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coupes,

On appelle ainsi certaines pièces d'un fort petit volume flambeaux, aiguières, biberons, salières, pieds de croix, qui se trouvent en France dans les collections publiques du Louvre, de Cluny et de Sèvres et dans des cabinets particuliers; en Angleterre, chez deux ou trois amateurs. Elles sont en faïence, dite cailloutage, blanche, enduite d'une engobe incolore et transparente sur laquelle se détachent des arabesques faites par décalcage ou par incrustation, et des ornements de plein relief appliqués après coup. Comme quelques-unes portent le monogramme de Henri II, le D double inscrit dans l'H, et les trois croissants, et proviennent évidemment d'un service ayant appartenu à ce prince, l'usage a prévalu de leur attribuer à toutes la même destination, et le nom leur en est resté.

Dans son Traité des arts céramiques, M. Brongniart donne les renseignements suivants sur la composition chimique de cette faïence:

« Les pièces sont minces et légères; la pâte est fine, très-blanche, peu «<dure, absorbante. Quelques figures d'animaux, d'un jaune d'ocre exté<«<rieurement, ont une pâte légèrement rosâtre.

« Le vernis, assez également étendu et très-glacé, est cependant fort « mince. Il est un peu jaunâtre; enfin il est transparent.

«La couleur dominante des ornements est le jaune d'ocre foncé ; mais « ce n'est pas la seule. On y voit du vert, du violet, du noir, du bleu, « et plus rarement un rouge assez semblable à celui qu'on appelle en « Angleterre pink colour, couleur d'œillet.

« Cette poterie a été analysée par M. Salvetat. Il a trouvé la pâte «< composée :

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« Point de chaux, point de magnésie, une trace de fer.

« C'est, comme on le voit, une véritable faïence fine, un vrai

cailloutage tout à fait exempt de chaux. Cuite au grand feu de por«< celaine, cette pâte conserve şes arêtes les plus déliées, et reste d'un

« blanc pur.

« Voilà donc une faïence fine d'une très-belle pâte, très-bien carac«térisée, évidemment faite en France dans le milieu du xvIe siècle, et par « conséquent bien antérieure au premier essai de la faïence fine anglaise, << en le reportant même à 1680, et à plus forte raison aux earthen ware, « cream colour et queen ware de Wedgwood, qui datent des premières « années du XVIIIe siècle '. >>

J'ajouterai à ces détails techniques quelques remarques qu'un examen attentif m'a fait découvrir. Dans le couvercle brisé du musée de Sèvres, la première terre est une véritable terre de pipe. La face destinée à recevoir la seconde couche, est gravée à losanges destinés à faire mieux adhérer cette seconde couche, qui elle-même est d'une terre plus fine, et se compose de trois enduits successifs très-minces et parfaitement reconnaissables. Dans la coupe du Louvre, dont la patte est écornée, la terre n'est pas même blanchie par la cuisson : c'est de l'argile assez grossièrement préparée. La seconde couche est moins épaisse que celle du couvercle de Sèvres, à ce point que les entailles des arabesques ont laissé une trace bien visible sur le moule.

Antérieurement au travail de M. Brongniart, un excellent article de M. Pottier, de Rouen, inséré dans le recueil de Willemin, avait déjà résumé tout ce que l'on savait alors sur les faïences de Henri II, et reste

