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leurs ombres mêmes transparentes. Quant à PALMA LE VIEUX, qui rivalisa quelquefois avec Giorgion et Titien, nous ne pouvons pas le juger par le Massacre des habitants d'Hippone. Ce tableau est signé, dit le livret, Jacobus Palma, 1593; mais à la place défavorable qu'il occupe, il est impossible de vérifier l'attribution et la signature, erronées l'une ou l'autre, car Jacopo Palma il Vecchio est né vers 1480 et mort vers 1538, selon les meilleures autorités. BASSANO, qui introduisit les sujets rustiques et bas dans l'école vénitienne, sera plus facilement reconnu d'après l'Annonciation aux bergers. Un autre petit tableau de lui, plus distingué dans ses figures et plus précieux dans sa couleur, Juda et Thamar, semble appartenir au temps où il imitait de plus près Titien, et ne s'était pas jeté dans le paysage et la paysannerie.

Venant maintenant aux peintres italiens d'une autre époque, à ceux qui, privés de l'inspiration et de l'originalité des écoles antérieures, y suppléèrent par le savoir et firent de l'éclectisme, nous chercherons l'école bolonaise. Les CARRACCI y figurent tous trois, Louis pour deux tableaux et une esquisse, Augustin pour deux petits tableaux, Annibal pour huit ouvrages de toute dimension. Il n'y a peut-être là rien de décidément hors ligne; mais l'artiste et l'amateur n'en trouveront pas moins un grand intérêt dans l'étude et dans la comparaison de ces diverses compositions, où on doit chercher les qualités de ces ouvriers laborieux de la seconde heure, l'agrément travaillé de l'un, l'habileté expressive de l'autre, et la puissance supérieure et infiniment variée du troisième; enfin la faculté qu'ils eurent tous trois, sans effacer leur personnalité, de s'assimiler quelques-unes des qualités des plus grands peintres, de Corrége, de Paul Véronèse et de Raphaël.

Les trois autres peintres principaux de Bologne, après les Carracci, figurent assez honorablement dans notre collection : GUIDO RENI, pour un Buste de Vierge et cinq autres morceaux, où on pourra se rendre compte du style naturel, modéré et quelquefois un peu fade qu'il opposa à la fougue de ses rivaux; DOMINIQUIN, pour une petite Sainte Agnès, un portrait, et un paysage où un fond lumineux fait heureusement valoir des lignes pleines de style; GUERCHIN, pour une jolie Madone et quelques autres morceaux sans importance. Nous sommes mieux partagés en ce qui regarde un excellent élève de Guide, GUIDO CAGNACCI OU CANLASSI dont nous avons un tableau capital : la Jeune martyre qui a fait partie de la galerie d'Orléans. On y reconnaît les plus belles qualités que Malvasia et Lanzi assignent au peintre, la délicatesse des chairs et la beauté du clair-obscur.

En suivant les manières éclectiques dans les écoles florentine et romaine, nous avons à montrer deux bons échantillons de deux maîtres qui

exploitèrent avec un égal succès, sinon par des procédés semblables, la peinture des Madones et des Têtes de dévotion. La Vierge au lis de CARLO DOLCI, tableau signé et daté, Carolus Dolcius, fac. 1642, gravé dans la galerie Dusseldorf, a toute la finesse de couleur et toute la douceur de sentiment que prisent ses admirateurs. La Sainte Apolline de SASSOFErrato, tenant sa dent entre des tenailles, la tête penchée sur un cou perpendiculaire est pleine de ce caractère extatique que le maître puisait dans l'imitation des anciennes figures, et peinte avec une tranquillité qui a son charme. Ces tableaux, ainsi que d'autres, sont contestés, il est vrai, par quelques-uns des amateurs qui visitent le musée; pour Carlo Dolci principalement, on cite un original de la Vierge au lis qui se trouve au palais Corsini à Rome. Mais à Montpellier on ne veut accepter que les attributions données par M. Fabre, avec toute l'autorité qui lui appartenait.

