constellé; mais quand le semé se resserre et réunit des poussières d'or de grosseurs diverses, on est si près de l'aventurine qu'il faut regarder à deux fois pour ne s'y point tromper.

Ce sablé nébuleux mène au fond noir nuancé d'or, où la vapeur dorée

imite de légers nuages.

Nous ne pouvons passer sous silence une espèce des plus rares et des plus distinguées; c'est le laque miroir. On ne le recouvre d'aucun dessin, afin de ne pas détruire l'effet de sa brillante surface. Un petit cabinet de cette espèce figurait, en 1826, dans la vente de la collection Sallé. Une magnifique pièce existe dans la suite de M. le comte de Rougemont.

Parmi les pièces japonaises, beaucoup offrent des médaillons noirs sur fond or ou aventurine. Les Chinois ont ajouté à ce mélange celui d'un rouge brunâtre; on peut voir au Musée du Louvre des bols fabriqués pendant la période Kia-thsing de la dynastie des Ming (1522 à 1566), sur lesquels le brun rouge forme des compartiments arabesques.

Une garniture de première dimension, appartenant à M. le comte de Rougemont, porte, sur le fond noir, des bordures d'or et des dragons en relief, animés par des touches d'or et de vermillon du plus grand effet. Rien n'est décoratif et hardi comme ces vases aux formes colossales, ravis à quelque illustre temple ou palais du Céleste Empire.

Le même cabinet montre une boîte à fond noir, unique dans son espèce; des arbres conifères traversent sa plus grande longueur, servant de support à une plante à feuilles palmées; toute cette décoration est en or de relief, mais, vers l'extrémité des branches et plus encore à la base des arbres, le relief s'abaisse lentement; l'or devient nébuleux, et finit par se perdre en vapeur inappréciable dans le vernis obscur. Avec des dessins d'une certaine perspective, on obtiendrait, par ce procédé, des effets surprenants; le laque prendrait une profondeur mystérieuse, et l'or semblerait émerger du fond noir.

Nous ferons suivre le LAQUE USÉ comme quatrième genre. Bien que traité sur noir, on ne saurait le considérer comme une simple espèce du genre précédent, puisqu'il a pour principe une idée toute différente. « Le laque usé, dit Julliot, est ainsi nommé parce que les dessins d'or n'y font pas relief'. Ce fin connaisseur attribue une date assez récente à l'invention, et s'il ne place pas l'or usé dans les fabrications modernes, il a toujours soin de le distinguer des espèces anciennes. Nous ne trouvons dans les catalogues de Gersaint aucune indication relative à cette fabrication particulière. Serait-ce une preuve de la médiocre estime dont elle jouissait

1. Catalogue de la vente Randon de Boisset.

alors parmi les vrais amateurs? Cent ans se sont écoulés depuis, et les laques usés ont acquis aujourd'hui la respectable autorité du temps. La finesse et la netteté de quelques pièces les rendent dignes de figurer près des beaux vernis à relief.

LAQUE ROUGE. Rangé par nous au cinquième rang, ce produit se distingue cependant par sa belle fabrication et par la pureté du vermillon qui le colore. On ne saurait le confondre avec la pâte carminée des laques ciselés à relief dit de Ti-tcheou.

Il paraît y avoir eu concurremment dans le commerce de la curiosité, en 1747, un vernis rouge oriental et une imitation européenne, car Gersaint ne catalogue jamais une pièce de l'espèce sans écrire : « Vrai lacq rouge. » Il distingue d'ailleurs, ainsi que Julliot, un laque rouge ancien et un rouge ordinaire. La première espèce est fort rare et doit particulièrement être attribuée aux Japonais. Nous citerons, à l'appui de cette assertion, le mélange fréquent du rouge vermillon au noir, à l'or et à l'aventurine dans des ouvrages de première qualité. L'un de ceux-ci peut se voir au Musée du Louvre; laissons-le décrire par Julliot, à la vente duquel il fut acheté par M. Radix de Sainte-Foy, moyennant 1,201 livres : « Un pavillon, dans le goût japonais, composé de deux excellents mor<< ceaux d'ancien laque, surtout celui formant le baldaquin, à fond or et «< aventurine à gros grain d'or et à riches dessins d'un travail fin en or «< de relief; l'autre, servant de base, est une grande soucoupe à pied fond. « rouge et or en dessous, aussi fond rouge en dedans, relevé d'un pan<< neau carré fond noir à sujets en or de relief, etc. »

Beaucoup de pièces modernes du Japon, telles que tasses à saki', soucoupes, plateaux, montrent le fond rouge associé à des dessins d'or rehaussés parfois de teintes noires 2.

