Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

LIVRE III.

GÉOLOGIE.

INTRODUCTION.

Anciens renseignements.

[ocr errors]

Il y a un ou deux siècles à peine, le sol était un sujet d'études encore inconnu des naturalistes et même des voyageurs; il semblait qu'il n'existât pas et qu'il n'y eût que les animaux et les végétaux qui le couvrent, qui fussent dignes d'attention; dans le règne minéral, on ne recueillait et on n'examinait que les matières utiles ou remarquables par leurs apparences extérieures; en Crète, comme on doit bien s'y attendre, son étude resta constamment en arrière de celle du sol de l'Europe occidentale.

La minéralogie se bornait, chez les anciens, à la connaissance des pierres précieuses et des substances les plus utiles. Pline mentionnal seulement trois substances de Crète : la Cos (Akoni de Stephane de Byzance), pierre à aiguiser le fer, qui avait une très-grande réputation; la Coralloachates, mouchetée de taches dorées comme le saphir, qui était très-abondante et que l'on croyait utile contre la piqûre des araignées et des serpents; enfin, le Dactylus Idæus, de couleur de fer et semblable au pouce humain. La première est la pierre du Levant, mais je ne puis deviner à quoi se rapportent les deux autres. Edrisi, dans le milieu du XIIe siècle, cita une mine d'or auprès de Rhabdh-el-Djobn (Khania). Buondelmonti écrivit, en 1422, qu'il y avait près de la chapelle SaintConstantin, sur une des cimes orientales de Sphakia, des minerais d'or, d'argent et d'étain. Boschini, vers 1650, parla de cristal de montagne très-abondant à l'Ida, en morceaux de diverses grandeurs.

Belon, au milieu du XVIe siècle, n'ayant rien trouvé d'étrange ni de remarquable, se borna à dire du Labyrinthe que : « C'estoit vne quarrière de pierre dure et bien belle, que l'on tiroit anciennement par quartiers », et du Dactylus Idæus « Outre ce qu'elle est trouuée en Crète, nous l'auons aussi veue en vne montagne voisine à Luxambourg. » Ces derniers corps sont des bélemnites dont je n'ai jamais rencontré la moindre trace dans l'île. Quelques années après, le génie de Palissy lançait des éclairs que les naturalistes de l'époque n'aperçûrent pas.

Tournefort, l'illustre représentant de la Botanique, en France, à la fin du XVIIe siècle, ne se douta de l'existence du sol en Crète, que pour

parler d'argiles employées à faire des vases, de villages bâtis en marbre blanc brut, et dire que le labyrinthe est ouvert dans une pierre d'un blanc sale, semblable à celle des montagnes de Gortyne, en lits posés horizontalement dans toute la montagne. Un demi-siècle plus tard, Pococke gardait un silence complet.

Des deux grands naturalistes dont le nom domine le XVIIIe siècle, Linné ne poussa pas ses investigations au-delà de la minéralogie, encore dans l'enfance par suite de l'absence des connaissances chimiques, et Buffon n'étudia guère le règne minéral que pour y chercher des preuves à l'appui de sa théorie de la terre. Mais au même moment, en 1746, Guettard, qui avait le sentiment de ce que devait être la géologie, publiait la première carte géologique, qu'il intitulait: Carte minéralogique où l'on voit la nature et la situation des terrains qui traversent la France et l'Angleterre, titre qui exprimait un nouvel ordre d'idées, qui devait amener d'immenses progrès dans la science, et une précision inconnue jusqu'alors dans les observations locales. L'année 1751 vit apparaître sa Carte minéralogique sur la nature du terrain d'une partie de l'Orient et particulièrement de l'Égypte, de la Palestine et de la Syrie. La plus grande partie de la Crète, formée par les talschistes et les calcaires grenus noirâtres, était placée dans la bande schiteuse; la plaine tertiaire de Messara l'était dans la bande marneuse; la structure géologique de l'île était véritablement ébauchée. L'idée de Guettard, d'une portée si immense, fut complètement méconnue de ses contemporains, peutêtre parce que son auteur était et resta toujours trop en arrière de Linné et de Buffon, dans ses travaux sur les corps organisés.

