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communs, le jardin, les grilles, les portes et les armoires en noyer et ébène, les ferrures, les belles cheminées à haut manteau, les meubles et les tentures, tout a été composé par lui et exécuté sous sa direction.

M. Labrouste a rencontré là une de ces bonnes fortunes qui arrivent rarement dans la vie des artistes, même les plus éminents. Il a pu tout librement ordonner, avec richesse et avec goût, grâce à une libéralité généreuse qui fait également honneur à celui qui l'exerçait et à celui qui en a su profiter pour édifier une si splendide et si élégante demeure.

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EXPOSITION DE BORDEAUX

La Gazette des Beaux-Arts, qui se hâte parfois avec une lenteur prudente, annoncera en même temps, aujourd'hui, que l'exposition de Bordeaux s'est ouverte le 17 mars et qu'elle s'est fermée le 13 mai. Notre compte rendu arrive donc un peu tard, et le rhythme est rompu entre l'art et la critique qui, pour cette fois, ont cessé de marcher en mesure. Mais les choses ont été si vaillamment menées à Bordeaux!... Quelques semaines ont suffi à la curiosité locale pour examiner, comparer et conclure, c'est-à-dire pour faire des acquisitions nombreuses et presque toujours intelligentes. Mais avant de donner la parole aux chiffres, disons en peu de mots ce qu'était l'Exposition.

Pour qui a visité le Salon des Champs-Élysées, les petites exhibitions provinciales ne sauraient avoir l'attrait de l'imprévu. C'est la mode aujourd'hui d'envoyer dans les départements les œuvres qu'on a déjà exposées à Paris, et nous ne saurions, quant à nous, trouver à redire à un système qui, en agrandissant le cercle où rayonne la pensée de l'artiste, peut lui conquérir des adhérents nouveaux, et susciter, dans les esprits qui gravitent loin du centre vital, l'éclosion de germes heureux. Nous avons donc, sans surprise sinon sans plaisir, retrouvé à Bordeaux bien des œuvres que nous avions aimées ou discutées au Salon dernier. On y pouvait voir les Bords du fleuve Sebou, cet harmonieux paysage où la fantaisie d'Eugène Delacroix s'est égarée dans le bleu pays des rêves; le Soleil couchant, de Daubigny; l'Idylle, de Corot; le Marabout de Sidi-Brahim, de Devilly; les Bateleurs nègres, de Fromentin; les beaux dessins de Bida; les paysans d'Adolphe Leleux; l'étincelante Vue de Constantinople, Ziem; l'Étude de Chien, de Troyon, et bien d'autres toiles encore qu'il serait criminel d'avoir oublié. Ces pages solides ou brillantes occupaient naturellement, à l'Exposition de Bordeaux, les meilleures places, et s'emparaient de l'attention dès qu'on entrait dans les galeries si ingénieusement disposées par les soins de la Société des Amis des Arts. Il serait superflu, toutefois, de reproduire, à propos de ces tableaux, des opinions déjà for

de

mulées, et qui, imprimées l'an passé dans la Gazette des Beaux-Arts, ne méritent point l'honneur d'une seconde édition.

