Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

avec soin les morceaux de leurs délicates mosaïques et les teintent en dessous, avant de les appliquer sur le vernis; ils polissent ensuite le tout, étendent de nouvelles couches d'une laque incolore; alors le travail est parfait.

Le mélange de la nacre à de beaux dessins d'or sur fond noir, nous paraît être une pratique essentiellement japonaise. Quant aux mosaïques entièrement nacrées sur le même fond, elles ont été faites en Chine comme au Japon; la perfection du dessin, la beauté de la matière permettent seules de distinguer les objets de l'une et de l'autre provenance.

Une espèce particulière dans le genre, le laque burgauté sur porcelaine, semble être exclusivement japonaise, car nous ne trouvons dans les livres chinois, relatifs à la poterie translucide, aucune indication qui s'y rattache. Le curieux ouvrage traduit par M. Stanislas Julien cite bien les tsi-khi, vases en vernis laque'; mais Bridgemann explique qu'on doit entendre par là une porcelaine enduite de vernis tsi-chou poli et doré ensuite. C'est la poterie laquée, assez rare, dont les Hollandais ont essayé de faire des imitations en vernis grossier, criard de ton et d'effet; il faut se méfier de ces contrefaçons.

Le laque burgauté sur porcelaine est presque toujours d'une exécution irréprochable; le fond noir est poli sans trop de brillant, et adhère parfaitement au subjectile. Tantôt ce fond est posé sur le biscuit, tantôt il est sur la couverte, ce qui ne paraît nuire en rien à sa solidité. L'artiste choisit presque toujours pour sujet un paysage animé par quelques figures, des animaux ou des oiseaux; l'exécution est merveilleuse d'adresse et de talent des filaments nacrés, déliés et souples comme un trait de crayon, silhouettent les nuages ou les eaux; les arbres, les montagnes, les terrains sont rendus par des mosaïques diversement colorées de l'aspect le plus agréable; les plantes de premier plan, les bambous, les graminées, sont taillés avec une habileté annonçant la science du dessinateur. Quant aux animaux et aux oiseaux surtout, on pourrait dire qu'ils sont modelés comme au pinceau, tant la forme des pièces est bien combinée pour rendre les raccourcis et la fuite des parties, donner du mouvement à l'ensemble et exprimer les moindres détails. On peut voir à Sèvres un grand bol représentant une plaine basse et arrosée, fréquentée par des palmipèdes; c'est peut-être le chef-d'œuvre du genre. La collection de M. de Rougemont en renferme une répétition un peu réduite, et

4. Histoire et fabrication de la porcelaine chinoise.

2. Dictionary of the Chinese language.

3. Ce bol, décoré intérieurement de fines peintures, avait un analogue dans la collection Sallé.

[merged small][ocr errors][ocr errors]

les cabinets de MM. Guntzberger, Weddell, renferment des garnitures à paysages fort remarquables d'exécution, et d'une conservation irréprochable.

Un fait curieux à noter, c'est que les Japonais n'ont pas toujours employé la porcelaine de leur pays pour servir de base au travail burgauté. M. Ch. de Férol conserve un magnifique plateau marqué, en dessous, de six caractères qui signifient: Fabriqué pendant la période tching-hoa (1465-1487) de la grande dynastie des Ming. Cette inscription, aussi bien que la nature de la pâte et de la couverte, indiquent une pièce chinoise sortie des usines impériales. Nous avons rencontré un petit bol hémisphérique également inscrit, mais d'une date postérieure. Il porte: Fabriqué pendant les années yung-tching de la grande dynastie des Thsing. Cette période s'étend de 1723 à 1735. Pourrait-on supposer une commande faite par l'empereur de la Chine, à la condition d'y placer la marque habituelle? Nous ne le croyons pas. Selon toute probabilité, l'artiste laqueur s'est servi des vases à sa convenance, sans chercher quelle en était l'origine. Il est à remarquer même qu'une certaine épaisseur dans les parois de la porcelaine semble être une condition de réussite, car la plupart des burgautés sont exécutés sur l'espèce japonaise, dite de l'Inde, et jamais on n'en trouve sur celle appelée coquille d'œuf; les deux pièces chinoises mentionnées plus haut, avaient la solidité et le grain nécessaires pour supporter le travail du vernis; voilà pourquoi l'artiste les a choisies.

Les laques sur porcelaine ont toujours été rares, et ils le deviennent chaque jour davantage. Dans un avenir prochain, lorsque le goût sera complétement formé, ce produit japonais atteindra, nous le croyons, un prix excessif; il est beau d'aspect et plus intéressant que le bleu turquoise chinois, aujourd'hui démesurément cher. Il se classera certainement, avant peu, parmi les curiosités les plus recherchées. Déjà tous les cabinets de premier ordre en sont pourvus; la mode ne tardera pas à descendre de si haut.

Les burgautés sur bois sont assez difficiles à attribuer. Cependant, beaucoup de ceux exécutés en Chine se distinguent par une doublure métallique; les tasses, les coupes, les plateaux même, ont intérieurement un plaqué d'argent destiné à recevoir la première impression du liquide chaud. La solidité du vernis japonais permet de négliger cette précaution.

Les meubles modernes à incrustations de nacre se reconnaissent facilement; on n'y voit plus les fines mosaïques décrites plus haut; la peinture a cherché, dans la coloration violente des pièces, les effets obtenus par le travail patient et habile des artistes anciens. On pourrait dire des

produits chinois actuels qu'ils imitent à merveille les maladroites imitations faites ici d'après les modèles importés.

