage entièrement l'avis du président. MM. Rogine et Mennesson offrent en conséquence de faire chacun une lecture à la réunion du 9 juillet.

La Société a déjà pris connaissance du travail de M. Rogine.

Ce travail est une étude approfondie et spéciale des ruines de la forteresse qui se trouve au milieu des carrières antiques de Macquenoise, si longtemps considérées comme des retranchements préhistoriques.

Quant à la communication que M. Mennesson se propose de faire, elle consiste dans un article intitulé:

UNE FILLE DE JEAN DEBRY

Le conventionnel Jean Debry, né à Vervins en 1760, se maria deux fois. Il épousa deux Vervinoises: la première, du nom de Marie-Josèphe-Augustine Dupeuty, était fille d'un avocat au Parlement, la seconde, du nom de Félicité Artaud, était fille d'un boulanger. La famille Debry regarda cette dernière union comme une mésalliance, mais Jean Debry passa outre et répondit aux observations qui lui furent faites par la boutade suivante: « La mère de ma femme fait du pain à Vervins; il seroit scandaleux d'y voir sa fille avec mon nom et mes enfans!!! Si son père eût été un fournisseur bien pillard ayant mérité cent fois d'être fusillé, tout seroit admirable.... Rien ne me fera rétrogader. Je ne suis pas arrivé à l'âge et au poste où je suis pour m'asservir à l'opinion des sots de Vervins, et quand j'ai concouru à fonder la liberté, j'en ai réclamé ma part. » (Du 3 germinal an XII. Bibl. de Laon.)

De son premier mariage Jean Debry eut deux filles dont l'aînée, MarieAnne-Ferdinande-Victoire, naquit à Vervins le 23 octobre 1781.

Comme son père, Marie-Anne-Ferdinande-Victoire Debry se maria deux fois, d'abord à un sieur Ghillinghien, puis à un fonctionnaire, M. Sévelle. Madame Sévelle s'était fait dans son entourage la réputation d'une femme d'esprit, et les quelques lettres qui restent d'elle aux archives de son pays natal (1) prouvent, à mon sens, que cette réputation-là n'était pas usurpée. Elle sut manier la plume de bonne heure, car c'est elle qui, lors de l'enquête sur l'attentat de Rastadt où nos plénipotentiaires, parmi lesquels se trouvait Jean Debry, furent sabrés par des cavaliers autrichiens, écrivit la Déclaration des citoyennes Félicité Artaud, épouse du citoyen Jean Debry, Victoire et Eléonore Debry, ses filles, rédigée par Victoire Debry, sur l'assassinat du 9 floréal, à Strasbourg, le 21 floréal an 7. Cette déclaration accompagnée de celle de chaque témoin oculaire de l'événement a été publiée à Paris, chez Dablin, an vII.

Les lettres conservées aux archives municipales ont trait à un mariage projeté entre une fille naturelle du célèbre conventionnel et un employé des contributions indirectes, nommé Dusolon, enfant naturel d'un frère (1) Arch. municip. de Vervins, liasse Dusolon.

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