CHAPITRE III. SERPENTINES, DIORITES, ETC. Aperçu général. Avec un certain nombre de géologues, je préfère à toute autre dénomination, celle qui rappelle les principales roches qui, en Crète, se sont épanchées au travers des talschistes. Des âges fort différents ont été assignés aux serpentines et aux diorites de la France et de l'Italie; les anciens géologues les regardent comme contemporains des terrains secondaires moyens, tandis que les nouveaux les croient très-souvent postérieurs à la plus grande partie des terrains tertiaires. Les serpentines de la Crète sont assez anciennes; car les parties inférieures du terrain crétacé en renferment des cailloux; mais il n'est pas possible de préciser davantage l'époque de leur apparition, par suite de l'absence, à-peu-près complète, des dépôts sédimentaires inférieurs à ce terrain. Les roches ignées de la Crète sont assez différentes de celles de la Morée; cependant quoique les prasophyres ou porphyres verts de la Laconie ne s'y rencontrent pas, je crois qu'on peut leur assimiler les porphyres et les wackes qui se montrent surtout sur le revers S. des montagnes de Lassiti et au cap Sidhero. Quant aux serpentines, elles sont dépourvues de diallage bronzée et me paraissent avoir beaucoup d'analogie avec celles que M. Virlet a vues à Tinos et qu'il considère comme essentiellement liées et appartenant au terrain talqueux ancien. Les roches ignées se montrent en place dans plusieurs des sept massifs qui composent l'île; dans les autres, elles sont à la surface du sol, en fragments dénotant sans doute des gîtes encore inconnus. Généralement, les diorites se trouvent avec les serpentines; quant aux roches porphyriques qui sont séparées et accompagnées seulement par des wackes pyroxéniques, elles pourraient être plus anciennes. Toutes sont représentées sur la carte par la couleur violette. Sur le revers septentrional des montagnes de Sphakia, entre Voukoniès et Sevronas, il y a sur le flanc du vallon plusieurs affleurements de diorite non stratifié, d'un vert noirâtre, qui ne paraissent pas avoir altéré les quartzites et les talschistes qui les avoisinent. Sur le bord S.-O. du massif du Psiloriti, il y a, à Mélabès, des diorites massifs, à grain fin. A l'O. de Spelé, il y a un petit massif dont la partie méridionale est presque uniquement formée par de belles ser pentines d'un vert noirâtre, auxquelles se joignent quelques diorites à grain fin. Dans les montagnes de Lassiti, à Kritsa, il y a des serpentines et des diorites à grain fin, au milieu desquels se trouvent de grands filons de pegmatite micacée, grisâtre, passant au granite, et des enclaves considérables de calcaire saccharoïde blanchâtre. Plus haut, sur les bords de la plaine du Katharos, il y a un petit amas de serpentine. Sur le versant méridional, autour de Kalami, les talschistes sont traversés sur un grand nombre de points, par de grands amas de serpentine verte ou gris-verdâtre et de wackes pyroxéniques brun - rougeâtre, à amandes calcaires; elles se lient à des diorites gris-verdâtre, à grain moyen, et à des amphibolites compactes vertes. J'ai signalé les porphyres et les wackes stratifiés du pays de Sitia. Roches, etc. Je les ordonne en commençant encore par les plus importantes. Serpentine. Ordinaire verte, avec parties noduleuses vertes ou brunâtres, Spelé; vert-bleuâtre un peu décomposée, Kalami; vert foncé à veinules plus dures vert-bleuâtre, Spelé; vert foncé avec petites veines d'asbeste jaune, Koxaré, Katharos. Avec lamelles de diallage verte; vert-foncé, Spelé, Katharos. Décomposée: verdâtre, Kritsa. - Diorile. A gros grain vert-noirâtre, Sternès. A grain moyen: vertnoirâtre, avec feldspath verdâtre ou blanchâtre en gros nodules, veinules d'asbeste verte, nodules d'oligiste écailleux et petits cristaux de pyrite, Sevroà grain fin vert-noirâtre, Spelé, Kritsa. — Décomposé à grain moyen, vert-jaunâtre, Spelé, Kalami, Kritsa; à grain fin, noirâtre ou gris, Kritsa. nas: : Amphibolile. - Compacte; gris-verdâtre avec épidote verte, Mouliana. Porphyre pétrosiliceux. Ordinaire à petits cristaux de feldspath, KriaVrysis, Toplou. A amandes calcaires; vert-noirâtre, Kria-Vrysis. - Porphyre