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nous permettrait de passer en revue les plus vivantes écoles de Paris : M. A. Bruyas y a apporté une grande partie de sa galerie. Cette collection, formée avec une vive passion de la peinture dans ses données les plus novatrices, avec un goût d'autant plus méritoire et original, qu'il est en contraste avec les habitudes bourgeoises de son milieu, mériterait un examen séparé, auquel la Gazette des Beaux-Arts pourra un jour donner place dans sa série de travaux sur les galeries privées. Je dois me restreindre aux proportions de l'Exposition régionale.

Un petit nombre d'artistes parisiens se sont souciés de paraître à la distance où nous sommes, huit cents et tant de kilomètres, pour ne parler que du chiffre. On leur doit beaucoup de reconnaissance, n'eussent-ils envoyé que des reliefs. Parmi les peintres d'histoire, M. Hébert seul a ici un petit tableau, le Soir dans les bois. Dans la pénombre affectionnée par ce peintre, on distingue, à leurs regards creux plus encore qu'à la lumière qui vient frapper la friperie historique du costume, un galant qui aide une jeune fille à tirer le seau d'un puits où elle s'était attardée. Deux petits sujets de genre, de M. Gerbaerlet, nous montrent comment, avec un minois parisien d'aujourd'hui et un habit d'autrefois, touchés d'un rayon de lumière, on peut attirer tous les regards. Les paysagistes sont plus nombreux : MM. de Curzon, Berchère, Balfourier, Didier, Chauvel, Bellel, nous ont envoyé de belles pages, où paraissent la grandeur et la vérité que l'on met aujourd'hui dans l'étude de la nature: Vues d'Athènes et d'Ostie, Plaines du Sinai et de Thèbes, Plages du Var, Canal d'Amsterdam, Lavoir de Normandie, Forêt de Fontainebleau, me plaisent ensemble et sans que j'analyse leurs façons diverses, parce qu'elles ne rapetissent ni n'altèrent ce qu'elles voulaient représenter. M. Doré a six ouvrages, presque tous de sites alpestres; ce ne sont pas les seuls qu'on eût pu exposer, car cet artiste, dont l'illustration sur bois a fait connaître à tous la prodigieuse faculté d'invention, compte ici de nombreux admirateurs. Un heureux hasard nous a fait avoir deux portraits de M. Gustave Ricard. Bien qu'ils n'aient pas les qualités d'expression de certaines têtes qu'on vit à l'Exposition universelle, ils montrent les fiers procédés d'une exécution qui brille ici par bien des

contrastes.

L'école qui paraît ensuite avec le plus de faveur, est celle de Lyon; ce n'est pas non plus par des peintures historiques ou par des sujets de genre qu'elle se fait remarquer, à part une étude de M. Bellet-Dupoisat, Marguerite à l'église. Mais nous avons la phalange de ses paysagistes, qui forment déjà deux générations distinctes par leurs manières : l'une, celle des jolis sites, avec M. Ponthus-Cinier, qui brillait déjà à nos

anciennes expositions, et l'autre des sites réels, fussent-ils moins agréables, qui est représentée par M. Appian. Nous avons ensuite le groupe nombreux de ses fleuristes, qui resplendissent sur toutes les parois. La dernière exposition de Lyon avait déjà tous ces ouvrages, et l'on en a parlé dans cette Revue d'une manière trop flatteuse pour que j'aie rien à y ajouter.

M. Raoult, de Grenoble, qui s'était aussi fait remarquer à Lyon, a ici deux petits tableaux d'un genre varié. La Rêverie, c'est un rayon de lumière dans un fond de tapisseries rougeâtres, qui vient caresser le sein d'une odalisque couchée dans ses draperies, la tête renversée dans une demi-teinte dorée. Les Saltimbanques; au carrefour d'un village du Dauphiné trois pîtres font la pyramide devant un cercle de paysans; le paillasse tend son bonnet vers la croisée d'une hôtellerie; une jeune fille se dresse pour regarder; une jeune mère auprès du berceau de son poupon reste appliquée à sa couture, malgré l'invitation qui lui est faite par une vieille de regarder le tour. C'est toute une population, comme on voit; mais l'arrangement y est, le costume aussi : le ton a de la vivacité; avec un peu plus de netteté dans les figures, d'air dans les plans, de pays dans le fond, on aurait un excellent tableau.

Marseille, dont l'école a été signalée dans la Gazette des Beaux-Arts par un piquant article de M. Lagrange, a envoyé ici quelques-unes de ces productions frappées du coup de soleil: une Porteiris, par M. Durangel, qui dresse ses beaux bras sur un fond de ciel bleu et de mer plus bleue encore; des marines et des paysages par M. Souchet et par M. Simon, peints avec une vive intelligence de l'effet, laissent toutefois désirer plus de puissance de travail. Le chef de cette école, M. Loubon, a fait le Soir dans les Marais pontins et les Joueurs de boule. Il me semble que le soleil du pays inspire mieux ce peintre que le soleil couchant de l'Ita lie; mais il est toujours plein d'accent dans sa manière de rendre la nature, et cet accent, en bon provençal, fait sonner ses RR.

