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ni la même dignité que chez nous; et cela n'empêART. chait pas que dans leurs lois on ne lût ce principe, qu'il était bon que la femme qui se met elle - méme sous la conduite de son mari, lui laissát aussi le gouvernement de ses biens (1).

Enfin elle blesse surtout cette unité, cette communication indivisible de toutes les choses de la vie, qui est un des principaux caracteres du mariage : le lien des affections peut se relâcher, parce qu'il n'est plus soutenu par celui des propriétés; et la société domestique peut être troublée, parce qu'elle manque d'une autorité commune dans un de ses points essentiels.

Là se terminent, tribuns, les remarques principales qui dans la loi proposée ont du rapport avec l'état de mariage; là se bornera aussi ma carriere, peut-être déja trop étendue. Je ne la prolongerai pas pour vous occuper du dernier chapitre du pro-jet, où se trouvent rappelées les causes par lesquelles le mariage se dissout; ce serait attrister inutilement vos esprits par des idées pénibles. La morț est une loi de la nature; vous avez déja prononcé sur la mort civile; et le divorce est une matiere grave qui appellera bientôt votre attention dans une discussion particuliere. Comme remede, il est affligeant, sans doute, mais encore moins par ses effets que par ses causes. Comme faculté, il appartient déja depuis douze ans à notre législation; il appartient depuis plusieurs siecles aux mœurs d'une partie des familles que la République a nouvellement acquises pour sa famille immense; ce sont des motifs suffisants de n'en pas rejeter le principe. Bientôt, pour le faire avouer par la sagesse, il ne s'agira que d'en prévenir l'abus et d'en régler les conséquences.

Votre section de législation vous propose d'émettre votre vœu pour l'adoption du projet.

(1) Bonum erat mulierem quæ seipsam marito committit, res ejusdem pati arbitrio gubernari. Cod. Leg. VII. De pact.

cony.

N° 17.

DISCOURS prononcé au corps législatif,
le tribun BOUTTEVILLE, l'un des orateurs
par
chargés de présenter le vœu du tribunat,
sur la loi relative au mariage. (Tome I,
page 30.)

LEGISLATEURS,

Séance du 26 ventôse an XxI.

Le tribunat a émis, dans sa séance d'hier, son art. vœu d'adoption sur le projet de loi concernant le mariage.

Je suis chargé de vous présenter les motifs qui l'ont déterminé. Je viens m'acquitter de ce devoir. Je ne le ferai pas avec une grande étendue : les raisons qui me l'interdisent, sont faciles à sentir.

L'orateur qui vous a présenté le projet est l'un des profonds jurisconsultes auxquels nous devons l'inestimable travail communiqué aux tribunaux de la République.

Vous n'avez donc pas seulement entendu un des talents les plus rares, qui honorent davantage et servent le plus utilement leur pays; mais la pensée premiere qui n'attend que votre assentiment pour être celle du législateur, s'est développée elle-même tout entiere devant vous dans sa pureté originelle et avec toute sa richesse.

Le projet de loi sur le mariage est sous vos yeux. Les discussions patientes et suivies, les filieres par lesquelles il est passé avant de vous être présenté,

vous sont connues.

ART.

Nous doutons que, soumis à de nouvelles discussions, le travail puisse paraitre susceptible d'une véritable et juste critique.

Enfin, après la voix qui s'est déja fait entendre, il est peu, il n'est peut-être pas d'orateur qui ne fût indiscret en se livrant à de nouveaux et de longs développements sur le même sujet. Ce qui serait imprudent pour le grand nombre, serait, de ma part, une inexcusable témérité.

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Je ne rechercherai donc pas quels sont ceux des rapports physiques ou moraux de l'homme par lesquels il est le plus puissamment appelé au mariage : si le mariage tient plus en lui à l'ordre naturel par l'impulsion des sens que par les besoins du cœur comme s'ils ne constituaient pas aussi essentiellement les uns que les autres la nature de l'homme, s'ils ne la distinguaient pas surtout de tout ce qui, comme lui, vit et respire, et n'en faisaient pas de toute la nature animée le seul être à-la-fois sensible, intelligent et raisonnable.

