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LA VENGEANCE PUBLIQUE TRAINANT LE CRIMINEL DEVANT LA JUSTICE
D'après le dessin original de Prud'hon.

s'annonce et s'explique de lui-même et présente en même temps la cause et son effet.

<«< Figurés-vous la vangeance publique, Némésis à l'aile de vautour, chargée de la poursuite des coupables, traînant au pied du tribunal de la justice le crime et la scélératesse la justice armée du glaive, entourée de la force, la prudence et la modération, prononce l'arrêt foudroïant qui les frappe de mort. La victime ensanglantée du crime, le poignard dans le sein, gissant sans mouvement sur les marches du tribunal même, est sous les yeux de l'homicide: il est saisi de crainte et frissonne d'horreur!..... Ajoutés, pour sentir l'effet de ce tableau terrible, la présence des juges, l'arrivée des coupables, l'éloquence mâle des orateurs, les émotions diverses peintes sur les visages d'une assemblée nombreuse; et vous avourés qu'il serait difficile à l'imagination de n'être pas vivement frappé d'un tel ensemble.

« Ce tableau, composé de huit figures, de la largeur de dix pieds, sur huit de hauteur, destiné pour la salle principale du tribunal criminel, serait du prix de quinze mille fr. «Il serait payé por tiers, de cinq mille francs chaque, à trois époques différentes; la première à la présentation de l'esquisse; la seconde lorsque le tableau serait ébauché ; la troisième lorsqu'il serait entièrement terminé.

« Je me charge de le finir dans l'espace de dix mois, à dater du jour de la présentation de l'esquisse. Dans l'emplacement de la salle du bas qui est de la hauteur de buit pieds, sur six de largeur, on pourrait y mettre un fait historique ou autre analogue à la justice criminelle, et subordonné ou sujet du haut.

« Le sujet arrêté; on en déterminerait le prix; et il serait exécuté de suite aux mêmes clauses que le précédent.

« Pour ce qui me regarde personnellement, vous devés croire que l'amour de l'art, et le désir de me distinguer ne me feront rien négliger de ce qui pourra contribuer à sa perfection, et le rendre digne de l'autorité qui m'en a chargé.

<< PRUD'HON ptre.

Quelques jours après que cet intéressant autographe, dont nous avons religieusement respecté l'orthographe, tombait en si bonnes mains, on adjugeait à l'hôtel Drouot, pour 46,200 francs, quatre panneaux que P. Prud'hon avait peints pour décorer un appartement de M. Vander Marck, l'agent de change. Ces morceaux devinrent ensuite la propriété de M. de Panis, et plus récemment encore ils ornaient les murs d'un salon chez M. de Lapeyrière.

Les quatre saisons sont représentées par quatre jeunes femmes, un peu plus petites que nature, voltigeant avec grâce sur un fond d'un ton jaunâtre uniforme, et d'un effet très-sobre.

Le Printemps, une jeune fille légèrement voilée jusqu'à mi-corps d'une gaze blanche, et ceinte d'une écharpe lilas, tient dans ses deux mains une poignée de lilas et de roses, Une couronne de petites fleurs bleues retient ses cheveux blonds. Elle est mince, et frêle, gracilis, comme dit le poëte latin.

L'Été porte une gerbe sous chaque bras. Sa tête brune s'enlève au-dessus de la draperie Bleu transparent, qui, après avoir caressé ses épaules, cache l'extrémité de ses jambes.

En tunique transparente, liée par une ceinture jaune, autour de laquelle flotte une écharpe marron, l'Automne, renverse sa tête alanguie dans une ivresse divine, et presse sur ses lèvres une grappe de raisin. Le lierre s'enlace dans ses cheveux et s'enroule autour d'une branche morte qu'elle tient à la main.

Enveloppée jusqu'au menton dans une robe brune, l'Hiver, ramène frileusement sur son sein ses bras pris dans un manteau couleur ardoise.

Ces quatre figures voltigeaient avec un mouvement souple et mystérieux au-dessus d'attributs indiqués avec une sobriété qui est un trait de génie sous le Printemps, des primevères et des boutons d'or; sous l'Été, des bluets et des épis; sous l'Automne, un cep de vigne, et sous l'Hiver, une branche d'arbre dépouillée, à demi cachée sous la neige. Chacune d'elles emportait avec elle la poésie de la saison, et celle des âges de la vie qui n'en sont que l'image tristement continuée. Mais dans la riante imagination du peintre, ces symboles conservaient les grâces d'une jeunesse et d'une beauté répétées. Tels les anciens représentaient Gorgone avec de beaux traits, sous sa chevelure formée de serpents enlacés.

<< Ce sont cependant des grisettes de la Restauration, mais dessinées par un peintre d'Athènes », nous disait M. Paul de Saint-Victor. On ne saurait plus finement exprimer le côté familier du talent de Prud'hon.