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A côté de ces œuvres connues se pressaient des toiles nouvelles ou du moins ignorées. Nous avons remarqué d'abord, -car il faut toujours commencer par les maîtres, la Vue prise aux environs de Pau, de M. Théodore Rousseau. Ce paysage appartient à la plus récente manière de l'auteur; c'est dire que l'exécution n'en est pas parfaite, peut-être parce qu'elle est poussée à outrance et démesurément attentive. De loin, l'ensemble garde son harmonie; la campagne est vaste et profonde; un gazon, plein de verdures lumineuses, un saule au feuillage grèle se détachant sur un ciel limpide : c'est là tout le tableau, et il est charmant; mais l'aspect général manque un peu de ressort, et, pour peu qu'on s'approche, on voit trop l'artifice de cette touche, partout pareille à elle-même, qui semble se complaire à compter des feuilles, à additionner des brins. d'herbe. M. Rousseau est visiblement atteint de cette maladie qu'Edgar Poë appelle le cherché trop loin, et dont les intelligents sont d'ailleurs les seuls qui peuvent souffrir. Mais c'est notre espérance que M. Rousseau, un instant troublé, retrouvera sa certitude et sa vaillance. Et il doit être bien entendu que, lorsque nous parlons des imperfections de détail que présente la Vue prise aux environs de Pau, c'est que nous comparons M. Rousseau à lui-même, et que nous nous souvenons à la fois et des paysages qui étaient exposés hier au boulevard des Italiens, et de ce pur chef-d'œuvre que l'honorable président de la Société des Amis des Arts de Bordeaux, M. Scott, nous a montré dans le cabinet où il a réuni tant de charmantes productions de l'École moderne. Quand on a peint ces toiles d'une vérité si intime et si pénétrante, d'une coloration si harmonieuse dans sa vivacité ou dans sa tendresse, d'une lumière si transparente et si chaude, on est un maître, et l'on ne saurait, même par quelques tableaux moins bien venus, perdre le rang qu'on a conquis.

Indépendamment de l'Idylle, poétique page déjà familière à la critique parisienne, M. Corot avait envoyé à Bordeaux deux tableaux plus récemment achevés, le Coup de vent et le Retour du marché d'Arras. Ces tableaux ou ces études, pour mieux dire, sont des œuvres assez difficiles à comprendre, et je crains bien que ceux à qui a manqué le bénéfice d'une initiation antérieure aient eu quelque peine à en goûter la saveur étrange et la poésie doucement barbare. Le Retour du marché d'Arras montre un lourd charriot traîné par quatre petits chevaux, d'un dessin fantasque. Sur les bancs du rustique véhicule s'entasse toute une famille de paysans; au fond, un clocher et quelques petits arbres détachent, sur un ciel clair, leur frêle silhouette. A ceux qui n'ont pas le secret de cette

peinture par à peu près, le paysage de M. Corot a dû paraître le chefd'œuvre de la bizarrerie ou l'erreur d'un pinceau en démence. Il nous a singulièrement touché. Et comment, tout en reconnaissant que la pensée de l'auteur n'est exprimée qu'à demi, tout en avouant que la nature du bon Dieu est mieux dessinée, comment ne pas se laisser prendre au charme enivrant de cette harmonie, où les tons crayeux s'associent aux pâleurs des bruns clairs, où les nuages blancs se mêlent aux feuillages gris, où toutes les nuances analogues se sont donné rendez-vous pour se fondre dans un ensemble plein de mystère et de finesse? Étrange peinture que celle de M. Corot! et qui donc en pourra jamais dire la séduction voilée, la fraîcheur calmante, le charme attendri?

Bordeaux a pu faire connaissance cette année avec un talent qui se renouvelle et qui grandit, M. de Curzon. Sa Chapelle du Couvent de SanBenedetto est un intérieur d'une limpidité parfaite; la Vue prise dans la vallée du Gardon est d'une unité de couleur, d'une simplicité et d'une justesse d'effet qui réjouissent l'œil en le tranquillisant. M. Français n'est qu'agréable dans ses Bords de l'Oise, une toile égayée et remuante, qui lui fera pardonner le fameux portrait d'un hêtre de grandeur naturelle qu'il avait exposé au dernier Salon.

Dans le Marzou à Narcy, M. Dauzats a surtout cherché la vérité, et il l'a écrite avec un soin délicat et patient. Mais, à ce paysage un peu endormi, il manque un rayon de lumière, un contraste, un je ne sais quoi qui donnerait du mouvement aux eaux de la rivière et ferait vivre les terrains et les herbes qu'elle arrose de son flot paresseux. M. de Tournemine a toujours de l'esprit; M. Lavieille a toujours du sentiment; son petit tableau des Environs de Barbizon, qui est daté de 1857, est d'une exactitude qui n'exclut pas le charme. Quant à M. Jacque, il a eu, comme peintre et comme graveur, un succès très-décidé à l'Exposition de Bordeaux. Jamais son pinceau n'a poussé aussi loin que dans ses Environs de Châlon-sur-Saône l'harmonie dans les tons clairs, la finesse dans les nuances blondes.

