Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

n'existe que dans le granit ou dans le marbre. L'espèce est donc une création de l'art. En comparant mille individus différents, il a distingué en eux des formes générales et des formes accidentelles; puis, en réunissant tous les traits essentiels, il en a fixé le caractère invariable; il a composé un type.

Mais, hélas! ce type, de pure invention, n'est animé d'aucun souffle. Cet arbre créé par notre esprit, ne prêtera son ombre à aucun voyageur; ce cheval imaginaire ne portera personne, et l'homme que nous aurons conçu, ne sera qu'une froide abstraction, un être sans haine et sans amour, dont le cœur n'a jamais battu et ne battra jamais. La nature, qui seule a le don et le secret de la vie, rachète par là son infériorité et reprend son empire. Il faudra donc que l'artiste donne aux créations de son âme les empreintes de la vie, et il ne pourra les trouver, ces empreintes, que dans les individus créés par la nature. Les voilà donc à jamais inséparables, ces deux êtres : le type, qui est un produit de la pensée, et l'individu qui est un enfant de la vie. Que l'artiste épouse donc la nature; qu'il l'épouse sans mésalliance, mais qu'il s'unisse avec elle d'une indissoluble union. C'est là le problème.

L'antiquité grecque l'a résolu, ce problème. Dans chacune des figures qu'elle a créées pour l'éternelle admiration du monde, elle a su imprimer cet accent particulier que nous appelons le caractère, c'est-à-dire que, par une fusion aussi merveilleuse que celle d'où sortit l'airain de Corinthe, elle a su conserver une physionomie individuelle, même à la beauté idéale. Minerve, Apollon, Hercule, Vénus, sont des divinités immortelles, parce qu'elles représentent les pures idées de sagesse, de poésie, de force et de grâce; mais ces dieux ont une forme personnelle, sans quoi ils n'auraient ni physionomie, ni caractère, et ils seraient confondus en une seule et même beauté. L'artiste grec a donc puisé dans son esprit l'idée absolue de grâce et de sagesse, et il a pris dans la nature les traits qui caractérisent Vénus et Minerve.

Ces déesses, différemment belles, mais également adorables, deviennent ainsi des caractères dans l'Olympe. Divines par la pensée, humaines par la forme, elles vont réconcilier la nature et l'idéal, et marier le charme de la vie à la dignité de l'abstraction. L'art, ce grand magicien, les a fait descendre de l'Empyrée, pour qu'elles apparussent au milieu de nous, familières et vénérables, comme des pensées vivantes :

Minerve est la prudence, et Vénus la beauté.

CHARLES BLANC.

LES LAQUES'

III

CLASSIFICATION DES GENRES

Lorsqu'on entreprend l'étude sérieuse, la description raisonnée de ces objets multiples, confondus sous le nom de curiosités, on est arrêté d'abord par une difficulté imprévue c'est de trouver un langage compréhensible pour tout le monde, concis sans sécheresse, exact sans prétentions pédantesques. Trop souvent il faut accepter une phraséologie mal faite, erronée, mais ancienne, et suppléer le mot propre par de regrettables circonlocutions.

Il en sera malheureusement ainsi dans ce travail; les habitudes commerciales, une suite de catalogues remontant à plus d'un siècle, nous imposent les principales dénominations des laques. On nous permettra, toutefois, de diviser quelques genres en sections distinctes, et même d'effacer, après discussion, des noms mensongers.

:

Constatons d'abord un fait la résine laque n'est pas susceptible de noircir à l'air, comme pourraient le faire supposer certains passages des anciens missionnaires; on la colore en y incorporant diverses matières qui peuvent varier du noir profond au blanc mat; de plus, on la teinte partiellement de rose obtenu du carthame, de vert (orpiment et indigo), de violet (colcothar calciné), de jaune (orpiment) et de rouge vif (le cinabre natif). On lui donne, d'ailleurs, toutes les nuances de l'or, de l'argent, de l'acier, du fer et du bronze.

