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de La Vieuville une bague portant leurs deux chiffres. Par son testament, il donne cette bague à l'une de ses sœurs. Doyen conseille à M. Regnard de la rendre à la comtesse, qui a entouré Colardeau de soins, et a sacrifié pour lui 50,000 écus. « Ce procédé seroit << noble et cacheroit sous le manteau de la politesse et d'une galanterie de votre part <«< la liaison qu'il y a eu entre lui et elle dans le monde. Bien qu'il n'ait pas toujours «< été un ami très-constant, je ne l'ai jamais abandonné. Il sera toujours présent à mon <«< cœur et à mon esprit. C'est un homme qui fera époque pour la langue; on parlera « toujours de lui. Taisons le reste: son mal y a contribué, et la liberté qu'il a prise de << bonne heure dans notre Paris. >>

5 mai suivant. Il vient de remettre à MM. Coqueley et Jabineau, chargés de publier les OEuvres de Colardeau, tous les manuscrits et papiers que celui-ci a laissés, à l'exception de ceux qui pouvaient altérer sa mémoire et où il médit de l'Académie. «Il << y a une épître qui a couru dans le monde par un vol qui lui a été fait c'est contre << mademoiselle Verrières. Elle est considérable et très-belle. Il en a eu le plus grand cha<«< grin, et c'est moi qui en ai eu tout l'embarras, soit pour le rassurer, soit pour être << contraint de mentir, et dire que je ne la lui avais jamais vu faire, ce qui a donné un << grand poids à sa négation... J'ai promis aux parents et amis de la personne morte que <«<l'on ne la mettroit pas dans l'édition. »

La personne morte, c'est mademoiselle Verrières. Nous ne savons si la promesse fut tenue, n'ayant pas sous la main l'édition de 1779; mais l'éditeur des OEuvres choisies, de 4814 a eu soin d'y insérer tout au long l'épître en question, qui commence ainsi :

Gardienne d'un bercail favorisé des cieux....."

Il faut être averti que c'est une pièce méchante: sans cela, ce n'est qu'une méchante pièce, une amplification froide et banale; et c'est un trait des mœurs du temps, si esclaves du classique dans les choses qui le comportent le moins, qu'une satire de ce genre ait pu sembler redoutable à une Marie Rinteau ou aux amis de sa mémoire. ·

Les autographes vendus le 26 avril nous apportent un spécimen de plus de ces mœurs fort compliquées, et c'est à ce titre seul que nous en avons consigné ici la trace. Quant à Colardeau, ils le diminueraient encore, s'il restait quelque souci d'avoir sa juste mesure. Neutre entre les deux grands partis du monde littéraire de son temps, les Encyclopé→ distes et leurs adversaires, et se glorifiant de cette lâche indifférence qui ne l'empêchera pas de faire le signe de la croix quand il faudra penser à mourir; sans force pour quitter une maîtresse qu'il méprise, mais faisant contre elle des vers dont il a peur, et se cachant alors derrière ses amis, qui disent: Il n'y est pas; médisant de l'Académie, où il brûle d'entrer; recevant enfin de sa dernière amie des sacrifices de 50,000 écus, et creusant à l'Amour devenu vieux un ermitage confortable dans le fromage de Hollande des concessions domaniales... tel nous le livrent ces pages, hélas! trop bien conservées. Le pauvre Colardeau n'aura gagné à cette découverte que d'être placé désormais un peu plus bas que ses vers.

DE GRAVIGNY.

LIVRES D'ART

CANTICUM-CANTICORUM, fac-simile de l'exemplaire de Scriverius (première édition), conservé au British-Museum, avec une introduction historique bibliographique, par J.- Ph. Berjeau; Londres, Trübner et Co. 1859, in-fol.