1. Traité des arts céramiques, par Al. Brongniart. Paris, 1844, t. II, p. 167.

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encore le document le plus intéressant à lire sur cette énigme. Voici la version de M. Pottier sur les procédés de fabrication de cette faïence. « La pâte argileuse avec laquelle on a modelé ces faïences est une véri« table terre de pipe entièrement blanche (nous venons de voir que cette «assertion n'est pas rigoureusement exacte). C'est sur le fond même de «la terre que se détache le lacis d'ornements colorés qui forme la principale décoration de ces vases. Mais c'est ici qu'apparaît la différence la plus profondément tranchée qui distingue cette fabrication de toutes «< celles qu'on essaierait en vain de lui comparer. Ces ornements, d'une « finesse et d'une netteté merveilleuses, au lieu d'être tracés au pinceau, <<< sont incontestablement imprimés, soit superficiellement, par l'opération « du décalcage, procédé si fréquemment employé de nos jours, soit par « incrustation, à l'aide de matrices et de roulettes en relief, comme l'ont «< conclu quelques bons observateurs qui ont eu l'occasion de soumettre à « un examen approfondi les parties fragmentées des produits de cette « fabrication. Enfin, dernière particularité distinctive, tandis que les poteries de Palissy et de ses imitateurs ne se composent que de reliefs «richement colorés, sans mélange de plate peinture, tandis que les pièces « de vaisselle italienne ne comportent guère, au contraire, que des sur« faces peintes sans mélange de parties en relief; les vases dont nous « cherchons l'origine présentent la réunion des deux systèmes; et des << ornements de haut relief, tels que des moulures, des consoles, des mas«< carons, et même de petites figures entières s'y marient agréablement <«< aux fonds empreints d'élégantes arabesques. De telle sorte qu'en voyant «< ces délicieuses compositions, traitées avec un fini si exquis dans toutes «< leurs parties, on ne peut s'empêcher de les comparer aux pièces d'orfé« vrerie de la même époque, repoussées, ciselées et niellées '. »

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Mais ce qui surtout doit nous intéresser, c'est l'art merveilleux qui a présidé à la composition de ces petits chefs-d'œuvre. Les formes en sont d'un galbe charmant et d'une proportion parfaite. Les couleurs des reliefs sont ménagées de façon à réveiller l'uniformité de la teinte générale et à lui donner du piquant. Mais le goût des arabesques qui enroulent leur lacis autour de la panse des aiguières ou du fût des chandeliers, qui tapissent la vasque et les flancs des coupes, est ce que l'on doit le plus admirer. Les carrelages arabes ou les magnifiques reliures que Grolier et Maioli mettaient à leurs livres, n'offrent rien de plus délicat ni de plus ingénieux.

4. Les Monuments français inédits, par Willemin et Pottier. Paris, 1839, t. II, p. 66. Lire aussi la courte et substantielle notice que M. Labarte a consacrée à ces faïences, dans l'Introduction du catalogue de la collection Debruge-Duménil. (P. 305.)

Ces arabesques, je l'ai déjà dit, ne sont pas peintes mais obtenues au moyen de deux procédés assez curieux: tantôt le premier vernis, une fois posé, a été enlevé avec une pointe extrêmement légère, et dans le creux laissé par cette entaille on a coulé un émail d'une couleur différente qui, à la cuisson, a adhéré et fait corps avec l'enduit (la couverte) qui couvre toute la pièce; c'est de l'incrustation proprement dite, ce que dans l'art de l'émaillerie on appelle le champlevage. Tantôt l'artiste, trouvant sans doute le procédé du champlevage trop long, a imprimé sur la pâte de son moule, encore sensible, un quart de cercle chargé des arabesques dessinées préalablement, et a recommencé quatre fois cette opération jusqu'à ce que le cercle entier de la vasque fût couvert d'ornements. C'est le procédé du fixé. La cuisson a déjeté un peu les points de repère de ces quatre segments, et a empêché les entrelacs de concorder parfaitement entre eux. Cette inégalité est très-sensible dans la vasque de la coupe du Louvre reproduite par notre gravure, et dans celle de M. Hutteau d'Origny dont nous donnons plus loin la description.

D'où proviennent ces bijoux de la céramique? Quel est leur auteur? A quelle époque ont-ils été fabriqués? A qui étaient-ils destinés? Quel était leur usage? Telles sont les questions que soulèvent les faïences de Henri II, questions dont la solution n'a pas encore été trouvée, malgré de patientes investigations. Le champ des conjectures est donc ouvert, et nous devons nous borner à résumer les plus probables.

