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d'être placées plus favorablement, ne serait-ce que comme point de comparaison. Il est permis de regretter que Raoux, qui, parmi les peintres des fêtes galantes, se fit un nom par sa grâce discrète et son coloris purpurin, ne figure qu'au quatrième étage, dans le musée de la ville même où il naquit.

Un talent plus naturel a sauvé du discrédit plusieurs de ces artistes, et nous avons d'eux des tableaux plus considérés un Portrait de Mme Geoffrin, par CHARDIN, où paraît le charme harmonieux de sa touche et toute l'habileté qu'il mettait aux accessoires; des Pénitents, de SUBLEYRAS, peints avec ce goût sage et ce coloris aimable qui le distinguent de tant d'autres dévergondés de son temps.

GREUZE, le peintre sentimental et dramatique de la bourgeoisie, n'a pas moins de onze compositions où l'on peut suivre les nuances de son pinceau plein de charmes, bien qu'il abuse des tons violets, et de sa morale touchante, bien qu'affectée; il y en a deux capitales: le Gâteau des rois et la Prière du matin, qui proviennent du cabinet de M. Duclos-Dufresnoy. Le premier de ces tableaux a été gravé, comme on sait, par Flipart; le second l'a été plus récemment par M. Pascal. C'est celui que nous avons fait reproduire ci-contre.

Joseph Vernet est, aussi, bien représenté par quatre ouvrages qui se recommandent suffisamment à ceux qui aiment son talent si facile et si habile à rendre la mer dans tous ses aspects et dans tous ses drames, auquel on reproche seulement d'avoir apporté trop d'arrangement dans l'étude de la nature. L'un d'eux, les Abords d'une foire, est à signaler pour sa signature, J. Vernet, 1774, qui a servi à faire reconnaître son origine et ses anciens possesseurs. Il parut au salon de 1775, en pendant avec l'Ouverture d'un grand chemin, tableau également signé et qui est au Louvre. Il obtint les éloges de Diderot, et fut acquis par l'abbé Terray, des mains duquel il passa dans le cabinet de l'amateur Feuillet'.

La transformation radicale, subie par l'école française à la fin du XVIII° siècle, ne pouvait manquer d'avoir ici beaucoup d'exemples, car le fondateur du musée appartenait à ce mouvement; à côté des nombreux tableaux de Fabre, qui ne représentent l'école que du côté le plus académique, on compte plusieurs ouvrages de Vila de Vincent et deux toiles de David, de son bon temps : le portrait du médecin Leroy, de l'année 1783, et une figure académique connue sous le nom d'Hector, qui servait de

4. Joseph Vernet, sa vie, sa famille, son siècle, par Léon Lagrange (extrait de la Revue mensuelle des arts, Bruxelles, 1858, in-8o, p. 443).

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modèle aux élèves de David'. Enfin PRUDHON, le plus original et le plus charmant des peintres de la révolution, figure dans notre musée avec quatre esquisses peintes et un dessin, qui, dans leurs petites dimensions, valent les ouvrages les plus prisés. Les esquisses sont une réduction des quatre figures allégoriques exécutées en l'an VIII, dans l'hôtel du citoyen de Lonois les Arts, le Plaisir, la Philosophie, et la Richesse. Jamais l'esprit, la grâce, l'abondance que ce grand peintre savait mettre dans ses allégories, ne se montrèrent avec plus de prestige. Ce petit panneau provient du cabinet Denon 2. Le dessin, aux crayons noir et blanc, représente l'Amour montrant à une petite fille la griffe du chat. C'est la composition du cabinet Carrier, appelée le Coup de patte du chat, et lithographiée par M. Bailly, sous le titre de l'Egratignure.

JULES RENOUVIER.