Après la Bible des Pauvres, dont nous avons parlé dans notre numéro du 15 janvier dernier, et le Speculum humanæ salvationis, le Livre des Cantiques est sans aucun doute le plus intéressant des livres xylographiques. Sous le rapport artistique, le dessin et la gravure des sujets du cantique surpassent même les deux premiers monuments de l'art. au xv siècle, quoiqu'il appartienne évidemment à la même école, celle de Van Eyck, et très-probablement au même graveur, Laurent Coster, de Harlem. Heinecken et presque tous les iconographes allemands à sa suite, s'efforcent d'attribuer à l'École allemande l'exécution de ce petit chef-d'œuvre en trente-deux dessins, imprimés d'un seul côté sur seize pages in-folio; mais l'inscription flamande, sur la première page de l'exemplaire qui a appartenu à Scriverius, et qui fait aujourd'hui partie de la collection du British Museum, prouve assez l'origine néerlandaise de ce livre. Les armoiries disséminées dans quelques-uns des dessins ont soulevé quelques controverses que M. Berjeau nous semble avoir définitivement réglées, en montrant que sur vingt-deux armoiries, dix-sept au moins appartiennent au duc de Bourgogne, qui régnait sur la Flandre au temps de Coster. Il existe en Angleterre deux autres éditions, également hollandaises, du Livre des Cantiques; mais ce sont de grossières imitations de la première. On les reconnaît à des négligences dans les détails de la gravure, à l'omission d'un des personnages dans un des dessins, à des fautes d'orthographe dans les sentences gothiques empruntées au cantique de Salomon et à la différence du terrain ou des rochers qui couvrent généralement le premier plan. Toutes ces variations sont signalées avec soin dans l'introduction, qui donne d'abord le texte avec les abréviations, et en regard celui de la vulgate, puis une traduction anglaise et française. Les bibliographes hollandais de Jongh, Schrijver (plus connu sous le nom de Scriverius), Seiz, Koning, Scheltema, de Vries, n'hésitent pas à attribuer la gravure du Livre des Cantiques à Laurent Coster. Nul ne peut nier aujourd'hui, et M. Passavant, dans son Peintre-Graveur en cours de publication à Leipsik, le reconnaît à son tour, que les premiers livres xylographiques appartiennent aux Pays-Bas. Pourquoi Laurent Coster ne serait-il pas, en effet, le gra veur de ces livres? Même en admettant que de Jongh, dans sa Batavia, ait un peu brodé sur la tradition qui attribuait à Harlem l'invention de l'imprimerie, on ne peut s'empêcher de reconnaître que son livre ne soit un livre sérieux sur lequel on peut, en toute sûreté de consciense, ranger Coster parmi les graveurs primitifs. M. Berjeau est occupé maintenant à la reproduction des soixante-trois planches de la première édi tion latine du Speculum humanæ salvationis, qu'il nous promet pour la fin de l'année, et qui ne sera tiré, comme la Bible des Pauvres et le Livre des Cantiques, qu'à cent cinquante exemplaires au plus. Cette reproduction des monuments xylographiques, cités si souvent par les bibliographes et si rares que fort peu de bibliothèques publiques les possèdent, est un véritable service rendu à l'histoire de l'art. Au moyen de ces fac-simile, que M. Berjeau calque lui-même sur les originaux avec la plus scrupuleuse fidélité, l'iconographie du xve siècle se trouve à la portée de tous les amateurs que cette branche de l'art intéresse plus spécialement.

S.

On sait à quel point l'opinion publique s'est émue, dans ces derniers temps, de la restauration entreprise par la Direction des musées d'un grand nombre de tableaux du Louvre. Des plaintes réitérées ont répondu à celles de la plupart des hommes compétents; la majorité des artistes, en effet, et les amateurs les plus éclairés déploraient les résultats des travaux déjà accomplis, et quelques-uns dans les termes les plus amers. Il suffit, pour partager cette émotion, de voir dans les galeries du Musée l'état actuel de quelques tableaux, de ceux de Palme le vieux et de Cima da Conegliano notamment, qui se trouvent dans la petite galerie nouvellement ouverte, parallèle à la salle des États; il suffit de se rappeler l'ancien éclat des Noces de Cana, de Paul Véronèse, la richesse et l'unité de ton des tableaux de Titien, de Rubens, sans parler de beaucoup d'autres, qui ont été livrés aux restaurateurs, et dont la plupart ont perdu leur harmonie et quelquesuns même leur épiderme.