VENTE RAFFET

Les ventes qui se font après la mort des artistes ont toujours une physionomie mélancolique, qui nous réconcilie avec toutes celles que nous sommes obligé de suivre pour l'édification de nos lecteurs. S'il s'y fait des folies, ce sont de ces bonnes folies qui réconcilient le cœur avec l'argent. Le public n'a plus cette physionomie froide de marchand ou d'amateur à l'affût d'un bon coup. Les élèves du mort viennent, avec ses amis, pour lui donner une sorte d'adieu fraternel; ses admirateurs accourent pour se disputer ses dernières pensées, et l'on en a vu, à cette vente, qui avaient quitté le fond de la Touraine pour disputer loyalement à leurs émules les croquis, les peintures et les eaux-fortes du maître regretté. C'est là encore que la critique prend à la hâte ses dernières notes, et la foule ne parle qu'à voix basse, comme si elle avait été conviée dans un atelier pour une exposition posthume.

Le Catalogue des dessins, aquarelles, études peintes, croquis, armes, costumes de Raffet, avait été rédigé par M. Fr. Petit, et était précédé d'une Notice touchante par un vieil ami de Raffet, M. Auguste Bry. M. Vignères avait aussi résumé ses travaux en quelques lignes, dans l'entête du Catalogue de ses lithographies et de ses eaux-fortes. C'est un exemple sur lequel nous ne saurions trop insister. Ces quelques mots de biographie, écrits simplement sous la dictée de la famille, seront dans l'avenir des matériaux irrécusables, et nous voudrions que l'on en agît toujours ainsi après la mort de tous les artistes dont on va disperser les études.

Nous avons remarqué parmi les acheteurs: M. Cain, le sculpteur, et M. Mène, qui possède un bel œuvre de Charlet; M. Giacomelli, qui a réuni l'œuvre de Raffet le plus complet que l'on connaisse; M. Gigoux et M. Mouilleron, son élève en lithographie; M. Barye, M. Gérôme, M. Hippolyte Bellanger, un des plus vaillants compagnons d'armes du défunt, et M. le général Mellinet, que l'on est sûr de rencontrer à ces solennités de l'intelligence et du cœur.

Les peintures de Raffet étaient peu nombreuses. Un vieux modèle, le père David, qui vient de mourir, il y a quelques jours, à l'âge de cent quatre ans, l'avait séduit par sa tournure naïve et soldatesque. Il avait fait revêtir l'uniforme des volontaires de la République au vieux soldat barbu qui avait tiré, après MM. les Anglais, à la bataille de

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Fontenoy, et il avait cherché d'après lui des études de vêtement et de mouvement. Cinq études sur la même toile se sont vendues 1,650 fr. Deux Soldats de la République, l'un de face, l'autre de dos, 500 fr. · Deux autres Soldats, l'un armant son fusil, l'autre l'arme au repos; peinture chaude, mouvement hardi et pittoresque, figures campées d'aplomb; ont été adjugées pour 620 fr., et 200 fr. un autre Soldat apprêtant son arme. Les autres études se sont vendues relativement bien au-dessous de ses aquarelles. Nous félicitons les possesseurs de leur intelligente hardiesse.

Les études peintes de chevaux et d'armures ont été presque données, et c'est là une grande injustice. Elles étaient dessinées avec précision, étudiées avec goût et souvent peintes avec beaucoup de vigueur; mais on sentait que, si Raffet savait dessiner scrupuleusement le cheval qu'il avait sous les yeux, il n'avait point le sentiment du cheval. Il ne savait ni choisir son modèle, ni atténuer les défauts de conformation, ni donner à son étude l'allure et l'entrain. Une bonne étude de Cheval gris pommelé à l'écurie, d'un pinceau plus libre et d'une pâte plus hardiment travaillée que les autres, a atteint 260 fr.

Un jour Raffet obtint, à l'Hôpital Militaire, la tête d'un jeune soldat qui venait de mourir. Il la garda trois jours entiers dans son atelier, la peignant sous toutes ses faces: fichée sur une baïonnette, posée sur un plat, reposant sur un linge; tantôt nue, avec ses cheveux bruns crêpés, tantôt coiffée d'un bonnet rouge, les yeux éteints, les traits flétris, la bouche pâle, ou encore avec les expressions tragiques de la douleur ou de l'horreur. Il voulait, je crois, s'en servir, pour une scène de massacre, et il eut le courage de garder son horrible modèle jusqu'à ce que la décomposition l'eut envahi de ses tons sinistres. Ces études, trop froidement étudiées peut-être par un peintre plus intelligent que passionné, ont difficilement trouvé un acquéreur. C'est qu'elles n'étaient point échauffées par cette exécution grandiose qui fait pardonner aux Espagnols les détails les plus repoussants. Nous connaissons, dans le cabinet de M. Claye, notre habile imprimeur, un monceau de membres désarticulés qui jette l'âme dans l'émotion la plus profonde; mais on oublie vite l'horreur du sujet devant le sublime de l'exécution. C'est une étude de nature morte (le mot est bien juste cette fois), peinte de verve, par Théodore Géricault, dans une salle de dissection. C'est un chef-d'œuvre, parce que l'on sent, à ne point s'y méprendre, que Géricault était ému lui-même en présence de «< ce je ne sais quoi qui n'a plus de nom dans aucune langue. >>

