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ils ont actuellement environ omo85 de largeur, mais ils paraissent avoir été presque tous rognés par le relieur du terrier, de sorte qu'ils auraient pu avoir omog. La hauteur est de om225. Si, à certaines pages (fol. 5 ro et vo, 6 ro et vo), il manque une ou deux lignes au commencement, ce n'est pas qu'ils aient été coupés postérieurement la faute est due plutôt à l'imprimeur qui avait placé ses feuilles de telle sorte que la marge inférieure était beaucoup trop large, si large que les premières lignes de la composition ont porté à côté de la feuille destinée à l'impression. Le fol. 8, qui semble complet, a exactement om225 X omo9. La page pleine a quarante lignes, tandis que la Farce de Jehan qui de tout se mesle en avait quarantecinq; les caractères employés sont d'ailleurs différents dans les deux pièces.

L'agencement des rimes est très varié. Après le premier triolet (p. 3, soit la première du texte conservé), la succession des rimes est la suivante: a babbcbd; c'est le même ordre qu'on trouve dans ce qui reste de la tirade de Gautier qui commence le dialogue tel que nous le possédons, : soit a a b a b b c beeded. Après le second triolet (p. 4) viennent des rimes plates jusqu'à la page 9, après la sixième pièce à forme fixe. A partir de ce moment, les rimes se suivent de nouveau d'après un schéma plus compliqué, qui explique également la succession des rimes de la première page; ce sont des groupes de cinq rimes. Ces groupes s'enchaînent, la dernière rime d'un groupe formant la première du groupe suivant. Le schéma peut se traduire ainsi :

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On retrouve cette succession, avec des négligences et des exceptions d'ailleurs, jusqu'à la page 19 de là jusqu'à la fin, ce sont presque toujours des rimes plates. Le dialogue est intéressant d'autre part, parce qu'il contient bon nombre de pièces à forme fixe qui, pour le fond, se rattachent étroitement au texte qui précède; nous avons ainsi sept triolets (p. 3, 4, 7, 8, 15-16, 19-20, 20-21), plus quelques autres de différents modèles (p. 7, 8, 16-18, 18-19, 22-23).

Le dialogue, dont notre pièce est peut-être l'exemple le plus réussi, - les répliques y sont plus vives encore que dans le

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dialogue de Messieurs de Mallepaye et de Baillevant', et la forme en est plus soignée et plus aisée, est un genre assez rare dans le répertoire comique de la fin du moyen âge. E. Picot en cite quelques-uns, sa liste ne prétend nullement être complète, tels que le « Dialogue de Messieurs de Mallepaye et de Baillevant, composé vers 1477, et réuni d'ordinaire au Monologue du Franc Archier de Baignollet; Dialogue des Abusez, par Roger de Collerye (1502); - Dyalogue composé l'an mil cinq cens douze pour jeunes enfans, par le même; Petit Dialogue de M. de Dela et de M. de Deça, composé l'an mil cinq cens trente troys, par le même » ; il cite plus loin encore le Sermon joyeux de bien boire, a deux personnages, et la Farce joyeuse, tresbonne, a deux personnages du Gaudisseur qui se vante de ses faictz et ung Sot qui luy respond au contraire. Il ajoute enfin que « les dialogues tenaient, dans la représentation, la place généralement occupée par les monologues, c'est-à-dire qu'ils venaient immédiatement après la sotie et ouvraient le spectacle proprement dit... C'étaient... des morceaux qui ne devaient contenir qu'un échange d'idées rapide et brillant. Il leur fallait du trait, de la concision, des phrases coupées, que les acteurs pussent lancer avec verve. Les dialogues que nous possédons sont des modèles, mais ces modèles montrent bien les difficultés du genre, et l'on comprend que peu d'auteurs se soient sentis assez forts pour s'y exercer ». Notre pièce répond bien à cette définition du genre. Si le dialogue est brillant, net, rapide, si les répliques s'enchaînent et se suivent avec entrain et avec esprit, le fond lui-même se réduit à peu de chose : les deux personnages, Gautier et Martin, qui semblent n'être guère autre chose que des aventuriers, se racontent leurs derniers exploits, dans une langue où le jargon entre pour une bonne part; ils passent rapidement sur les risques du métier pour s'étendre avec plus de complaisance sur les bons côtés de la vie qu'ils mènent et sur le peu de soucis qu'ils ont; ils se moquent agréablement des nobles besogneux qui veulent paraître à tout prix, cachant des guenilles sous leurs beaux vêtements. Pour eux, ils sont contents d'être « gallans sans argent », étant assurés de trouver un hôpital à la fin de leur vie.