Beaucoup de personnes enfin, passionnément attachées aux œuvres des maîtres, et nous sommes de ce nombre, ne peuvent se défendre de croire que le succès même, eût-il mieux répondu à la tentative de l'Administration, eût été extrêmement regrettable, s'il avait eu pour effet de l'engager de plus en plus dans une voie pleine de périls. Ici toute faute est irréparable. Qui ne serait frappé de cette idée que la conservation de tant de chefs-d'œuvre dépend d'une initiative qui peut leur être funeste, et que leur sort est livré à toutes les chances d'erreur qui s'attachent nécessairement aux mesures prises sans aucun contrôle.

L'Académie des Beaux-Arts avait à plusieurs reprises fait entendre quelques obser vations, malheureusement peu écoutées. Tout récemment enfin, lorsque le tableau de Raphaël, représentant l'Archange saint Michel terrassant le démon, a été replacé dans le Salon carré, après avoir subi à son tour les dangereuses opérations de rentoilage et de nettoyage, que l'on avait jugées nécessaires, elle s'est énergiquement prononcée et a manifesté le projet de rédiger une protestation officielle. La Direction des musées a cru devoir à cette occasion se défendre en faisant insérer dans le Moniteur une justification, dont nous extrayons quelques passages:

<< Personne, y est-il dit, n'ignore que les tableaux sont exposés, par la succession « des années, à des détériorations qui sont pour eux de vraies maladies impossibles à << prévenir, mais que l'on peut combattre quand elles se manifestent. Les toiles et les << panneaux sur lesquels on peint se dilatent et se resserrent suivant les variations de « la température, tandis que les préparations sur lesquelles on étend les couleurs, de << même que les couleurs elles-mêmes et les vernis, ne sont pas sensibles à ces varia«<tions. A la longue, cette juxtaposition de deux corps, dont l'un ne peut pas suivre les << mouvements de l'autre, occasionne dans les tableaux d'abord des fissures, puis des << gerçures souvent très-profondes, enfin des écailles qui se soulèvent et tombent. De « plus, les toiles et les panneaux se pourrissent par la vétusté et s'en vont en pous<< sière. Il y a alors nécessité urgente de rentoiler ou d'enlever la peinture, suivant la « gravité du cas. Tout rentoilage entraîne l'obligation de nettoyer et de restaurer les << parties tombées. C'est dans cette obligation que s'est trouvée la Direction générale des << musées...

«

<<< Les restaurations n'ont été exécutées qu'à la dernière extrémité, avec des précau<< tions inouïes et un respect religieux des maîtres. On s'est gardé d'imiter la manière dont << avaient été antérieurement pratiquées des opérations analogues, et l'on a même eu << quelquefois la satisfaction d'effacer des outrages que les œuvres primitives avaient « subis de restaurateurs trop zélés. C'est ainsi que dans l'Éducation de Marie de Médicis,

« les trois Grâces ont reparu dans leur noble nudité, débarrassées des voiles dont << Coypel les avait affublées. Il serait trop long d'énumérer les nombreuses et minutieuses « opérations auxquelles donne lieu la restauration d'un tableau... »

Les explications fournies par la Direction des musées n'ont pas paru sans doute justifier assez complétement les travaux de restauration qu'elle a fait exécuter jusqu'à ce jour. Le Moniteur a, en effet, annoncé qu'à l'avenir aucune restauration ne serait plus entreprise sans l'avis préalable d'une commission composée de la section de peinture de l'Institut. Nous applaudissons de toutes nos forces à cette décision excellente, en regrettant seulement qu'elle n'ait pas été prise beaucoup plus tôt. Nous espérons que l'Académie exercera le contrôle que l'Administration elle-même lui demande, avec une vigilance sévère c'est désormais un de ses plus impérieux devoirs.

- La Société des Antiquaires de Picardie organise une exposition, qui aura lieu à Amiens, du 20 mai au 6 juin. Cette exposition comprendra tout à la fois des objets d'art et de curiosité anciens et des productions de l'art moderne. Elle sera spécialement provinciale, et par cela même on espère la rendre plus originale et plus complète. Tous les collectionneurs et la plupart des anciennes familles de la Picardie y contribueront. Le catalogue méthodique et raisonné des objets exposés, publié par la commission, deviendra ainsi le répertoire archéologique et artistique de la province.