Trompé sans doute par son ignorance et par de grossières apparences, le baron de Tott s'exprimait ainsi, en 1785 (1): « La hauteur des montagnes qui prolongent la Candie, l'aridité de quelques-unes, et la nature des végétaux qui couvrent les autres, sont les moindres indices des minéraux qu'elles contiennent. Tout y atteste également des volcans éteints, nombre de montagnes ont leur cratère, et j'ai trouvé, près du cap Salomon, une petite île de marbre blanc, couverte en partie d'une couche de lave. Savary et Sonnini n'augmentèrent non plus en rien le peu de connaissances que l'on avait.

Olivier, en allant par terre de Megalo-Kastron à Khania, recueillit quelques données précises. « La montagne Malaxa, dit-il (2), en vue du

(1) Mémoires sur les Turcs et les Tartares, 4o partie, p. 8.

(2) Voyage dans l'Empire Othoman, t. I, p. 577, 380, 403 et 408.

[ocr errors]

golfe de la Sude, est schisteuse et granitique à sa base, tandis que toutes celles que nous avions vues jusqu'alors, nous avaient paru calcaires et la plupart crétacées... A un quart de lieue à l'est de la Canée, on voit un côteau, et plus loin des collines calcaires, la plupart nues, qui s'avancent dans la mer et forment une presqu'île terminée par le cap Mélek... Sélino est la seule province où le châtaignier soit cultivé cet arbre y est abondant, et il réussit très-bien sur les collines et les montagnes schisteuses de cette contrée... L'île Dia est élevée, scabreuse, entièrement calcaire on rencontre en divers endroits du marbre blanchâtre qu'on n'a jamais exploité, et quelques filons de plusieurs pieds d'épaisseur, d'albâtre rubanné, que l'on juge de la plus grande beauté. »

Les temps étaient proches où la géologie devait se constituer à l'état de science; car la rénovation de l'histoire minérale de la terre date de l'étude sérieuse des corps organisés fossiles; étude que Lamarck et Cuvier commencèrent dans les premières années de notre siècle. C'est alors seulement que les naturalistes sûrent trouver et attribuer tout l'intérêt qu'elles méritaient, à ces pierres sur lesquelles, en faisant leurs hypothèses plus ou moins contraires à la vérité, ils avaient marché depuis Aristote et Théophraste, c'est-à-dire, pendant 22 siècles, sans presque daigner y jeter un simple regard. A partir de ce moment, il y eut des géologues, seuls capables de déchiffrer leur signification exacte, Les géologues ont cependant manqué à la Crète. Sieber, à la suite de son voyage de 1817-18, n'a pas donné d'article spécial de géologie; dans divers passages disséminés, il dit que la Crète présente des calcaires durs et blanchâtres, mais non de la craie comme son nom semblerait l'indiquer. Les montagnes de Lassiti sont formées par des couches calcaires horizontales avec nombreuses crevasses. Entre ce massif et l'lda, il y a dans le S. la formation de houille, mais sans combustible; au N., celle-ci fait place à des calcaires marneux blanchâtres, passant parfois à l'argile et à la craie, avec de petites coquilles décomposées; supérieurement, il y a des bancs formés de coquilles réunies par un ciment concrétionné; cet ensemble, de 450m d'épaisseur, très-escarpé au S. et à pente douce au N., entoure les bases du Jouktas; par-dessus, un dépôt d'alluvion s'étend jusqu'à Gortyne, où se trouvent des grès dans lesquels est excavé le Labyrinthe. Les calcaires supportent Candia et lui fournissent la pierre de construction. Il en est de même à Retimo et Canea. Dans les environs de cette dernière ville, non loin de la mer, se trouve du gypse. L'ile Dia est formée par un calcaire stratifié avec calcaire fibrorayonné, incolore, et couches de 1 de calcaire d'un blanc éblouissant.

« VorigeDoorgaan »