4. Notice des tableaux du musée du Louvre, par Fréd. Villot. Paris, 1855, in-12, p. 96. 2. Ces sujets sont décrits dans le catalogue de son cabinet par Pérignon (Paris 1826, in-8°, p. 84), sous le titre de Minerve, Euterpe, Vénus et Pandore. La notice du musée de Montpellier les désigne sous le titre de la Musique, la Numismatique, la Poésie légère et la Diplomatie. Leur signification réelle et conforme aux idées du peintre est donnée par Bruun Neergaard (De la situation des beaux-arts en France, Paris, an Ix, in-8°, p. 430), qui nous a laissé la plus complète description des peintures exécutées par Prudhon à l'hôtel de la rue Laffitte, alors habité par le citoyen de Lonois, et depuis par la reine Hortense et par le banquier Rothschild,

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DEUXIÈME.APPARITION

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VILLARD DE HONNECOURT

A PROPOS

DE LA RENAISSANCE DES ARTS

Il est revenu, comme il l'avait promis, notre ex-confrère Villard de Honnecourt, un soir de ce triste mois de décembre. Le grésil frappait les vitres, à peine si on entendait le roulement des voitures sur le pavé tapissé de neige, les portes étaient bien closes, le feu clair: « Bonsoir, confrère, » dit l'ombre en s'asseyant près du foyer. « Je viens vous voir pour vous entretenir d'une question qui nous touche, moi et mes vieux amis, Pierre de Corbie, Robert de Luzarches, Pierre de Montereau, Renaud de Cormont, Jean de Chelles et tant d'autres, mes contemporains et mes émules, sinon mes rivaux. Puisque, de votre temps, on a jugé à propos d'éditer mes cahiers de croquis, non-seulement à Paris, mais à Londres, puisque messieurs Lassus, Mérimée, Quicherat, Darcel, Willis et vous-même, vous êtes amusés à commenter mes notes, j'ai pensé, ainsi que mes vieux confrères, que nous pouvions réclamer de vous un petit service... ou plutôt un acte de justice. Quand on prétendait que les cathédrales appelées gothiques parce qu'elles ont été bâties par les descendants des Gallo-Romains subjugués par les Francs, étaient évidemment des imitations des forêts de la Germanie, ce qui tombe sous le sens, puisque l'Ile-de-France les a vues naître et qu'elles sont construites en pierre, que ces imitations des forêts de la Germanie ont été suggérées par les croisés revenant, au XIIe siècle, de la Syrie; nous nous contentions de rire, dans l'autre monde, de ces rêveries. Mais depuis que ces opinions n'ont plus pour refuge qu'une vingtaine de cerveaux en France, il ne convient pas que vous vous arrêtiez à mi-chemin de la vérité; or il est encore un bon nombre de personnes sensées qui croient que la renaissance des arts est entrée toute bottée chez nous, avec

les dernières troupes de l'armée française en 1496, vers la fin de septembre; car, pour elles, il est hors de doute que les officiers de Charles VIII avaient tous des cahiers de croquis dans leur poche, que les généraux amenaient d'Italie, chacun un architecte en croupe et les colonels un sculpteur ou un peintre, que le Rosso a bâti Chambord, Joconde le pont NotreDame et l'ancienne Cour des Comptes, Primatice Fontainebleau, et que même Pierre Lescot, Jean Bullant, ainsi que Philibert de L'Orme n'ont été que les agents d'architectes italiens dont les noms ont été effacés par l'envie; comme si, en France, l'envie s'attaquait jamais aux illustrations étrangères! Ces mêmes personnes sensées sont certaines que François Ier, « ce gros garçon qui gâtera tout, » comme disait le bon roi Louis XII, est le père de la Renaissance et que l'Italie en est la mère-nourrice. Ces opinions peuvent aller de pair avec celles touchant l'influence des forêts de la Germanie. Il est certain que l'Italie nous a enseigné quelque chose vers la fin du xv siècle; comme, par exemple, l'art de vivre en paix avec les préjugés, l'entente des affaires de ce monde, ce que depuis on a appelé la Politique, science qui a vieilli; qu'elle nous a inoculé son mépris pour le fond et son respect pour la forme, qu'elle a dressé à notre usage un protocole de l'admiration dans lequel, bien entendu, elle a pris le premier rang; et pour ce qui nous touche particulièrement, elle nous a fait croire encore, que ses monuments de briques et de cailloux revêtus de marbre, étant les plus belles choses du monde, le talent de l'architecte consiste à masquer la misère du corps et de l'âme sous un vêtement splendide.

