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une main chinoise, ou, en d'autres termes, un simple changement dans la coloration de la pâte habituelle. D'un autre côté, un sceptre classé dans le même cabinet semble trancher la question; laqué à plusieurs couches de couleurs diverses, il est ciselé dans la pâte rouge; mais les fonds découverts mettent à nu un laque jaunâtre de l'effet le plus élégant.

Nous avions vu fréquemment le laque ciselé sur des tasses en bois à doublure métallique; le cabinet de M. de Rougemont l'offre en outre sur porcelaine. Rien n'est plus joli que cette association; la rareté de ce genre de travail tient sans doute à sa difficulté.

LAQUE SALVOCAT. Nous formons un neuvième genre de ce produit, assez difficile à définir et peu commun dans les collections. A la couleur et à la perfection près, on pourrait le confondre parmi les laques ciselés; en effet, les grandes surfaces montrent toujours un fond en demirelief, soit à bâtons rompus, soit à mosaïques, sur lequel s'enlèvent, par relief plus considérable, des fleurs, des oiseaux et surtout des inscriptions correctement écrites; un cadre poli environne chaque compartiment. En examinant le travail avec soin, on remarque pourtant moins de netteté dans les angles de la ciselure, moins de fermeté dans le contour des objets, que sur le laque de Ti-tchéou; il semble plutôt voir une impression, un moulage fait dans un creux, qu'une sculpture refouillée à l'outil. La couleur du salvocat est un chamois plus ou moins foncé, passant au brun dans les parties polies.

D'après les termes de certains catalogues, on pourrait voir dans le mot l'indication d'une couleur spéciale; nous lisons notamment, dans le Guide du cabinet royal de curiosités de la Haye : « 145. Une boîte à toi«<lette ronde de laque, dont l'extérieur est de salvocat et l'intérieur << de noir. >>

Les énonciations du catalogue de la collection de M. Delprat, ancien fermier général et commissaire du commerce du Japon, donnent à penser qu'il existe des salvocats plus ou moins anciens, et que tous sont fabriqués à Nippon.

Nous avons vu trop peu de pièces de ce genre pour discuter la question; si l'on doit entendre par salvocat une pâte chamois à reliefs, ce que nous avons dit plus haut prouve qu'on en a fait en Chine; si le nom s'applique à une espèce moulée très-différente du laque de Ti-tchéou, nous en avons rencontré quelques spécimens assez probablement japonais.

LAQUE DE COROMANDEL. Ce dixième genre a certainement sa raison d'être, si l'on considère les espèces dont il est formé; mais son nom semble assez mal choisi. La côte de Coromandel est depuis longtemps l'un des centres les plus importants du commerce européen ; Calcutta,

Pondichery, sont des entrepôts de premier ordre où la marchandise orientale abonde, sûre de rencontrer un placement facile. Quant à la fabrication du littoral, elle est nulle ou porte sur les poteries ou les étoffes les plus grossières. A cet égard, nous avons le témoignage d'hommes instruits par l'expérience des voyages et la connaissance des objets d'art, MM. Natalis Rondot et Tastet.

Qu'est-ce donc que le laque de Coromandel? Serait-ce un vernis orné de sujets empruntés à la religion ou aux mœurs de l'Inde? Nullement. En général, le travail, peu fini, s'applique sur une tabletterie commune, et le style rappelle exclusivement les ouvrages de la Chine et du Japon. Le plus souvent, sur un fond noir sans épaisseur, se groupent des rochers, des bouquets, des oiseaux, profondément imprimés en creux dans le bois, et circonscrits par des lignes formant relief sur le vernis noir; ces objets divers sont dorés ou colorés en teintes naturelles assez vives; des pivoines, des chrysanthèmes se font remarquer par l'incarnat ou la blancheur éclatante de leurs pétales. Nous avons vu des paravents dont les feuilles nombreuses montraient des Japonaises au splendide costume, se promenant sur les méandres d'une route tracée dans un paysage sans perspective, ou traversant des ponts conduisant à la maison au toit surbaissé, aux galeries à jour, ornée de stores retenus par des glands. La magnifique armoire du cabinet des médailles, à la Bibliothèque impériale, porte des sujets hiératiques chinois dans le style et avec les couleurs des vieilles porcelaines de la famille verte'. Des cachets circulaires renfermant la grue éployée, rappellent, même sur les pièces de style chinois, les habitudes armoriales du Japon.