talqueux. Ordinaire vert, Spelé. A cristaux de feldspath, amandes noirâtres, et veinules d'épidote, Toplou. Micacée, à grain moyen grisâtre, Kritsa. Pegmatite. Wacke pyroxénique ancienne. Compacte verte, Kalami. A amandes calcaires; gris-verdâtre, Kalami, Toplou; vert-noirâtre avec épidote, KriaVrysis. Avec petits nodules de terre verte; violette, Toplou. Pépérino ancien. A grain moyen, vert, Kalami. Les accidents minéralogiques consistent en lamelles de diallage verte et en veinules d'asbeste vert-jaunâtre dans quelques serpentines; en nodules et cristaux de feldspath, en nodules d'oligiste écailleux, veinules d'asbeste verte et cristaux disséminés de pyrite dans les diorites; en cristaux de feldspath et veinules d'épidote dans les porphyres, et enfin en épidote et amandes calcaires ou de terre verte, dans les wackes qui accompagnent ces derniers. Aspro-Vouna. Je ne connais les roches ignées que dans une seule localité, entre Voukoniès et Sevronas, à une heure et demie avant ce dernier village; sur le flanc oriental du vallon, les alternances de quartzites talqueux et de talschistes gris renferment sur deux ou trois points des enclaves de diorite massif. Ces roches tantôt vert-noirâtre, à grain moyen avec feldspath verdâtre et pyrite (188), et tantôt à grain un peu plus gros (189) renferment quelquefois de gros nodules de feldspath laminaire blanchâtre (190) et d'autres fois des veinules d'asbeste verte et des nodules d'oligiste écailleux (191). Le terrain talqueux n'a éprouvé aucune modification; mais je n'ai pu vérifier si les diorites sont intercalés entre les strates ou s'ils les coupent. Dans le ruisseau, il y en a de gros blocs qui donnent une pierre verte très-dure connue des habitants sous les noms de Splinopetra (pierre de rate) et d'Avlopetra (pierre de sangsue). Sur quelques autres points, au col entre Thériso et Dhrakona et aussi en descendant de ce dernier village, il y a, sur les montagnes et dans le lit des torrents, quelques fragments de diorite vert-noirâtre qui dénotent l'existence d'autres gisements, sans doute peu considérables. Plateau accidenté de Rhethymnon. Les roches ignées y forment trois gisements au pied du massif du Psiloriti. Le plus important, qui est aussi le plus étendu de la Crète, est situé au S. de Spelé. C'est un massif de serpentine, à peine enveloppé de talschistes, occupant les contreforts du haut chaînon calcaire littoral. Il commence avant Mournia et s'étend jusqu'au col d'Akoumia, en bordant souvent le ruisseau qui le sépare de Spelé. Les serpentines, que l'on distingue de loin aux teintes bleu-verdâtre du sol, sont vert-foncé à veinules plus dures vertbleuâtre (194), ou vert noirâtre avec lamelles de diallage vert-brunâtre (193); en se décomposant, elles deviennent noduleuses vertes à taches brunâtres (195) ou vert-jaunâtre à taches vertes ou brunes (196). Sur deux points, près de Spelé et du col, elles sont intimement liées à de grands amas de diorite vert-noirâtre à grains fins (197) ou à grains moyens, vert-jaunâtre par décomposition (198). Les diorites sont trèsfortement décomposés à la surface, et il est assez facile de les confondre avec d'autres roches. Vers l'O., j'ai rencontré des fragments et même un bloc de 030 de diamètre, de serpentine vert-foncé à petites veines d'asbeste jaune et surfaces vernies (192), près du Mega-Potamos, avant son entrée dans le Kordhaliotikon-Pharanghi. Du côté opposé, on en rencontre de nombreux blocs en montant au col d'Akoumia, et de fréquens cailloux dès qu'on est entré dans la plaine de Kria-Vrysis. Au N.