Le premier genre, dans l'ordre du mérite et de l'ancienneté, est le LAQUE A FOND D'OR. Julliot, signalant une pièce sortie du cabinet de M. Jullienne, nous apprend combien ce fond était alors recherché. Nulle description ne saurait donner une idée de sa richesse et des ressources auxquelles les artistes savent recourir pour en varier les effets; tantôt ful

[merged small][merged small][ocr errors]

vescent et comme réchauffé par un rayon de soleil, on voit pourtant courir à sa surface des méandres de fleurs et de feuillages, de fins réseaux scintillant ainsi que le ferait une sculpture d'or bruni appliquée sur du métal vierge; tantôt affaibli par un mélange d'argent, il prend une teinte douce et nacrée sur laquelle l'or rouge, l'or vert et l'or jaune se détachent avec une puissance augmentée par le relief; pour rehausser encore ce riche tableau, des points saillants d'or bruni, d'argent vif ou d'argent bleuâtre ressortent par intervalles comme des cristaux de métal natif au milieu de leur gangue. Il faut voir les laques de la collection du Louvre, ceux des riches suites de M. le comte de Rougemont et de M. Thiers, pour comprendre à quelle abondance de palette peuvent arriver les artistes japonais, avec l'or et l'argent, dans leurs divers mélanges et leurs préparations variées. Le noir, le vermillon, de rares touches de vert pâle sont les seuls accessoires qu'on y introduise parfois. Ainsi, dans les représentations de figures impériales, les cheveux sont habituellement teints de la première couleur; les doublures des vêtements montrent la seconde. Sur les pièces à bouquets et à sujets emblématiques, certaines fleurs, des fruits, les plumes ou les aigrettes des oiseaux fabuleux sont peints en vermillon ou en vert bleuâtre.

Les laques à fond d'or, exclusivement japonais, et presque tous sortis d'ateliers de premier ordre, sont partout très-rares et fort recherchés; malgré leur dimension réduite, on y attache un haut prix, même sur les lieux de production, et Gersaint' annonce, d'après le P. du Halde, que les Chinois hésitent à rapporter des laques de Nippon, dans la crainte de n'en pas obtenir le prix d'acquisition; il cite un cabinet venu à Canton et vendu immédiatement plus de cent piastres. Il n'en faudrait pas davantage pour justifier les enchères prodigieuses obtenues, dans les dernières ventes, par les objets de ce genre.

D'après leur forme et leur merveilleuse finesse, il est évident que les laques à fond d'or sont tous destinés à la parure des riches habitations. Lorsqu'ils se formulent en cabinets, les tiroirs multiples sont si petits qu'on ne saurait les utiliser; mais l'ajustage en est parfait, les battants se replient dans leur feuillure avec une exactitude prodigieuse, et le meuble serait un sujet d'admiration si le travail d'art n'absorbait déjà l'attention de l'observateur.

On peut citer comme un chef-d'œuvre dans ce genre le cabinet acquis par M. Thiers à la vente de madame la duchesse de Montebello. La tabletterie, la monture, surprennent par leur délicatesse et leur fini; partout, à

4. Catalogue de la vente Angran de Fonspertuis.

l'intérieur et à l'extérieur, l'or brille en teintes diverses, adroitement associé à des incrustations métalliques ou à des rehauts de couleur. Cette magnifique pièce est certainement un laque impérial de première qualité ; la rareté des morceaux de même espèce le prouverait au besoin '; mais l'œil en est convaincu lorsqu'il a convenablement admiré cette orfévrerie sur bois. La pièce dont nous parlons avait été cataloguée sous le nom de laque aventurine; ce nom ne paraît pas lui convenir. En effet, le fond est un semé d'or, une pluie métallique relevée par des incrustations de grains plus gros et plus brillants; mais nulle coloration brune ne permet de comparer ce fond à l'aventurine dont nous parlerons bientôt, en tâchant de la définir nettement.

Les boîtes affectent les silhouettes les plus singulières, représentant parfois un personnage accroupi, une bourse, un nœud d'étoffe, un éventail, un fruit ou une feuille. Sous le couvercle, on trouve souvent un plateau sans profondeur, qui cache d'autres boîtes à pourtour géométrique, agencées de manière à remplir toute la cavité; on les sort en poussant l'une d'elles par un trou percé à cet effet dans l'enveloppe générale.

En dehors de ces pièces de pure curiosité, on peut citer des sceptres honorifiques, des coupes libatoires indiquant une tendance à faire rivaliser le laque avec les pierres précieuses.