On a exposé, il y a quelques jours, au Palais de l'Industrie, des boiseries, des stalles, un trône épiscopal et un buffet d'orgues, destinés à la cathédrale d'Auch. Ces boiseries, dont l'exécution est remarquable, ont été dessinées par M. Charles Laisné, architecte diocésain, et lui font le plus grand honneur. On ne saurait, en effet, comparer ces beaux ouvrages qu'à ceux du même genre que possède la cathédrale d'Amiens.

Nous avons annoncé les travaux de consolidation entrepris au Palais de l'Institut par M. Le Bas, architecte. Il paraît que ce palais doit être complétement restauré. L'empereur, après l'avoir visité et avoir examiné les dispositions adoptées par M. Le Bas, a proposé lui-même un plan dont l'exécution a été résolue.

- L'Académie des Inscriptions et Belles-lettres, dans sa séance du 26 avril 1860, a élu M. Ferdinand de Lasteyrie membre libre, en remplacement de M. Monmerqué. Tous les amis des lettres et des arts se féliciteront de voir entrer à l'Institut un homme aussi distingué par ses travaux et par les qualités de son esprit que par l'élévation de son caractère.

Une Société qui, depuis dix ans, existait à l'état de projet, la Société des Arts unis, se trouve enfin, aujourd'hui, définitivement constituée. Nous ferons amplement connaître à nos lecteurs le but, les règlements et les avantages de cette Société dont nous avons suivi pendant si longtemps les progrès, dont nous connaissions les difficultés et dont nous saluons avec bonheur l'avénement. Pour le moment, nous nous bornons à annoncer que la Société des Arts unis a son local définitif rue de Provence, no 26, en face de la rue Le Pelletier, dans le charmant hôtel qui fut longtemps habité par Fanny Elssler.

PARIS.

Le rédacteur en chef: CHARLES BLANC.

Le directeur gérant: EDOUARD HOUSSAYE.

IMPRIMERIE DE J. CLATE, REE SAINT-BENOIT, 7.

LA SOCIÉTÉ DES ARTS-UNIS

Nous devons à nos lecteurs, puisque nous l'avons promis, de leur faire connaître la société dont nous leur avons annoncé la constitution définitive et la prochaine installation. La pensée qui nous a fait fonder le présent recueil, est la même qui a porté M. Jame à fonder à Paris le Salon des Arts-Unis, comme il avait établi à Lyon une Société aujourd'hui brillante et puissante.

Il s'est produit, il y a quelques années, dans le domaine des arts, un de ces mouvements qui autrefois ne se produisaient qu'insensiblement, à la longue, et dont une seule génération ne voyait jamais le commencement et la fin. Le monde moral semble marcher aujourd'hui avec autant de rapidité que le monde physique, si bien que le même homme peut, de nos jours, assister durant sa vie à un grand nombre de transformations successives. Au XVIIIe siècle, il fallut environ quatre-vingts ans pour aller de Watteau à David, de Louis XIV à la Convention. Au xix, le spectacle a changé tant de fois que le même spectateur a pu voir le triomphe et la décadence de l'école de David, l'éclat du romantisme et son déclin, ensuite une période de pur éclectisme, et enfin un retour sérieux à la grandeur mieux comprise de l'art antique.

Ces changements sont le fruit des études dont nous avons pris le goût; ils ont été amenés, non plus peu à peu mais très-vite, par cette érudition éclairée et sentie, à la fois spéciale et générale, qui est le propre de notre temps. La critique, nous l'avons dit quelquefois dans ce recueil, a fait maintenant de tels progrès qu'elle est devenue presque un art. Précise, élevée, difficile pour elle-même, elle a su se garder à la fois de la déclamation et du pédantisme, de l'aridité et des phrases; elle a su entrer dans l'esprit des anciens maîtres, les apprécier d'une façon toute nouvelle, découvrir leurs principes, débrouiller leur histoire, classer leurs œuvres, et les admirer autrement que sur parole. Ces conquêtes de l'esprit français n'ont pas sans doute créé des sculpteurs ou des peintres, mais elles ont propagé l'amour et l'entente des arts du dessin, elles ont fait surgir très-rapidement et en très-grand nombre, des amateurs délicats, de ces

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