-O. de Spelé, les talschistes, sur un point dans la plaine, renferment des serpentines semblables, et à une plus grande hauteur, sur le chemin de Karé, ces mêmes roches associées à des diorites. Près d'une source et du col, les talschistes quartzeux renferment un petit amas de porphyre talqueux un peu indistinct (199). Dans cette localité restreinte, on trouve ainsi, exceptionnellement réunies, les trois principales roches ignées de la Crète. Le troisième gisement peu étendu, est au milieu des talschistes noirâtres au pied du Kedros, vis-à-vis l'extrémité orientale du Sidherota; il consiste en porphyre pétrosiliceux gris-jaunâtre à cristaux de feldspath (200), accompagné de wacke pyroxénique vert-noirâtre avec amandes calcaires et épidote (201). Plateau accidenté de Megalo-Kastron. - Je n'y ai rencontré ces roches qu'en blocs isolés superficiels d'abord dans le ravin au-dessous de Pyrathi, un bloc céphalaire de diorite vert; puis à Sternes, où les murs renferment des blocs céphalaires et pugilaires d'un beau diorite vertnoirâtre à gros grains (202). Montagnes de Lassiti. Ces roches y offrent trois gisements. Le plus important, situé sur le revers méridional, se compose de plusieurs massifs principalement formés par des serpentines, que j'ai rencontrées au milieu des talschistes, entre Viano et le grand vallon de Myrto. Le col entre Pevkos et Kalami présente des serpentines amygdalaires noirâtres, et ce dernier village est bâti sur une wacke brun-rougeâtre avec épidote et petites amandes calcaires (208) qui, en montant à l'E. du village, se lie à une wacke pyroxénique gris-verdâtre à amandes calcaires (206) et à un pépérino à grain moyen, de couleur verte (207). Après un col sur le chemin d'Aghdhokhia, on voit, sur un grand nombre de points, percer au milieu des talschistes, de grands amas de serpentine vert-bleuâtre un peu décomposée à la surface (204), et des wackes pyroxéniques compactes vertes (205), analogues aux variolites du Drac. Au col au-dessus du village, il y a un petit amas de serpentine et, à la sortie des habitations, la surface du sol offre quelques gros blocs éboulés de cette roche mêlés à des blocs calcaires, et reposant sur les molasses tertiaires. Tout ce système de roches ignées paraît entrer dans la composition des montagnes au S.-E. de Kalami et des montagnes côtières, situées au S.-O., qui ont 700 à 800 mètres d'altitude. Le tiers supérieur et oriental de la plaine du Katharos, suivant une ligne allant du col de Kritsa à celui de Myrto, présente, sur le bord du petit ruisseau septentrional, une tache vert-bleuâtre de 40 à 50m de diamètre, occasionnée par une serpentine vert-foncé à lamelles de diallage verte (209) et à surfaces vernies, renfermant de nombreuses veinules d'asbeste, et devenant d'un vert plus clair par la décomposition. En remontant le ruisseau, je trouvai un caillou de serpentine engagé dans le macigno gris à gros grain qui la recouvre, et un peu plus loin, un autre plus petit dans le calcaire compacte gris; j'eus ainsi la satisfaction de pouvoir décider la question de l'àge des serpentines de la Crète, qui sont incontestablement antérieures au terrain crétacé. De la serpentine, comme du macigno, sortent de petites sources. Dans la plaine de Lassiti, quelques cailloux de diorite verdâtre à grain fin, rencontrés dans le delta pierreux du Limnokharo, indiquent bien la présence de ces roches dans le massif de l'Aphendi-Khristo. La plaine de Kritsa est surtout formée par des diorites à grain fin vertnoirâtre (212), devenant gris par la décomposition (213), et renfermant des blocs d'un calcaire lamellaire blanc, qui forme un petit monticule dans la plaine. La partie basse du bourg est assise sur un diorite à grain moyen décomposé vert-jaunâtre (214); et tout-à-fait au bas, au bord de la plaine, il y a un lambeau de serpentine décomposée verdâtre (215). Entre la base du Thilaka et l'église qui est à la sortie de la plaine vers PE., les diorites renferment de petites veines feldspathiques blanchâtres, et sur un point, près d'un metokhi et du monticule calcaire, on voit une pegmatite micacée à grain moyen grisâtre (211), passant au granite, qui y forme sans doute un grand filon; elle est toujours profondément décomposée, et donne des terres blanches et verdâtres qui me firent d'abord croire à un petit bassin tertiaire intérieur. Pays montagneux de Sitia. En remontant du profond vallon de Tourloté au col que l'on traverse pour aller à Mouliana, on voit, au milieu des talschistes phylladiens rouges et verts, une sorte d'amphibolite compacte gris-verdâtre avec épidote verte (216), qui paraît former un filon. que Mais c'est surtout dans l'Akroteri du les roches porSidhero cap phyriques sont bien développées; elles forment la première colline que |