LAQUE VEINÉ OU XYLOÏDE. Nous établissons ce sixième genre pour certaines pièces dont parlent les anciens catalogues, mais en termes assez ambigus pour laisser des doutes dans l'esprit. Gersaint décrivant, parmi les curiosités de M. Angran de Fonspertuis, trois boîtes de vieux laque, s'exprime ainsi : « La troisième, qui est plus petite et aussi de forme << presque carrée, est fort singulière et fort ancienne. Ce qui en fait la

1. La tasse à saki est une coupe élégante, de petite dimension, formée d'un segment de sphère posé sur un pied assez élevé, légèrement conique; elle sert à boire le saki (eau-de-vie de riz) bouillant.

2. D'après les indications qui nous sont fournies par M. Natalis Rondot, nous avons lieu de croire que le laque rouge n'a jamais été fabriqué en Chine; au dire des ouvriers spéciaux employés au travail du laque de Ti-tcheou, l'eau et certains autres éléments nécessaires manquent en Chine pour produire un beau rouge vermillon.

« singularité est que l'on s'est servi des veines naturelles du bois dont est « fait son dessus, pour en former un ciel sur lequel on a placé une lune «‹ à moitié cachée par un nuage que forme la nature même des veines de «< ce bois'. >>

Nous avons rencontré parfois des laques fond noir encadrés de parties veinées imitant le bois; mais il ne nous a jamais paru que ce bois fût naturel. On y reconnaissait, au contraire, la régularité, la sécheresse même d'un travail au pinceau. Notre opinion à cet égard se trouve confirmée par une curieuse théière en craquelé japonais (collect. de Mme Malinet), dont la moitié supérieure est laquée à fond xyloïde brun foncé veiné de noir; un paysage accidenté nuancé d'or et de vermillon détache sa silhouette sur ce ton chaud; un ancien volcan tronqué au sommet, et qu'il est facile de reconnaître pour le mont Fousi, forme le sujet principal; les arbres et autres accessoires se dessinent en or de relief.

S'il fallait fournir une autre preuve de l'erreur commise par Gersaint, nous citerions plusieurs laques à fond d'or, entre autres une boîte carrée du Louvre et de charmants barils appartenant à M. de Rougemont, sur lesquels on a figuré les stries irrégulières, les nœuds, d'un bois à texture assez grosse, tel que le chêne ou le palissandre. Ici l'intention n'est plus douteuse l'artiste a voulu enrichir une surface trop nue, et les accidents naturels d'une planche polie lui ont fourni un thème, qu'il a cherché ailleurs dans l'aspect du ciel couvert de légères vapeurs (fond nuancé)..

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Le laque veiné n'est pas toujours d'époque ancienne. Nous avons vu des pièces, doublées d'aventurine, qui portaient dans leur médaillon noir des paysages en or usé.

Le septième genre comprend les LAQUES BURGAUTÉS. Expliquons d'abord l'origine de leur nom. On appelle chez nous burgau, une espèce de coquille du genre turbo, dont l'épiderme noirâtre recouvre une nacre assez belle; dans l'enfance de la navigation et du commerce, avant que les haliotides et les pintadines des Indes et de l'Amérique arrivassent sur nos marchés, le burgau fournissait aux arts sa matière orientée, et servait seul de base aux travaux d'incrustation; dès lors, ceux-ci ont pris et conservé la dénomination que nous retrouvons dans les laques.

Pour burgauter, les Orientaux n'emploient pas, ainsi qu'on pourrait le croire au premier aperçu, des nacres naturellement colorées; ils taillent

4. Catalogue Fonspertuis, p. 434.

2. Le Fousi yama est la plus haute montagne du Japon; ses anciennes éruptions ont été extrêmement violentes. La représentation de ce mont gigantesque est le sujet favori des artistes de Nippon.