Je ne rechercherai pas si de simples rapprochements fortuits et instantanés pourraient suffire à la reproduction des individus, à la perpétuité dé l'espece; si, en voyant le jour, l'enfant ne se porterait pas, ne s'attacherait point de lui-même au sein qui lui aurait donné l'être; ce que deviendrait la mere livrée à ses douleurs, à sa faiblesse, si en ce moment un second elle-même ne veillait sur elle et sur l'enfant.

Je n'examinerai pas si deux êtres que le hasard aurait une premiere fois rapprochés, et qu'il placerait encore à côté ou en présence l'un de l'autre en cet instant si douloureux pour la mere; si, dis-je, se rappelant le moment de leur premiere union, et portant à-la-fois leurs regards sur ce premier gage de leurs amours, ils ne suppléeraient pas d'euxmêmes à l'imprévoyance des lois qui eussent trompé leur tendresse; et si, à défaut de témoins, de garants

publics, ils ne se feraient pas à la face du ciel le serment de ne se séparer jamais.

Je ne demanderai pas si l'enfant qui a une premiere fois souri à son pere, serait assuré de le retrouver et de lui sourire encore; si les noms si chers d'époux, de pere, de mere, d'enfant, les plus douces délices destinées à l'homme, ne lui seraient pas demeurés inconnus, sans la sage et nécessaire sollicitude de la loi pour marquer, reconnaitre et distinguer les familles.

Qu'il nous suffise de dire que le mariage remonte nécessairement au berceau du monde; que, comme la société elle-même, il doit sa source à la nature de l'homme; mais que c'est de la majesté des lois qu'il tient sa force principale et ses plus précieux avantages.

C'en est assez pour sentir toute l'importance de la loi qui vous est présentée.

Mais il est une vue sur laquelle il n'est peut-être pas inutile de s'arrêter encore un moment.

Les sentiments religieux aussi ne sont pas moins certainement dans la nature de l'homme. Chez les nations policées, tous invoquent la faveur, les bénédictions du ciel sur l'acte le plus important de la vie, sur l'acte qui en fixe la destinée. Mais si çes sentiments sont universels, l'expression en est aussi variée qu'elle en doit être essentiellement libre.

Un sentiment, un acte religieux ne serait plus un sentiment, un acte vraiment religieux; il ne serait plus digne de l'être vers lequel il s'éleve, s'il n'était pas l'émanation la plus libre de l'ame, s'il n'était qu'un acte d'obéissance à des réglements de la puissance humaine.

Ils oubliaient donc qu'élevé à la dignité de sacrement, le mariage ne cesse pas d'être un contrat civil, nécessairement soumis, comme tout autre, à l'autorité publique; ils dépassaient le but, les législateurs qui se dépouillaient de leur puissance rela

ART.

ART.

tivement au mariage, et en faisaient le domaine de la juridiction ecclésiastique. Ils méconnaissaient législateurs, les vues mêmes de la sagesse infinie.

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Les législateurs d'une grande nation y sont, pour l'universalité des citoyens, ce que la providence est pour l'universalité des peuples. Et puisque la providence elle-même n'empêche pas et sans doute ne rejette pas des vœux offerts avec des intentions pures, qu'en un mot elle souffre la diversité des cultes, il faut qu'à son exemple le législateur sépare du contrat civil tout ce qui touche un ordre plus relevé; et, pour parler le langage des sages jurisconsultés auxquels la nation devra tant de reconnaissance pour leur premier travail, que la loi ne considere dans le mariage que le contrat civil, et laisse à la plus entiere liberté de chacun ce qui appartient à des sentiments qui, plus indépendants, n'en seront que plus purs et plus respectés.

Graces soient donc rendues à la sagesse du Gouvernement, qui a eu soin ici de rappeler que la liberté de conscience est une loi de l'Etat, une des plus importantes garanties des droits des citoyens !

Voilà, législateurs, ce qui imprimera à la loi sur le mariage le caractere d'une haute sagesse, et la rendra l'une des plus utiles à la paix publique, à la prospérité nationale.

La loi proposée, législateurs, se divise en deux parties principales; l'une, embrassant tout ce qui appartient au caractere constitutif du mariage et à sa stabilité; l'autre, se rapportant à ses effets et à sa durée la premiere, en déterminant dans les quatre premiers chapitres les qualités et conditions requises pour le mariage, les formalités relatives à sa célébration, les cas où les oppositions seront autorisées, et enfin ceux où pourront l'être les demandes en nullité de mariage; la seconde, en rap-. pelant dans les cinquieme et sixieme chapitres, aux

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