D'autres fois sur un vernis rouge, la décoration, toute de relief, est en or un peu mat 2.

En considérant ce travail sans caractère tranché, évidemment inspiré par les deux principales écoles de l'extrême Orient, on doit chercher l'atelier d'où il est sorti, dans le voisinage de la Chine et du Japon. L'An-nam ou la Cochinchine pourrait être considéré, géographiquement, comme le lieu probable de son établissement; mais, d'après les savantes observations de M. Natalis Rondot, l'An-nam enverrait en présent à l'empereur de la Chine des ouvrages dignes de rivaliser, par leur finesse, avec les ouvrages courants de Nippon 3. M. Dubois de Jancigny va même plus loin; voici ce qu'il écrit : « Le Tong-King était célèbre, des les anciens temps,

1. Voy. tom. I, p. 207, la Porcelaine de Chine.
2. Vente de madame la duchesse de Montebello.

3. Voy. le mot laque du Dictionnaire de commerce.

4. Univers. Japon, Indo-Chine, etc., p. 585.

« par son beau vernis et par les ouvrages de laque auxquels il donnait « ses soins..... On est frappé de l'extrême élégance des plus précieux «< ouvrages en ce genre les uns avec des ornements d'or, les autres de «< nacre, ou réunissant les deux à la fois; car le Tonk-King produit des « nacres d'une très-belle transparence, qu'on tire d'une espèce particu« lière de Mya. Ce sont ou des boîtes pour renfermer du bétel, ou d'au« tres petits meubles semblables. Crawfurd les trouve d'un travail plus «< achevé que tout ce qu'on a rapporté de pareil du Japon (?), et Finlay<< son dit qu'ils sont plus durables. Tous les deux eurent occasion de voir plusieurs de ces produits de l'industrie de Tong-King chez des grands « de Hué, et on leur en donna même quelques-uns. »

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Faudrait-il placer notre atelier à Sumatra? Ici encore de graves objections peuvent surgir. M. Rondot reconnaît la grossièreté des produits de cette île, et signale ainsi ses laques : « Des dessins d'or couvrent un fond noir mal verni et à peine poli. » Rien de semblable dans le laque de Coromandel le fond noir manque plutôt d'épaisseur que de brillant; l'intérieur des pièces montre un vernis rouge parcimonieux, largement mis à la brosse, et laissant apercevoir les stries et les défauts du bois. Pourtant l'ensemble est beau, le dessin riche, et la peinture polychrome n'est dénuée ni d'harmonie, ni d'une certaine grandeur décorative; il y a là mieux qu'une industrie rudimentaire essayant péniblement ses forces. Sumatra nous paraît, d'ailleurs, trop éloigné de l'influence chinoise pour adopter ce genre de décoration; les produits certains des îles de la Sonde se ressentent habituellement des mœurs et de la religion hindoues. Nous voudrions donc voir disparaître le nom courant des laques de Coromandel, qu'on appellerait avec bien plus de raison laques champlevés, par comparaison au travail préparatoire de nos émaux limousins.

Nous arrêtons ici ce catalogue, pour rester dans le cadre tracé par les anciens auteurs, et afin de ne pas étendre une nomenclature aride. Avoir une base certaine, un langage admis, c'est assez pour entrer dans l'étude sérieuse d'une branche de l'art aussi importante que la vernissure orientale.

Nous aurions pu dire sur combien de matières diverses on applique le laque, depuis la toile tendue et le papier mâché jusqu'au cuivre. De grandes plaques métalliques admirablement vernissées servent à représenter, non-seulement des paysages, des oiseaux et des fleurs dans le style oriental, mais encore à copier fidèlement les œuvres de la chalcographie européenne.