Nîmes alimente un certain nombre de peintres; mais ils sont loin de faire école. M. Boucoiran, directeur de l'école de dessin, semble continuer les traditions de l'ancien directeur, Perrié, qui poussa le davidisme jusqu'à porter dans les rues de Paris, vers l'an VIII, l'habit d'Agamemnon. Il a peint la Mort de l'empereur Claude, en expliquant son tableau par un passage de Tacite, et Flore sur des nuages, semant des fleurs au milieu des amours. M. Salles et M. Doze n'ont pas tant de prétentions; ils aspirent au suffrage des demoiselles et n'expliquent leurs sujets qu'avec des tirades élégiaques : le succès ne leur manque pas. Il y a plus de portée dans M. Félon: il est venu de Bordeaux et de Paris, pour sculpter et pour

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peindre des figures religieuses et allégoriques. Il a exposé, en même temps que les moulages et les dessins de ses statues et de ses vitraux, deux tableaux le Réveil au déclin du jour, scène arlésienne; la Femme du Pêcheur veillant son enfant, scène au bord de la mer, près de Nice. Avec un bagage de maître, M. Félon conquerra-t-il en province la réputation qu'il n'a point tout à fait atteinte à Paris? Je crains qu'il ne lui manque le grain d'originalité qui fait primer en tout lieu, même avec des talents plus bornés que le sien. Ses deux petits tableaux sont bien composés, le costume provençal y est employé dans sa noblesse; et pourtant ni le dessin, ni la couleur ne s'y dégagent d'une enveloppe pesante et froide. Si l'on devait juger par des esquisses de ses compositions monumentales, on n'y trouverait encore que l'agrément de figure et d'attitude qui avait fait quelque succès à l'artiste, à ses débuts comme dessinateur lithographe.

La ville de Montpellier, dans son riche budget, fait aux beaux-arts une part minime et qui n'est pas en rapport avec l'importance de ses institutions libérales, ni même avec les intérêts bien entendus de sa prospérité. Par suite de divisions fâcheuses, le Musée est privé de toute acquisition, et voué au rebut des envois du gouvernement. Il est vrai que l'administration entretient à Paris un pensionnaire pris parmi les lauréats de ses écoles; mais ceux de ces élèves qui font fortune ne se souviennent plus de leur ville natale. Il lui reste des portraitistes de profession, des dessinateurs et des paysagistes d'affection, des amateurs et des apprentis. Ils sont tous venus à l'exposition régionale; qu'on se rassure, je ne parlerai que du plus petit nombre.

Que dirai-je de M. Matet, qui ne soit su ici, et même à Paris, où ɛes portraits ont figuré plusieurs fois avec honneur? Dans la Convalescente en prière, qui est le portrait d'une vieille femme tenant son chapelet des deux mains, on trouve la plus grande somme de son talent, une puissance extraordinaire d'exactitude, que je ne saurais comparer qu'à celle du peintre de Dresde qui s'est acquis dans ce genre une réputation unique, Balthazar Denner. Dans ses portraits, la personne paraît comme figée; mais enfin c'est la personne, du moins son visage et ses mains quand elle a voulu en faire les frais. M. Monceret a exposé de très-grands portraits qui sont faits sans difficulté et qui plaisent beaucoup aussi aux personnes qui s'y voient représentées.

M. Michel a une vocation pour la grande peinture; ce serait conscience de ne pas le soutenir, malgré la défaveur avec laquelle on l'a traité en plaçant ses tableaux au plus haut des murailles. Coriolan chez les Volsques est trop près d'un prix de l'École des Beaux-Arts pour en tirer

quelque pronostic; mais Saint Christophe portant l'Enfant Jésus montre des études intelligentes, un sujet banal relevé par quelque expression et par le soin des détails.

M. Francis de Saint-Étienne a des dons heureux pour un paysagiste; il voit la nature avec originalité et la rend d'une manière accentuée, sans éclat, mais sans discordance. La Vue de Séville, avec un puits à roue tout primitif, est réussie au point de se faire distinguer partout. L'habileté de main de ce paysagiste paraît encore mieux dans ses eaux-fortes. A côté des maîtres du genre: Jacque, Bléry, Marvy, Mérion, Flameng, je n'en connais pas qui manie la pointe avec cette légèreté et cet esprit'.

Il est venu à Montpellier beaucoup de peintres des localités voisines, dont il peut être intéressant de constater le savoir-faire, comme moyen terme de l'éducation de la contrée, mais on peut attendre pour en parler qu'ils aient franchi la zone nébuleuse où flottent tant d'artistes bien intentionnés.

S'il y en a qui mériteraient une mention, je n'ai pas réussi à les voir, au milieu de ces six cents tableaux, dont on a fait quatre et cinq étages prolongés de défilés obscurs, sans choisir toujours les plus mauvais pour victimes de cette hécatombe. J'ai regretté de trouver là, à l'aveuglette, les paysages de M. Gresy, dont la peinture ne plaît pas à tout le monde, mais qui témoigne encore par bien des travaux, de l'amour qu'il porte à la nature. Il y a de lui, au musée de Nimes, un paysage qui rend avec le cachet de la vérité l'aspect des Garriques de la Provence.

La salle des dessins et des aquarelles n'est pas moins bien garnie que les autres. Il y a là des esquisses précieuses de peintres regrettés, Marilhat et Papety; des dessins de M. Eugène Devéria, de M. Ferogio; des fleurs de madame Viguier et de madame Stephen. Il y a, sans qu'on puisse les voir, un trait de M. H. Flandrin, une mine de plomb de M. Harding et des petits sujets de Richter. M. Jules Laurens, outre quelques-unes des lithographies où il excelle, a mis Un Intérieur d'Auvergne, finement peint à l'aquarelle. M. Laurens aîné ne s'est point contenté de ses aquarelles, qui font si bien valoir les beautés pittoresques de notre campagne; voulu représenter les huit départements qui forment la région agricole par autant de jeunes filles différentes d'air, de costume, et tenant chacune un fruit de leur pays. Leurs figures délicates et même sentimentales sont faites pour plaire, mais j'avoue qu'en curieux j'aurais désiré que le dessinateur eût accusé avec plus de réalité les physionomies et les vête

1. Nos lecteurs pourront juger eux-mêmes du mérite de M. de Saint-Étienne par charmante eau-forte que nous publions ici.

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