Les dessins et les aquarelles ont été vivement disputés. Notre collaborateur Paul Mantz dira bientôt aux lecteurs de la Gazette leurs qualités de verve et de témérité. Ils avaient presque tous l'intérêt du croquis pris sur l'heure, à main levée, l'album appuyé sur le genou. Les compositions démontraient mieux qu'un livre l'extrême facilité de conception de Raffet. Les belles lithographies pour l'expédition de Constantine ou le voyage en Crimée, se sont formulées du premier coup dans son cerveau. Il a jeté sur le premier papier venu un croquis au crayon, ou promené son pinceau mouillé d'aquarelle, et cette ébauche déjà pleine d'effet, mais dont les masses et le mouvement général étaient à peine indiqués, lui ont servi pour mettre au net ses planches, où les générations qui vont venir iront étudier le vrai troupier de 1830 à 1850.

L'Assaut de Constantine, et l'Arrivée de la première colonne sur la brèche. 305 fr. chacun. Ça sent la poudre, nous disait spirituellement un amateur de ces croquis transparents et fins. Une Rue de Constantine (1838). 460 fr. La Bataille de Novare (1849); une route en perspective; au premier plan, un bataillon de piémontais arrivant au pas de course; l'horizon, une ligne de fumée. 330 fr. Champ de Bataille de Novare. Des paysans jet

tent dans des trous les cadavres autrichiens, croquis d'une simplicité terrible. 540 fr. On sait que Raffet allait alternativement, avec le passe-port de son talent, dans les deux camps ennemis. C'est ainsi, m'a-t-on dit, que le matin de Solferino il prit tous ses croquis dans le camp français, et que le soir il exécuta sa retraite avec les Autrichiens en déroute. Les études de Bersaglieri, d'Autrichiens, se sont vendues de 40 à 100 fr. Une suite des plus réussies, surtout comme valeur de tons d'aquarelle, de costumes italiens, paysans et paysannes, de 60 à 100 fr. Nous ne pouvons entrer dans le détail des prix de ses immenses études; il y avait des Garibaldiens (1849), des Gitanos, des Tatares, des Arabes, des Hongrois, des Toscans, des Études d'armures faites à Vienne en 1856, avec le soin qu'il portait dans les moindres détails. Nous aurons sans doute de nombreuses occasions d'y revenir dans les ventes de l'hiver prochain. Notons cependant qu'un portrait de Garibaldi à cheval a été adjugé pour 145 francs. Un mauvais plaisant a demandé à haute voix dans la salle si c'était pour le compte du roi de Naples. Nous n'avons pas bien entendu la réponse du commissaire-priseur, M. Delbergue-Cormont.

Une belle cuirasse, percée au cœur par un biscaïen, et qui avait été ramassée sur le champ de bataille même de Waterloo, par un ami de Raffet, avec un clairon, a été abandonnée à 16 francs. Mais, en revanche, son chevalet a été poussé jusqu'à 127 francs.

L'espace commence à nous manquer, et nous aurions encore bien des choses à dire sur la vente de ses lithographies et de ses eaux-fortes. Mais M. Giacomelli nous promet pour bientôt un catalogue exact et raisonné qui formera le pendant du catalogue de l'œuvre de Charlet, par M. le colonel de La Combe. Nous signalerons seulement les pièces principales, ou plutôt les raretés qui ont paru, car la famille de Raffet ne s'était, je crois, séparée que des doubles.

LITHOGRAPHIES. Prise d'Alger, combat de Français contre les Arabes; essai fort rare, non terminé et non publié. 44 fr.

Prise d'Alger, même composition avec variante; dimension réduite avec tête de grenadier dans la marge, à gauche; très-rare. 44 fr.

Portrait de M. Dupont, naturaliste. 40 fr.

Retraite du bataillon sacré à Waterloo, 48 juin 1815. 60 fr. On sait que la pierre de cette composition épique s'est brisée vers la cent vingt-cinquième épreuve. Le croquis original, au crayon noir, avec la mise à l'effet, sans détail accusé, s'était vendu la veille 455 fr.

Le Réveil. Première épreuve, sur chine, avant les vers, avec le filet à 5 millimètres du bord du sujet; très-rare. 34 fr.

Maule, colonel des highlanders, 79 régiment; Gibraltar, 1847. Épreuve sur chine avant la lettre. 62 fr.

Le baron Alfred de Marches, sur son lit de mort; Rome 1849. Sur chine, rare. 24 fr. Études de lavis et d'estompe, 1842. Quatre pièces fort rares avec le portrait de Gide, son ami, et l'imprimeur de ses lithographies. 25 fr.

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Sauvage, Tête de mort; Scène de cabaret; Scène populaire, etc. Trois

pièces très-rares. 15 fr.

Affaire Saint-Roch, 13 vendémiaire 1795, avec croquis dans les marges. Très-rare. 16 fr. Ces petites pièces avaient été gravées par Raffet pour une Histoire de la Révolution. Elles furent jugées trop peu faites par l'éditeur, qui les fit copier au burin avec une faiblesse qui défigure l'œuvre originale.

Bataille de Jemmapes, avec croquis dans les marges, très-rares. 19 fr.

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