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Nation, et voici les premières réflexions que fait naître cette disposition politique.

ON attribue au peuple un droit qui lui sera d'une indifférence parfaite, et qui, dans son application exclusive, offensera, découragera la grande majorité des citoyens susceptibles d'ambition ;'un droit, en même temps, dont l'exercice gênera le gouvernement, sans aucune utilité, sans aucune compensation, et qui deviendra nuisible au bien de l'Etat.

QU'EST-CE, à vrai dire, qu'une indication donnée sans but déterminé, sans intérêt prochain, une indication encore si vague qu'elle ressemble à peine à une attestation de vie et de mœurs?

On aura d'ailleurs peu de confiance au mérite de ces listes d'éligibilité, réduisant cinq millions d'hommes à cinq mille, sans aucune des précautions qui garantissent au moins un sentiment d'intérêt, un degré formel d'attention à cette grande action politique.

Quel motif pourroit dissuader un particulier de donner son suffrage à un parent, à un voisin, à un camarade, puisqu'il est question de donner un titre d'éligibilité pour toutes sortes de places? Ainsi l'on pourra se dire: un tel incapable sûrement à mes yeux d'être jamais un Consul, un Ministre, un Conseiller d'Etat,

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pourra fort bien être un Commissaire de la Comptabilité, pourra, mieux encore être un des trois cents Membres qui doivent composer en silence le Corps Législatif. D'ailleurs, cette liste, à laquelle on me demande de concourir, doit subsister vie d'homme sans altération; ainsi ce jeune homme de vingt et un ans que je veux servir, et qui ne promet rien encore, pourra fort bien acquérir avec le temps de l'esprit et des talens. Inscrivons donc son nom sur ma liste. Je n'oblige pas d'ailleurs à le choisir, ce sera l'affaire un jour du Sénat Conservateur ou du Gouvernement, et ma conscience n'est point chargée des erreurs d'une simple indication. Voilà le langage qu'on tiendra en donnant son suffrage, si tant est qu'une indifférence parfaite ne devienne pas le sentiment dominant et n'éloigne pas toute espèce de réflexion sur la contexture du code d'éligibilité.

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Cette indifférence vient déjà de se manifester d'une manière frappante dans un grand nombre de Départemens, et, loin de diminuer avec le termps, elle s'accroîtra; car on verra distinctement le peu de places qui seront réparties entre

le

s Citoyens déclarés éligibles. On remarquera, Ce qu'on ne fait pas d'abord, qu'aucune époque 'est fixée pour connoître si la qualité d'éliible est d'une application réelle. Enfin, bien

tôt on n'apercevra que du vague sur du vague; et passé le premier mouvement donné par la nouveauté, on se refroidira généralement, et les Citoyens actifs ne mettront aucun intérêt à l'exercice du droit insignifiant qui leur est

attribué.

Ce n'est pas, d'ailleurs, la nouveauté seule qui a donné du mouvement aux premières assemblées des citoyens actifs, c'est encore le nombre immense d'éligibles qu'on avoit à désigner tout à la fois; mais, à l'avenir, ce nombre diminuera sensiblement.

Considérez, en effet, que, selon la loi constitutionnelle, les Citoyens inscrits sur la liste resteront ÉLIGIBLES jusqu'à leur mort; ainsi, dans trois ans, époque des secondes assemblées populaires, les neuf dixièmes des citoyens déclarés éligibles à la première nomination seront encore en vie, et, par conséquent, le nombre des éligibles à toutes les indications triennales ne formera que le dixième du nombre des éligibles admis par les indications de l'an 8.

Or si des assemblées très-nombreuses peuvent s'occuper avec intérêt d'un petit nombre de choix, lorsque ces choix ont un but certain, lorsque ces choix deviennent un titre réel et prochain à des fonctions importantes et con nues, il n'en est pas de même lorsqu'on doit

pourra fort bien être un Commissaire de la Comptabilité, pourra, mieux encore, être un des trois cents Membres qui doivent composer en silence le Corps Législatif. D'ailleurs, cette liste, à laquelle on me demande de concourir, doit subsister vie d'homme sans altération; ainsi ce jeune homme de vingt et un ans que je veux servir, et qui ne promet rien encore, pourra fort bien acquérir avec le temps de l'esprit et des talens. Inscrivons donc son nom sur ma liste. Je n'oblige pas d'ailleurs à le choisir, ce sera l'affaire un jour du Sénat Conservateur ou du Gouvernement, et ma conscience n'est point chargée des erreurs d'une simple indication. Voilà le langage qu'on tiendra en donnant son suffrage, si tant est qu'une indifférence parfaite ne devienne pas le sentiment dominant et n'éloigne pas toute espèce de réflexion sur la contexture du code d'éligibilité.

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Cette indifférence vient déjà de se manifester d'une manière frappante dans un grand nombre de Départemens, et, loin de diminuer avec le temps, elle s'accroîtra; car on verra distinctement le peu de places qui seront réparties entre les Citoyens déclarés éligibles. On remarquera, ce qu'on ne fait pas d'abord, qu'aucune époque n'est fixée pour connoître si la qualité d'éligible est d'une application réelle. Enfin, bien

pant nos conjectures, un intérêt soutenu favorisât la composition triennale des listes d'éligibilité ; il y auroit toujours un défaut dans cette institution politique, c'est de n'être républicaine, ni dans son esprit, ni dans ses effets.

Nous l'avons déjà dit, l'intervention du peuple, dans le choix des hommes publics, n'est pas essentiellement nécessaire à la bonté de ce choix, n'en est pas une garantie, et peutêtre qu'on atteindroit au même but aussi sûrement sans mettre en mouvement cinq millions de Citoyens actifs.

L'utilité première de la participation du peuple à la nomination de ses Magistrats, de ses Législateurs, est de former un lien continuel, un lien plus ou moins étroit entre les Chefs de l'Etat et la masse entière des Citoyens.

Détruisez cette relation, soit en ôtant au peuple le seul droit politique qu'il peut exercer, soit en changeant ce droit en un semblant, en une simple fiction, il n'y aura plus de République, ou elle n'existera que de nom.

On se vanteroit vainement de n'avoir laissé subsister aucune distinction transmissible, aucun pouvoir héréditaire, il faudroit bien par nécessité s'assurer de l'existence d'une autorité; et, à défaut d'une aristocratie de familles, on créeroit une aristocratie de pouvoirs, formée par

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