L'école française du xvIIe siècle, contemporaine des maîtres que je viens de citer, et particulièrement Poussin, son plus illustre interprète, qui eut avec eux de grands rapports, a ici plusieurs ouvrages importants, sujets d'histoire et de mythologie, paysages, esquisses et portraits, d'une valeur inégale sans doute, mais où l'on pourra suivre les diversités de sa peinture et mesurer la science de composition, le dessin antique, la force d'expression qu'il sut obtenir. La Mort de sainte Cécile, tableau gravé en 1761, comme faisant partie du cabinet de M. le bailli de Breteuil, ambassadeur de Malte à Rome, offre un intérêt tout particulier et peut soulever bien des questions par la différence qu'il présente avec tous les autres tableaux de Poussin. M. Clément, dans une notice publiée par la Revue des Deux Mondes, a avancé que c'était le seul tableau authentique qu'on pût attribuer à sa première manière, antérieure au voyage de Rome qu'il fit en 1624 : il y trouve quelque chose de presque gothique, sentant plus Jean Cousin que Raphaël. Une telle opinion me paraît prise à distance. Bien que la peinture française, contemporaine de la jeunesse de Poussin, soit peu connue, il est permis de s'assurer que les tableaux de Jean Cousin, mort avant la naissance de Poussin, et ceux de Quentin Varin, de Ferdinand Helle et de Lallemand, chez lesquels il travailla, n'ont pu lui inspirer rien de semblable à la Sainte Cécile; j'y retrouverais plutôt l'influence des Vénitiens qu'il accosta un moment, et surtout la manière du Dominiquin, qu'il aima toujours de préférence. Le maître de Bologne avait fait sur le même sujet, traité en grand, mais d'une façon analogue, un tableau qui a été gravé par Pasqualini, en 1622, et par Frédéric Greuter. On sera plus édifié sur le style propre à Poussin, en regardant le Baptême du Christ, Eliézer et Rébecca, le Portrait du cardinal Rospigliosi, et un de ces paysages où la campagne de Rome revêt tant de grandeur.

VALENTIN, s'il est réellement l'auteur du Portrait de deux apprentis dessinant dans un atelier, devrait, sur ce spécimen, rentrer en faveur auprès de ceux qui ont été repoussés jusqu'ici par la brutalité de sa manière, les ombres outrées et les chairs métalliques qu'il avait apprises à l'école de Caravage. Il n'y a ici qu'une peinture pleine de franchise et de simplicité.

A une grande distance de Poussin, mais sur ses traces, JACQUES STELLA nous montrera, dans un tableau de la Samaritaine donné au musée par un ancien maire de la ville, la grâce et la douceur un peu froides de sa peinture.

SÉBASTIEN BOURDON, à qui nous devons ici nous intéresser davantage, a une Descente de croix où paraît son talent de composition facile avec ses réminiscences classiques, un bon portrait, et un tableau de genre, scène de reîtres et de bohémiens, que beaucoup préféreront, pour la vérité des figures et du site, à ses grandes compositions. L'école espagnole est facilement distinguée des autres par l'ascétisme de ses pensées en même temps que par son goût de naturalisme et son sentiment prononcé de la couleur. Sans avoir, pour le vérifier, l'un de ses tableaux que les rois se disputent à beaux cent mille francs, le Musée produit des exemples curieux de diverses époques. La Descente de croix de Pedro Campana, répétition plus petite du tableau de Séville, devant lequel Pacheco tremblait de se trouver seul, et dans la contemplation duquel s'oubliait Murillo, est une peinture d'un aspect sombre et d'un dessin sec, où l'on ne cherchera pas de l'agrément, mais de l'expression, de la désolation; où l'on admirera surtout la figure de Madeleine gémissant aux pieds du Christ. C'est une œuvre tout espagnole, bien qu'appartenant au temps où cette école n'était pas en possession de toutes les qualités qui lui sont propres. Campana, qui travailla principalement à Séville, était d'origine flamande et avait, dit-on, étudié en Italie. Mais dans ce tableau, si son originalité laisse percer quelque influence, c'est celle des maîtres flamands, Michel Coxis et Frans Floris, qui eurent aussi des rapports avec l'Espagne, plutôt que celle de Raphaël, que les auteurs espagnols veulent lui donner pour maître.

Avec ZURBARAN, le peintre des moines, nous sommes bien en pleine Espagne. L'Ange Gabriel, marchant armé d'une baguette, et Sainte Agathe, portant ses seins dans un plat devant elle, sont deux figures en pied provenant de la collection du maréchal Soult et semblables à celles que nous avons vues au Musée espagnol de Louis-Philippe, et qu'a si bien décrites M. Charles Blanc (Histoire des peintres de toutes les écoles): un doux ange au teint moresque et au pied charmant, finement ajusté d'une

de ces étoffes blanches où excellait le maître ; et une jeune fille défilant au fond de son cadre, mince, souple et brunie, avec l'expression d'un séraphin, l'attitude et l'ajustement d'une infante.

L'Adoration des bergers, de FRANCISCO RIZI, est une immense composition peinte avec éclat, où percent encore, quoique dégénérés, les mérites de la peinture espagnole, les lumières argentines, les draperies abondantes. C'est toutefois une œuvre moins sérieuse et moins bonne à donner pour modèle à des élèves que la Vierge acquise aussi de la galerie Soult. Elle est attribuée à SARABIA, peintre de Séville, connu pour l'habileté de ses pastiches. Mais cela ne peut pas nous tenir lieu des Vélasquez et des Murillo qui nous manquent.