Nous devons mentionner, parmi les plus précieux spécimens de laque burgauté, un guéridon appartenant à M. Jules Boilly. La face supérieure, en vernis noir assez commun, est décorée d'une incrustation de style hindou parfaitement dessinée; le médaillon central, circonscrit par la bordure reproduite ci-contre, renferme un pavillon soutenu par des colonnes et surmonté de son fronton surbaissé, sous lequel s'abrite un personnage entouré de ses principaux serviteurs. Tout autour se détachent, sur une végétation serrée, des chasseurs montés sur leurs éléphants, des cavaliers conduisant leurs chevaux en main, des porteurs d'étendards et de parasols. Largement découpées dans la nacre, ces diverses figures ont une tournure hardie et fière, une allure fine dans laquelle on retrouve, pour ainsi dire, le décalque des plus belles miniatures indiennes. Mais, chose singulière, au bord extérieur de la pièce, l'artiste a incrusté une magnifique inscription persane de huit vers, dont le premier est copié en entier dans notre gravure. Pour répondre à la richesse du sujet central, le laqueur avait cru devoir entourer les caractères de fines arabesques d'or, aujourd'hui presque détruites par le temps.

Le revers est en laque rouge à dessins d'or mêlés de noirâtre; les motifs principaux sont des palmes richement composées entre lesquelles s'épanouissent de fins bouquets ornemanisés, où la tulipe persane se répète fréquemment; assez grossier de pâte, ce laque a beaucoup souffert de l'humidité et a pris l'aspect granuleux d'un maroquin. Sous ce rapport, il participe assez des caractères attribués par M. Natalis Rondot aux vernis noirs de Sumatra'; mais la science du dessin, la beauté des incrustations de burgau, dénotent un produit d'art bien supérieur à ceux des îles de la Sonde, et nous y reconnaissons le style de la belle école indopersane, si féconde en meubles incrustés, en sculptures d'ivoire et de nacre, en tissus merveilleusement brochés.

Notre opinion à cet égard est confirmée par une magnifique boîte de mariage, acquise à Constantinople par M. Séchan; ce meuble, d'origine persane certaine, est vernissé en noir et incrusté de légendes, de bouquets et d'ornements burgautés; certains médaillons, couverts d'arbres touffus, semblent dessinés par l'artiste qui a fait le guéridon de M. Boilly; tout le reste est de pur style persan. Ici encore, les doublures sont en vernis rouge grossier, sans décor.

4. Cf. le mot laque du Dictionnaire du commerce.

2. Nous en exceptons, bien entendu, les armes damasquinées.

[graphic][merged small][merged small]

Le Musée du Louvre renferme un cabinet dépourvu de ses portes, que nous attribuons à l'école hindoue; toutes les surfaces en sont couvertes d'une pluie de burgau, mais les bordures ont un dessin régulier du plus beau style et bien différent des bordures chinoises.

LAQUE ROUGE CISELÉ, dit de Ti-tcheou. Ce huitième genre est composé de produits chinois d'une rare élégance et d'un remarquable travail. Nous ne pouvons mieux faire que d'en emprunter la description à M. Natalis Rondot, toujours si clair et si exact dans ses dissertations techniques : « Des vases, des coupes, des coffrets, des boîtes de toutes gran« deurs et de toutes formes, faits de bois, sont recouverts d'une pâte « très-fine, colorée en rouge par le vermillon. Elle est faite de filasse fine « d'urtica nivea, de papier de bambou, de chaux de coquilles et d'autres "matières, le tout bien battu, bien lié avec de l'huile de camellia ou de dryandra. Cette composition acquiert une grande dureté ; on la découpe « et on la sculpte avec une délicatesse merveilleuse. La vernissure est «< l'objet d'un travail particulier, qui est resté secret. Ces laques, qui << portent le nom de Ti-tchéou, circonscription comprise dans le départe<< ment de Tsi-nan-fou, province de Chan-toung, sont fabriqués principa<«<lement dans le département de Houang-tchéou, province de Hou-péh '.»

[ocr errors]

Le savant délégué du commerce fait observer dans son article que l'espèce dite de Ti-tchéou se vend un prix élevé, même en Chine, et cela se conçoit d'après la recherche du travail, l'abondance des ornements et le fini des détails; on ne peut mieux comparer ces sculptures en pâte qu'aux plus remarquables bas-reliefs d'ivoire ou de nacre. Les ouvriers employés à la ciselure du laque rouge ont tous été se perfectionner dans leur art par un séjour plus ou moins prolongé dans les ateliers japonais; aussi voit-on fréquemment la vannerie fine et dorée s'associer à leur tabletterie. Le laque de Ti-tchéou, bien que coloré par le vermillon, est beaucoup plus foncé que le laque rouge du Japon à dessins d'or; la vive coloration et le brillant des parties plates est même un moyen de distinguer les anciennes fabrications des produits actuels; ceux-ci, assez pâles et mats, ont la teinte du corail nouvellement ouvré.

Deux remarquables vases de la collection de M. le comte de Rougemont, montrent le travail et le fini des laques de Ti-tchéou sur une matière brunâtre ou chamois foncé. Est-ce une variété de l'espèce rouge, un caprice d'artiste? Faut-il croire à une imitation du laque ciselé dans un autre centre de fabrication? Notre avis, partagé d'ailleurs par l'éminent connaisseur auquel les vases appartiennent, est qu'on doit reconnaître ici

4. Mot laque du Dictionnaire du commerce.

« VorigeDoorgaan »