<«< Ceci dit, laissons là ces opinions, reprenons ensemble nos allures gauloises et parlons net. J'ai voyagé un peu pendant ma vie, beaucoup depuis mon passage en l'autre monde, n'ayant rien de mieux à faire et étant curieux de ma nature. En Allemagne, de mon vivant, on m'avait fort entretenu des merveilles de l'Italie. Sitôt mort et mes affaires réglées, j'allai d'abord à Rome, c'était vers l'an 1260. Vous dire si je fus ravi d'admiration devant les monuments des empereurs, vous le comprenez de reste, mais j'aurais pu donner des leçons aux architectes vivants. Figurez-vous quelques pauvres Lombards, envoyant des manœuvres dans les monuments antiques pour arracher les marbres et jusqu'aux briques, ne sachant ni tracer une épure, ni planter un édifice, ni tailler un profil; faisant maçonner grossièrement les matériaux qu'ils avaient pillés, et composant ainsi de méchantes bâtisses ressemblant à nos granges, amenant là-dedans des artistes grecs pour peindre des fresques et coller des mosaïques, entretenant à grand' peine quelques sculpteurs qui s'efforçaient de copier très-maladroitement des ornements antiques. Quant à la statuaire, inutile d'en parler, il n'y en avait point. Si on voulait placer quelque

part une sainte Vierge, on prenait une statue païenne et on l'habillait d'oripeaux. Les affaires d'art allaient un peu moins mal à Florence et à Pise, à Milan et à Pavie, mais tout cela se bornait à des essais grossiers, pénibles; partout les villes étaient à la merci d'artistes qui, tantôt prenaient leurs inspirations à Byzance, tantôt dans les monuments antiques, tantôt dans ceux de la Provence ou de l'Allemagne; cependant nos arts étaient nés alors en France; les grandes églises de Paris, de Chartres, d'Amiens, de Reims, de Bourges étaient élevées, on avait bâti la Sainte-Chapelle du Palais, la grande salle de Sens, le château de Coucy, celui de Montargis, et tant d'autres édifices; nous avions sculpté des milliers de statues, de tombes, de figures et figurines; le bas-relief de la porte Saint-Etienne de Notre-Dame de Paris était fait et posé, et vous voyez si cette sculpture est belle, si elle réunit à une grâce toute moderne, un certain souvenir de l'antiquité romaine. Nous savions combiner un plan, le suivre sans tâtonnements; nous savions tailler la pierre, tracer des épures, disposer des profils, nous étions bons géomètres, et les preuves en restent. Nous savions encore, et depuis longtemps, composer et dessiner ces grandes verrières dont vous avez tant de peine à imiter la solide harmonie. Nous ne nous arrêtions pas un jour, cherchant sans cesse, cherchant le vrai, dans le fond et dans la forme, tenant toujours à faire de celle-ci l'expression du besoin, de la nécessité; fouillant partout, dans le passé et dans l'avenir. Ayant nos écoles, écoles de sciences, de philosophie, de lettres et d'arts. Écoles où affluait la jeunesse, non-seulement des provinces, mais d'Allemagne, d'Italie, de Bohême, de Hongrie. Nos arts étaient nés et bien nés; ils étaient encore à naître chez nos voisins d'outre-monts. Il me paraît qu'il y avait là ce qu'on pourrait appeler une renaissance; ce ne serait que justice. C'était, en effet, la renaissance d'un grand peuple qui commençait à se sentir et à s'entendre, après de longues misères; tous nos artistes étaient des laïques, tous sortis de ces villes qui avaient conservé quelques étincelles du vieil esprit gaulois; nous nous sentions revivre en effet, possédant l'ardeur de la jeunesse, croyant à la science, à la méthode, à un art que nous nous efforcions de pousser à sa perfection, abandonnant des traditions décrépites, libres dans nos allures, travaillant pour l'évêque comme pour le châtelain guerrier, dans les camps comme dans nos villes, et n'admettant pas que notre art ne pût suffire à tous les besoins du présent et de l'avenir, puisque ses principes soumettaient toujours l'apparence à la nécessité. Nous formions, il est vrai, au sein du pays, nous artistes, philosophes, savants, lettrés, une société à part, indépendante, mais personne ne songeait à nous arrêter dans notre marche, nous respections les pouvoirs qui nous protégeaient sans se mêler de nos affaires d'art;

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