Passons maintenant dans les Pays-Bas, et voyons les écoles qui, au xvIe siècle, y poussèrent l'art dans des voies nouvelles, et produisirent, dans des genres différents, des œuvres auxquelles l'Italie ne pouvait plus rien opposer. RUBENS, d'abord, qui raviva la peinture historique en lui donnant pour idéal l'imitation d'une nature exubérante, se fait reconnaître dans un Crucifir d'une expression de douleur intense, aux pieds duquel gémit une Madeleine dont les pleurs n'ont point amaigri les traits. On rapporte que Fabre a fait lui-même la découverte de cette figure, cachée autrefois sous un énorme repeint; on peut juger de l'habileté avec laquelle il l'a restaurée. Mais voici trois autres morceaux du maître le Portraitdu peintre Franck, exécuté dans cette manière libre et vigoureuse, en même temps que soignée, dont les portraits de son pays ne lui avaient pas donné l'exemple; un paysage empreint de la chaleur, sinon de la noblesse, des sites italiens; une esquisse, allégorie d'une guerre religieuse, qui, mieux que beaucoup de toiles plus travaillées, révèle la fougue de son génie.

A côté, il faut examiner VAN-DYCK, le plus grand de ses élèves, qui avait su ennoblir et spiritualiser le style de son maître dans une étude plus complète de l'Italie et par un contact avec l'Angleterre. La Vierge et l'Enfant Jésus, aux pieds duquel s'incline Madeleine en présence de David et de saint Jean-Baptiste, est un exemple remarquable de l'expression plus tendre, de la couleur plus vénitienne et des formes plus délicates dans leur mollesse, qui furent dans sa manière. C'est une répétition, de même grandeur, du tableau du Louvre où la tradition voyait les portraits de l'artiste et de sa maîtresse; il en existe d'autres répétitions à Berlin et ailleurs. On peut juger encore de la souplesse de ses muscles et de la moiteur de ses chairs dans une petite Madone sur cuivre, et dans une main, fragment d'un tableau détruit, que Fabre gardait sans doute comme modèle.

Il y a encore un souvenir de Van-Dyck dans une peinture célèbre de REYNOLDS, le docte président de l'Académie de Londres. Le Jeune Samuel, daté de 1777, a été gravé souvent, et l'on en voit encore ici un trait; puisset-il rappeler l'expression touchante et l'effet harmonieux de l'original!

Les chefs-d'œuvre les plus incontestables du Musée de Montpellier appartiennent à ces écoles du xvir siècle qui, en Brabant et surtout en Hollande, où un régime républicain leur fut très-favorable, élevèrent le genre, la peinture des scènes familières, des bourgeois aussi bien que des paysans et des gueux, à l'immortalité de l'art. Il est regrettable de n'avoir pas à placer à la tête de cette catégorie le nom du plus extraordinaire de ces maîtres hollandais, de Rembrandt, dont nous ne possédons rien. Quant aux peintres de portraits qui y donnèrent l'exemple d'une imitation si précise et si forte de la nature, nous n'avons que le nom de Mirevelt pour un portrait indigne de lui, et un ouvrage de VAN-DEN-TEMPEL, Portrait d'une dame vêtue de noir. Dans tous les autres domaines de cette école, les œuvres capitales abondent, et nous y pouvons voir, sous l'objectif magique des plus habiles pinceaux qui furent jamais, la société du temps des stathouders et la nature néerlandaise, ses salons, ses cabarets et ses hameaux, ses prairies, ses canaux et ses étables.

Ce sont d'abord les peintres de kermesses, de tabagies et de scènes rustiques :

TÉNIERS, le seul Flamand de la bande, a douze tableaux, parmi lesquels on voit bien quelques déjeuners, comme disent les marchands, de petits tableaux vite faits, mais où brillent, entre les autres, la Fête de village, la Leçon de flageolet, la Tabagie de l'homme au chapeau blanc, la Tabagie de l'homme à la cruche de grès. Ces magots, rutilants de vérité, sont plus prisés aujourd'hui que les académies des peintres lauréats du grand roi.

VAN OSTADE n'a que deux morceaux; mais ils sont l'un et l'autre, et surtout l'Intérieur d'estaminet, empreints de sa touche la plus délicate et de sa plus piquante humeur.

JEAN STEEN paraît avec deux toiles: un Repas dans un appartement, où se montrent sa touche la plus ferme et toute sa verve comique : une Scène à la porte d'une hôtellerie, qui fait ressortir sa finesse d'expression et la vivacité de ses jours.

Puis viennent les peintres de conversations et de cuisines :

TERBURG une Fille se versant à boire à côté d'un garcon endormi, bien qu'empreint de ses façons franches, n'est pas un des plus brillants tableaux du peintre, qui fut le plus distingué dans le genre aristocratique. Mais pour GÉRARD Dow, nous tenons une œuvre de grand prix, la Souricière, que les amateurs mettent presque à côté de la Femme

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