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sur lesquels il pût se reposer du soin de remplir le devoir filial qu'il sacrifiait à d'autres devoirs? M. Mesteil me communique un extrait du regis tre de la paroisse du Petit-Andely, portant qu'une Janne Pouchin y u marraine le 1er février 1604. M. Raymond Bordeaux avait déjà communiqué aux Archives de l'art français une profession de foi retrouvée par M. Alph. Chassant dans les archives de l'hospice Saint-Jacques du PetitAndely, et signé du nom d'Antoinette Poussin. A son tour, M. Letailleur, secrétaire de la mairie des Andelys, a constaté l'existence de trois religieuses portant aussi le nom de Poussin, et qui figurent toutes trois sur la liste des cinquante sœurs dont se composait, en 1645, le personnel de l'abbaye de Saint-Jean au Grand-Andely. Les religieuses de Saint-Jean, celles de Saint-Jacques étaient-elles des sœurs de Poussin? L'hypothèse est séduisante, j'en conviens. L'imagination se reporte au sacrifice de Philippe de Champagne, aux larmes de Racine. Comme le disciple et l'ami de Port-Royal, il semble que le peintre des Sacrements était digne de voir, à défaut d'une fille de son sang, des sœurs élevées avec lui par une pieuse mère, prononcer le vœu de chasteté, de pauvreté, d'obéissance, et consacrer leur vie, « pour l'amour de Dieu, au service des pauvres malades. >>

La date mise au bas de la profession de foi d'Antoinette Poussin fait bien quelques difficultés. Une religieuse qui prononce ses vœux en 1659 serait plutôt la nièce, la petite-nièce, que la sœur de Poussin, qui avait à cette époque soixante-cinq ans. Peut-être ne lui appartenait-elle à aucun titre. Le 21 septembre 1665, Poussin, dans son testament, ne désigne aucun parent qui porte son nom. Ses héritiers légitimes sont une Françoise Letellier, « l'une de ses nièces, » et un Jean Letellier « aussi son neveu, » dit Félibien. Leur mère est désignée dans la copie que M. de Chennevières possède sous le nom de Maria Honorati. Il est probable que la copie est fautive ou que le notaire Rondino avait mal entendu. Est-ce une Marie Poussin? Ou bien n'avons-nous ici déjà que les petits-enfants d'une sœur mariée à un Letellier ou qui aurait eu un Letellier pour gendre?

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Quant à la marraine de 1604, à la religieuse de Saint-Jacques, aux religieuses de Saint-Jean, si elles portent le nom de Poussin sans être ses sœurs, ni ses nièces, une telle rencontre prouverait que ce nom, comme celui de Varin, n'était nouveau ni au Petit-Andely, ni au Grand. Jean Poussin et Quintin Varin lui-même ne faisaient peut-être, en venant dans le Vexin, que se rapprocher du berceau de leur famille, et il se pourrait que le père de notre grand peintre, né dans le Soissonnais, disent les biographes, origi

1. T. IV, p. 40.

naire du Maine, si l'on en croit des conjectures plus récentes', et gentilhomme (c'est Poussin lui-même qui l'aura dit, et s'il l'a dit, c'est qu'il le croyait, car il n'en a jamais tiré vanité), anobli seulement par la profession des armes, fùt tout simplement d'origine roturière normande, fils ou petitfils d'un bourgeois des Andelys.

Des questions de cette nature pourraient être éclaircies un jour par la découverte de pièces nouvelles. S'il en existe encore, nous devons espérer qu'elles ne seront pas perdues. On en sait le prix aux Andelys. M. Mesteil, M. Letailleur, M. Legay sont là pour les recueillir, et M. de Ruville les réunira un jour dans son Histoire des Andelys.