1. Fournier, Le théâtre français avant la Renaissance, Paris, 1872, p. 133 et suiv.

2. E. Picot et Chr. Nyrop, Nouveau recueil de farces françaises des XV et XVI siècles, Paris, 1880, p. xxxix.

Comme je viens de le dire, une partie du Dialogue de Gautier et Martin est saturée de mots et d'expressions empruntés au jargon. Jusqu'à la page 8, en effet, les deux comparses jargonnent à qui mieux mieux. Ce devait être sans doute, dans l'idée de l'auteur, un moyen de plus de rendre son dialogue amusant ainsi se sert-on aujourd'hui de termes d'argot dans des pièces de théâtre de même importance que notre farce et destinées à un public à peine supérieur à celui qui écoutait les réparties de Gautier et de Martin. Il est difficile sans doute, vu le peu de renseignements que nous possédons sur le jargon, de savoir à quelle espèce de langue populacière nous avons affaire ici il s'agit probablement de termes compris par la généralité du public, sinon le dialogue, en étant en bonne partie inintelligible, aurait manqué d'intérêt. On ne peut supposer, d'autre part, que notre pièce ait été écrite, jouée ou imprimée pour un cercle restreint de malfaiteurs et de mauvais garçons : sa forme est trop recherchée, sa valeur littéraire est trop certaine pour qu'on puisse lui assigner une origine par trop plébeienne. Elle était destinée plutôt, en un mot, à faire rire des gens de bonne société comprenant quelques mots de jargon.

Des termes comme aubert, « argent », Parouart la grant vergne, « Paris la grande ville », ange, « sergent », que nous retrouvons d'ailleurs tous dans Villon, devaient être compris par tout le monde, et peut-être en était-il de même des autres mots argotiques, dont quelques-uns étaient inconnus jusqu'à maintenant', qui se rencontrent dans notre texte.

Une fois de plus, il est impossible d'attribuer au Dialogue de Gautier et Martin une date précise. Nous avons vu que le fond et la forme rappelaient beaucoup le Dialogue de Messieurs de Mallepaye et de Baillevant, que Petit de Julleville date de 1477 environ 2. Notre dialogue doit être de la même époque : de la dernière ou de l'avant-dernière décade du xve siècle probablement. Ce qui paraît confirmer cette opinion, ce sont les détails relatifs au costume masculin qu'on y rencontre il y est question, en effet, de chemise froncée (vers 208), pourpoints courts, larges par les bras (212), bas collet bordé de satin (213), perruque (219), grande plume [au chapeau] (234), chaîne de beau laiton sur les bas collets (247), souliers carrés (248). Or, toutes

1. Je dois à l'extrême obligeance de M. Lazare Sainéan l'explication de plusieurs de ces termes.

2. Petit de Julleville, La comédie et les mœurs en France au moyen âge, 3 éd., Paris, 1886, p. 271.

ces caractéristiques se retrouvent précisément dans le costume de la fin du xve siècle : Quicherat', en particulier, a une figure représentant un gentilhomme, à la mode de 1488 environ, qui porte un costume assez semblable à celui que décrivent Gautier et Martin 2.

p. 3]

[Dialogue de Gautier et Martin.]

