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jusqu'à présent comme un disciple de Ronsard, un des poëtes de la Pléiade, comme un érudit distingué même à côté des preux de pédanterie, les Erasme, les Scaliger, les Casaubon, mais nullement comme artiste, et cependant lui aussi dans sa jeunesse avait sacrifié aux Grâces légères et payé tribut à l'engouement de l'art; il peut prendre place, nous espérons le prouver, parmi les créateurs du palais de Diane de Poitiers. Nos preuves sont renfermées dans un petit livre très-rare de Pontus, et qui pourrait passer pour inédit, tant il est peu connu la Bibliothèque Impériale le garde précieusement dans sa Réserve sous le no 6597 Y, in-12, 23 pages1. Voici le titre : DOUZE FABLES DE FLEUVES OU FONTAINES, avec la description pour la peinture et les épigrammes; par P. D. T. (Pontus de Thyard), Paris, chez Jean Richer, rue Saint-Jean-de-Latran, à l'enseigne de l'Arbre verdoiant. 1586. Avec privilège du roy.

Ce titre si vague, et les initiales seules de l'auteur expliquent l'oubli dans lequel le livre est resté. Comment en effet sous cette dénomination de « Douze fables de fleuves ou fontaines » un archéologue aurait-il deviné que l'auteur composait douze sujets de tableaux pour « la superbe maison d'Anet? » La préface-dédicace ne laisse cependant aucun doute à cet égard :

A Pontus de Thyard, seigneur de Bissy, évesque de Châlons.

<< Monsieur, vous ne serez pas marri si j'ai entrepris de faire imprimer ce papier que je pris, il y a deux mois, en vostre estude à Bragny 2, et lequel vous enviiez trop avarement au public et sous si faibles excuses, que je ne les ay peu ni deu prendre en payement: car quant à votre aage et profession trop dissemblables à escrits de telle étoffe que mettez en avant, cela n'a rien de cômun à l'eage ny à la saison èsquels vous les fistes, d'autant que ce fut en un temps où l'on le pouvait appeler un très-honeste et louable exercice, sçavoir y a environ 30 ans, lorsque l'on accommodait cette superbe maison d'Anet, qui a pris son plus grand lustre de vos belles inventions, dont aucuns se sont emparez, et en ont emportez la gloire à bon marché. Recevez-le donc comme vostre, et ne le désavouez pas! car je m'asseure qu'il ne fera point de honte à vos autres écrits, et que la France me sçaura bon gré de mon honneste larcein. moment sur Pontus un ouvrage important, que l'Académie de Mâcon vient de cou

ronner.

4. Le recto seul est paginé.

2. Bragny était une des maisons de campagne de Pontus; c'était là qu'il se retirait souvent pour composer ses doctes écrits, comme on peut le voir dans son livre : De recta nominum impositione.

Vous priant humblement croire, que sans cette asseurance, je n'eusse pris la hardiesse de le mettre en lumière à votre insceu, comme celuy qui ne voudrait rien faire qui fust désagréable et qui demeurera à jamais

« Votre très-humble et très-obéissant serviteur.

«De Paris, ce jour de Toussaints, 1585. »

« TABOUROT.

Que les faits se soient passés comme les raconte Tabourot, ou que notre éditeur ait rempli un rôle de compère complaisant pour Pontus voulant revendiquer sa part dans le chef-d'œuvre du second âge de la Renaissance, peu nous importe; puisqu'on ne connaît pas de preuve contradictoire des contemporains, il nous semble établi par cette préface que Pontus doit aussi être inscrit sur le frontispice d'Anet.

On sait dans quelles circonstances fut élevé le château de Diane de Poitiers. Le vieux manoir féodal, donjon gothique de Charles le Mauvais et des Brézé, ne pouvait plus convenir à la favorite du roi de France. Henri II. Cette demeure sérieuse avait le tort grave de rappeler une chose plus sérieuse encore, l'âge avancé de la dame: Diane avait 48 ans lorsque le roi n'en avait pas encore 30; aussi, comme l'a justement remarqué M. Michelet ', qui semble doué de l'heureux don de pénétrer les monuments aussi bien que les individus, « il fallait inventer je ne sais quel miracle de jeunesse éternelle qui troublât l'imagination, lui donnât le change, retînt le cœur ému..... Problème difficile ici, où l'objet aimé, déjà mûr, avait besoin d'illusion, d'une jouvance puissante, inouïe... Diane occupa d'abord le roi à bâtir; pour une femme qui afficha toute sa vie l'extérieur de veuve, qui amenait l'amant près du mausolée du mari où se lisait cette inscription :

Brazoo hæc statuit pergrata Diana marito

Ut diuturna sui sint monumenta viri,

pour une pareille femme, il fallait moins un palais gigantesque qu'une « maison d'intimité, de conversation, » Philibert De L'Orme le comprit'.

1. Hist. de France, guerres de religion.

2. La curieuse notice sur Philibert De L'Orme, que notre collaborateur M. Ad. Berty a publiée dans la Gazette des Beaux-Arts (numéros 15 octobre et 1er novembre 1859), fournit encore une autre présomption en faveur de notre hypothèse. Qu'y aurait-il d'étonnant à ce que De L'Orme, le protégé des Du Bellay, eût fait mettre en œuvre les plans de leur ami Pontus de Thyard? Qui sait même si ce ne fut pas Pontus, vivant dans le voisinage de « l'architecte lyonnois Philibert De L'Orme, » qui aurait révélé son mérite au généreux protecteur de Rabelais, et placé ainsi De L'Orme sur la route de la fortune et de la célébrité?

Tout fut destiné à la promenade rez-de-chaussées, galeries, terrasses, etc.; mais ce long tête-à-tête aurait pu ennuyer le roi, peu vif d'esprit par nature, les forêts voisines d'Anet, de Sorel, d'Ivry, de Dreux, etc. (où Diane, pour entretenir sa beauté, aimait à chevaucher dans la rosée, par les froides heures du matin, avant de se remettre au lit), devaient heureusement fournir l'utile distraction de la chasse et fatiguer, briser le corps du rude jouteur. La maison était donc commode, complète; le paysage frais, la nature plantureuse et variée dans cette ricle.

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vallée entre Dreux, Évreux et Meulan, et malgré tout cela, « l'attrait, le puissant talisman manquait encore. >>

Qui comprit la vraie grâce de cette vallée arrosée par l'Eure et la Vègre; non loin de la grande Seine, le charme de ces eaux vives? Est-ce Jean Goujon, devinant le monument que son ciseau devait élever et immortaliser, «< cette fontaine où l'immobile image s'aviverait sans cesse du mouvement de ces belles eaux, de leur gazouillement qu'elle a l'air d'écouter?» ou bien cet homme qui laissait l'empreinte de son génie sur tout ce qu'il touchait, l'artiste dont le regard profond, scrutateur, pénétrait la terre et les eaux, et arrachait à la nature ses secrets, l'illustre potier Bernard Palissy? La tradition se tait comme l'histoire. Ne doit-on pas interpréter

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