II

L'ACTE DE NAISSANCE DE POUSSIN

Un acte dont, malgré tout leur zèle, les savants des Andelys ne peuvent malheureusement pas retrouver la trace, c'est l'acte de naissance de Nicolas Poussin. On a déjà plusieurs fois flétri la main sacrilége qui a dérobé dans les registres de l'état civil précisément les cahiers relatifs aux années 1593 et 1594. Je comprends et je partage l'indignation causée par un tel larcin; et cependant, si l'on avait crié moins vite et moins haut, peut-être aurions-nous plus de chances de retrouver le précieux feuillet, qui maintenant, s'il n'a pas été détruit, sera forcé d'attendre de longues années avant d'oser se produire au grand jour.

La perte n'est pas grande, dira-t-on. Bellori nous apprend que Poussin était né en 1594. Félibien ajoute que ce fut au mois de juin, et il confirme cette date en disant que Poussin, mort le 19 novembre 1665, avait lorsqu'il mourut soixante-onze ans et cinq mois. Que nous resterait-il à connaître? Le jour du mois, ce qui n'importe guère à l'histoire.

La difficulté s'est un peu augmentée depuis que M. de La RochefoucauldLiancourt, dans son Histoire de l'arrondissement des Andelys, écrite en 1813, a non-seulement indiqué le jour du mois, mais changé l'année donnée par les biographes antérieurs : il fait naître Poussin en 1593, le 15 juin 2. Était-ce une inadvertance de l'imprimeur ou un pur caprice de l'écrivain? On n'invente pas ainsi deux chiffres dans une seule ligne.

1. Borel d'Hauterive, Annuaire de la Noblesse de France, 1852, p. 220.

2. 2e édition; Andelys, 4833, p. 444.

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M. de La Rochefoucauld ne les a pas non plus trouvés dans les livres où on les a vainement cherchés après lui. Il était donc assez naturel de supposer qu'il les avait copiés dans les registres authentiques, plus complets apparemment qu'aujourd'hui, et qu'il était à même de consulter, puisqu'il habitait, comme sous-préfet, les bâtiments de l'hôtel de ville, au Grand-Andely.

Si l'on fait d'ailleurs des rapprochements, on remarque que l'acte de décès de Poussin dans les registres de Saint-Laurent in Lucina constate qu'il mourut à l'âge de soixante-douze ans, « in età di 72 anni. » Sur ses portraits, Poussin se donne à lui-même cinquante-cinq ans en 1649, cinquante-six ans en 1650; or, sa correspondance établit qu'ils ont été terminés l'un et l'autre avant le mois de juin. Calculs spécieux que j'ai vu faire avec une rigoureuse exactitude. Aussi hésite-t-on aux Andelys entre 1593 et 1594. Quant au 15 juin, il est consacré, paraît-il, depuis l'inauguration solennelle de la statue de Poussin, en 1851 on n'a pas fait difficulté de l'admettre dans l'inscription commémorative; et il y a quelques semaines, M. Frère l'a conservé dans sa Bibliographie normande.

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A défaut d'une déclaration positive de M. de La Rochefoucauld, la question demeure indécise; l'acte de décès et la signature des portraits ne la tranchent pas. On citerait cent exemples d'écrivains et d'artistes qui se trompent de quelques mois sur leur âge. On en citerait mille, d'officiers de l'état civil mal informés sur l'âge d'un mort. Le registre de Saint-Laurent donne bien au défunt le nom de Peressin. La famille a-t-elle déclaré que Poussin était mort à soixante-douze ans ou dans sa soixante-douzième année? Avait-il cinquante-six ans accomplis, s'en fallait-il de quelques semaines, et n'était-il que dans sa cinquante-sixième année, lorsqu'il signa le portrait de 1650? Qui nous le dira? Pour moi, j'estime qu'il sera prudent de s'en tenir au témoignage de Félibien, jusqu'au jour où l'acte qui seul pourrait l'infirmer d'une manière positive aura été retrouvé, s'il doit l'être, dans la collection mystérieuse de quelque amateur britannique.

III

LE CLOS POUSSIN

Il peut rester des doutes sur la date, mais non sur le lieu de la naissance de Poussin. Le 6 novembre 1841, on mit aux enchères, en l'étude de Me Piquerel, notaire aux Andelys, un bout de terre dont le nom seul devait fixer l'attention. L'affiche ne négligeait point l'avantage de cette

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