Les galeries qui viennent de se fermer ne montraient, on le devine, qu'un petit nombre de tableaux historiques. M. Robert Fleury avait envoyé une ancienne toile, peu digne de son pinceau, moins digne encore du sujet qu'elle représente, car ces deux portefaix aux lourdes tètes, qui semblent prêts à échanger des gourmades, ce sont, si vous me permettez de le dire, Titien lui-même et Michel-Ange en personne. La vulgarité triomphe avec éclat dans ce tableau, qui eût attristé Vasari, et qui calomnie, en les caricaturant, les deux nobles artistes dont nous avons tous le noble portrait gravé dans le souvenir. Un autre membre de l'Institut,

M. Léon Cogniet, a exposé une Tête de Lion, étude consciencieuse, peinture attentive et infiniment respectable; mais l'exécution de M. Cogniet manque de force et d'aplomb. Je ne sais si son lion a été amoureux, mais il a perdu ses griffes, il a oublié le rugissement. On jouerait aux dominos avec cette bête apprivoisée comme avec le plus débonnaire, des petits-fils de Munito.

Les tableaux de M. Gérôme sont toujours intéressants. Voilà bien longtemps déjà que nous avons quelque peine à nous entendre; nous savons toutefois ce que vaut son talent, peu robuste mais zélé, et nous tenons en grande estime son constant effort, sa patience acharnée. La petite toile exposée à Bordeaux, Louis XI visitant le cardinal La Balue dans la prison de Plessis-lez-Tours, ne date pas d'hier; elle a été exécutée en 1853, et elle appartient à M. Caïn. Le sujet, ingénieusement choisi, prêtait à la fantaisie d'un pinceau curieux. Le pauvre La Balue est dans sa cage, et le roi, accompagné d'un acolyte à mine patibulaire, vient voir son prisonnier, moins pour s'informer de ce qui lui manque que pour s'assurer que la cage est solide, et s'en aller ensuite prier tranquillement « dans le retrait où il dit ses heures. » M. Gérôme a peint finement les têtes de ses personnages, et, sans arriver à la solidité et à la largeur, son pinceau a montré, dans cet agréable tableau, moins de sécheresse qu'à l'ordinaire.

Les sujets empruntés à la vie familière ou rustique abondaient à l'Exposition de Bordeaux. Un artiste habile en ce genre, M. Brion, y avait envoyé une petite peinture d'une coloration énergique, les Sonneurs d'abeilles. Debout devant une ruche trop peuplée, une paysanne d'Alsace et son mari agitent à grand bruit des instruments empruntés à leur batterie de cuisine, et favorisent, par cet étrange concert, l'émigration des jeunes abeilles, dont l'essaim bourdonnant va bientôt prendre possession d'une ruche nouvelle. Le tableau de M. Brion exhale une saine saveur de réalité, l'exécution révèle une main ferme et sûre; vigoureusement poussés dans une gamme élevée, les tons s'enchaînent avec une harmonie bien soutenue. M. Brion a décidément trouvé le bon chemin.

La petite Ménagère est, nous le croyons, le début d'un peintre qui doit être fort jeune, M. Édouard Frère, le fils de l'artiste qui, sous un nom pareil, a signé tant de toiles intimes. Dans ce tableau, l'exécution est molle et indécise; mais il est curieux d'y étudier l'influence de l'exemple, et la loi, involontairement obéie, de l'hérédité. Le système de coloration, le choix du type, la modération du sentiment, les défauts même, tout, dans l'œuvre du fils, rappelle, à s'y tromper, le système un peu pauvre et l'inspiration un peu mesquine de M. Édouard Frère. Nous ne

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