Les trente-six pièces de faïence de Henri II connues dans les collections publiques, ou particulières, ont toutes été trouvées en France. M. Brongniart prétend, il est vrai, que deux ou trois viennent d'Espagne et d'Italie; mais comme il ne spécifie pas lesquelles, et que, malgré toutes mes recherches, je n'ai pu être plus heureux, il me paraît prudent, jusqu'à plus ample informé, de ne pas tenir compte de cette assertion. Le nid, comme disent les curieux, paraît être placé entre Tours, Saumur et Thouars. Plusieurs (dix ou douze) viennent directement de Tours. Elles portent toutes soit les armes de France, soit les chiffres de Henri II et de Diane de Poitiers. On pourrait donc supposer qu'elles faisaient primitivement partie du mobilier de Diane de Poitiers à Chenonceaux et plus tard à Chaumont-sur-Loire, et qu'après la mort de la grande sénéchale de Normandie (1566), elles auraient été dispersées dans le pays environnant et retrouvées, trois cents ans après, par la main fureteuse des collectionneurs. En continuant encore de parcourir le champ des suppositions, on peut croire que les ouvriers de toute sorte appelés à contribuer à l'érection du château de Chambord, auront continué à exercer leur industrie dans le pays blaisois et dans la Touraine, et que l'un d'eux aura créé cette industrie, étouffée après

quelques années d'existence, par le succès des faïences de Palissy'. Quel était cet ouvrier? Ici un silence complet qu'aucun documeut n'est encore venu rompre. Cependant l'examen attentif des pièces, de leur forme, des reliefs qui les couvrent, des arabesques qui les décorent, de la finesse et de la précision sculpturale qui les distinguent entre tous les produits de la céramique, et qui sont plutôt du domaine de l'orfévrerie, donne du poids à l'opinion généralement accréditée, qu'elles sont l'œuvre de quelque ouvrier bijoutier venu d'Italie en France à la suite des artisans appelés par François Ier pour décorer Fontainebleau 2; et qui, manquant de travail et voyant le succès des émaux de Limoges, aura, lui aussi, voulu faire de l'émaillerie, et, puisant des ressources dans son originalité, aura associé la ciselure à la céramique et créé ces merveilleuses petites énigmes.

M. Delange, dans sa notice sur Jérôme della Robbia, a émis l'hypothèse, que ces pièces pourraient être attribuées à cet artiste italien, et se fonde, pour la défendre, sur ce que la grande aiguière achetée à la vente Odiot, et figurant actuellement dans la collection Maniac (voir le catalogue), « offrait sur sa panse la lettre G répétée plus de cent fois au milieu d'entrelacs, comme l'H initiale du nom de Henri II sur le flambeau appartenant à M. Préaux. » Mais M. le comte de Laborde a renversé cette hypothèse, en faisant observer que le G majuscule répété sur le vase de M. Maniac s'adresse au premier possesseur, comme l'H initiale du flambeau de M. Préaux est étrangère au nom de Jérôme della Robbia 3. M. Barbet de Jouy, dans son travail si complet et si précis sur les della Robbia, ne parle même pas de cette hypothèse, et, à défaut d'autres preuves, son silence serait très-significatif dans la question.

De toutes les pièces que j'ai pu voir, une seule offre une marque distincte c'est un plateau rond, gaudronné à l'intérieur, qui a figuré à la vente d'Espaulart (mai 1857, n° 3 du catalogue), et dont le revers porte

4. Le fils de l'habile potier de Tours, M. Avisseau, dont le nom est bien connu, a tenté tout dernièrement de faire refleurir cette branche de la céramique que je considère comme essentiellement tourangelle. Certaines pièces que j'ai pu voir chez divers amateurs de Tours, MM. Alfred Mame, Roux, sans faire oublier les originaux, prouvent cependant que cette gracieuse industrie pourrait être appliquée avec bonheur à une foule de petits meubles d'un usage journalier coupes de cheminées, pots à lait, boîtes et coffrets de toute sorte. Je crois que ces essais, poussés avec persévérance par M. Avisseau, obtiendraient un légitime succès.

2. Je ne discute pas l'influence italienne qui est bien évidente dans la décoration, l'ornementation et la forme même des faïences de Henri II.

3. Le Château du bois de Boulogne, par le comte de Laborde, p. 14. Note.

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