Le second genre porte le nom de LAQUE AVENTURINE. On pourrait presque le confondre avec le premier, car ils sont presque constamment associés; ainsi, l'on rencontre fréquemment des pièces aventurinées dont les compartiments ou tiroirs intérieurs sont à fond d'or; on voit aussi des boîtes à extérieur métallique (or, argent, acier), dont le contenu est aventuriné. Nous ne parlerons pas, d'ailleurs, des doublures, qui sont d'aventurine dans tous les laques de belle qualité.

Mais il faut s'entendre d'abord sur la valeur du mot. Le quartz aventurine est un cristal de roche, gris ou brunâtre, renfermant dans sa masse des grains plus purs, dont les facettes réfléchissent la lumière et produisent l'effet d'un semé de lamelles d'argent dans la première espèce, de lamelles d'or dans la seconde. Par extension, on a nommé aventurinées certaines roches, telles que les grès micacés ou les feldspaths à fond d'or contenant des fragments de mica rouge. Toutefois, la véritable aventurine des minéralogistes est le quartz, tandis que celle des bijoutiers et des curieux est une matière artificielle obtenue par les anciens verriers, en semant de grains d'or un verre brun rouge du ton le plus pur.

1. De beaux morceaux, et, entre autres, un plateau à fleurs de relief, se voient dans la suite de M. de Rougemont; le Louvre en possède aussi quelques échantillons.

Prise pour type, cette composition nous mènerait précisément aux laques ordinaires de couleur sombre, où l'or, parcimonieusement jeté et recouvert de nombreuses couches de vernis, exprime, comme dans le quartz et le verre, une masse perméable à la lumière et laissant briller le métal à raison de sa proximité de la surface. Dans les laques de choix, l'aventurine n'a pas tout à fait ce caractère; l'or, plus pressé, diminue l'intensité du brun sans l'effacer entièrement. Mais lorsque le vernis est tellement incolore qu'on voit un fond métallique pointillé seulement de parcelles plus brillantes et rehaussé parfois de gros grains semblables à des cristaux saillants et brunis, ce n'est plus de l'aventurine, c'est un semé d'or, comme nous l'avons expliqué plus haut.

Julliot, si remarquable par son esprit méthodique, signale, dans ses catalogues, les diverses espèces que nous venons d'indiquer; il distingue l'aventurine à gros grains d'or, l'aventurine proprement dite, toutes deux de première qualité, et l'aventurine foncée, plus ordinaire, dont nous faisons la base du genre. Il ajoute une variété assez rare et fort distinguée; c'est le fond aventurine nuancé, où la pluie métallique disparaît d'espace en espace, sous un nuage d'or vaguement fondu.

La plupart des grandes pièces, telles que les coffres de voyage, les étagères, les paravents, sont aventurinées avec personnages, fleurs, paysages en or de relief. Plus l'espèce est belle, plus les tons de l'or sont variés; les nervures des feuilles ou des pétales semblent des fils métalliques appliqués sur la sculpture.

Les doublures de boîtes et de tiroirs sont habituellement d'aventurine foncée.

Le LAQUE NOIR forme le troisième genre ; mais on le trouve à tous les degrés, depuis la fabrication la plus distinguée jusqu'aux commandes vulgaires, et sa nationalité peut paraître quelquefois assez difficile à déterminer. Cependant, l'observateur attentif est frappé d'abord d'un fait important; les vieux laques noirs du Japon ont un œil absorbant qui permet à l'or de se découper avec netteté sur toutes les parties; il semblerait voir une matière minérale finement polie, plutôt qu'un enduit résineux. Les espèces chinoises, et surtout les fabrications modernes, offrent, au contraire, un brillant poisseux, nuisible à la pureté du dessin et des formes; on y sent la dorure appliquée, et non, comme dans les autres, une sorte de damasquinure analogue à celle du sowaas.

Rien n'est plus fréquent que le mélange du noir à l'or et à l'aventurine dans les laques de première qualité; il est même certains passages délicats à saisir. Un fond noir semé de points d'or régulièrement espacés imite assez l'aspect d'un ciel nocturne pour que nous l'appelions fond

« VorigeDoorgaan »