[GAUTIER3.]

C'est tout ung, ilz passent au bac1.

1. J. Quicherat, Histoire du costume en France, Paris, 1875, p. 341 et suiv.; cf. également Racinet, Le costume historique, t. IV, [p. 249]. Il faut aussi rappeler un passage de Folle Bobance, qui décrit avec beaucoup d'exactitude un costume semblable, que Petit de Julleville (La comédie et les mœurs en France au moyen âge, 3. éd., Paris, 1886, p. 229) identifie avec celui d'un élégant du temps de Louis XII :

« De satin pourpoins a grans manches,

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Et hocquetons pareillement,

Bien cours, que ne passent les hanches;

De Hollande chemises blanches,

Froncées devant la poytraine,

Et au colet chemises blanches,

A la mode napolitaine. >>

2. Voici les abréviations des principaux ouvrages cités dans les annotations qui suivent: Fournier

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=

Fournier, Le théâtre français

=

Godefroy, Diction

avant la Renaissance, Paris, 1872. — Godefroy
naire de l'ancienne langue française, 10 vol. · Mistral

=

Mistral,

Lou tresor dou Felibrige. Dictionnaire provençal-français, 2 vol. Picot Picot, Recueil de soties, Société des anciens textes français, 3 vol. Sainéan = Sainéan, Les sources de l'argot ancien, 2 vol. (Je renvoie d'ordinaire au glossaire étymologique qui se trouve à la fin du tome II.)

3. Ces noms paraissent avoir été employés lorsqu'on voulait désigner deux individus quelconques, et l'expression « Gautier et Martin » équivaut aux « Jacques et Jean », « Pierre et Paul » modernes. On trouve dans la Farce du Munyer (Fournier, p. 163) les vers sui

vants:

« Vous allez

L'un gauldissez, l'autre gallez.

Puis chez Gaultier, puis chez Martin... >>

et Fournier, en note, cite un passage de Larivey, Tromperies : « Le meschant alloit touz les jours soupper chez Gautier, chez Martin, avec cestuy-ci, avec cestuy-là. »

4. Cf. Godefroy, t. VIII, p. 265, qui signale l'expression être passé

REV. DU SEIZIÈME SIÈCLE. XI.

II

Il n'y a plus ne clic ne clac;
Joyeux esperit vit dehet;
Argent, il est mys a basac'.
On ne l'a jamais par souhet;
L'ung l'espargne, l'autre le het;
L'ung en a trop, l'autre en a pou.
De souhetter suys bien huet :
Je trouveroye plus tost ung pou.
Tenir tousjours bons termes3 brou,
Rire a tous d'ung beau ris commung;
Que j'amasse argent, ouy dea tou:
Tant me sont cent ducas comme ung!

Hoye!

MARTIN.

GAUTIER.

Hoye!

MARTIN.

J'ay our quelcun

De ma bende, je l'entens bien!

Le sang bieu! je n'en voys pas ung.

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Hoye!

GAUTIER.

Hoye!

MARTIN.

Je our quelcun1.

au bac, avec le sens de « être bien loin, être à vau-l'eau ». Il donne un exemple tiré du Testament de Pathelin.

1. Cf. Godefroy, t. I, p. 590, et Sainéan, p. 284, qui indique « mort, perdu », comme sens de cette locution.

2. Picot, t. III, p. 215, remarque que c'est un nom propre devenu un sobriquet donné aux maris trompés, puis aux niais en général. 3. Godefroy, t. X, p. 755, cite l'expression Tenir de rigoureux termes à quelqu'un, avec le sens de « lui témoigner son mécontentement »> notre expression signifierait par conséquent « témoigner son contentement »>.

4. Dans l'original, cette phrase est dite par Gautier, tandis que c'est Martin qui s'écrie Hoye! » mais alors le vers, qui se termine par ce mot, ne rime pas avec le vers 16. Il s'agit simplement d'une faute d'impression.

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