Une série complète de personnages célèbres a été exécutée sur des médaillons ovales; quelques-uns de ces médaillons ornent les cabinets de Paris, d'autres se voient au Musée de La Haye.

Nous avons mentionné dans les laques noirs celui sur porcelaine, parce qu'on peut le considérer comme une espèce habituelle; mais, exceptionnellement, ce vernis peut se rencontrer sur d'autres matières. M. Salomon de Rothschild possède un bol de jade orné extérieurement de dragons à quatre griffes entourés de nuages; le tout exécuté en laque rehaussé d'or, produit l'effet le plus surprenant.

Toutes les grandes collections renferment des meubles, des tableaux ou des vases dont le fond laqué sert à détacher des reliefs de jade, d'ivoire, de nacre et même de pierres précieuses. Il nous a paru qu'il y aurait une sorte d'abus à créer un genre pour cet emploi particulier du vernis tsi. En effet, les mêmes reliefs se voient plus fréquemment appliqués sur bois', sur marbre, etc.; le fond noir n'est ici qu'un moyen employé par l'artiste pour faire mieux ressortir sa sculpture. Ce que le curieux admire dans ces ouvrages, c'est le travail du ciseau ou de la meule, et non celui du pinceau. Nous ne parlons donc de ce fond laqué que pour mémoire.

Aussi bien, nous avons hâte de sortir de cette froide énumération d'espèces, pour prendre les laques par leur côté véritablement intéressant, c'est-à-dire pour en décrire les sujets, les emblèmes et les armoiries. Nous montrerons ainsi à combien de titres sont précieux les monuments conservés dans les collections spéciales, monuments que le simple curieux considère trop souvent comme de charmantes futilités destinées à distraire les yeux par des formes bizarres et un travail patient.

ALBERT JACQUEMART.

1. On ne saurait rien citer de plus merveilleux en ce genre qu'un coffre de la collection de M. Thiers.

(La suile prochainement.)

LA FLÈCHE DE NOTRE-DAME DE PARIS

Il y a toujours lieu de s'émerveiller de la facilité avec laquelle on oublie, à Paris, les choses de la veille. C'est un grand bonheur, mais c'est aussi un grand embarras lorsqu'on a négligé de consigner d'une manière authentique ce qu'on voyait et ce qu'on disait hier.

Un Parisien me soutenait dernièrement que la tour Saint-Jacques était entourée d'une place depuis la révolution de 1792. Un autre, relatant un fait qui s'est passé en 1848, me disait : « Je suis certain de ce que je rappelle ici, et la preuve, c'est que le fait a eu lieu (il me semble que j'y suis) sur le boulevard de Sébastopol, au coin du boulevard Saint-Denis. » Tout le monde connaît ce mot de Fouché, ministre de la police sous l'Empire il racontait une conversation qu'il avait eue avec Robespierre, et comme quoi, dans une circonstance particulière, il avait cru devoir lui tenir tête « Duc d'Otrante!... me répondit Robespierre, vous jouez gros jeu !... >>

Depuis le jour où l'autorisation de rétablir la flèche sur la croisée de Notre-Dame de Paris fut accordée, où S. Exc. M. le ministre de l'instruction publique et des cultes approuva le projet (mars 1858), de tous côtés on m'adressa cette question : « Est-ce qu'il y avait une flèche sur la cathédrale? - Certes! Ne le saviez-vous point? » Je ne crus pas d'abord nécessaire de donner des preuves, parce que je pensais que bon nombre de Parisiens vivants avaient vu ce clocher debout. Cependant les questions devinrent plus pressantes; quelques-uns me faisaient l'honneur de croire que ce complément de l'église mère n'avait jamais existé que dans mon cerveau; cela devenait embarrassant, car ce que je pensais être une plaisanrie menaçait de se formuler en une accusation de surprise de la bonne foi publique, ou tout au moins d'excès d'imagination. Les choses arrivèrent à ce point que je dus bien décidément fournir des pièces authentiques. L'architecte respectable qui démolit la flèche de Notre-Dame, à son grand regret, parce qu'elle menaçait ruine et qu'on ne lui donnait pas les moyens de la conserver, M. Godde, se porte à merveille. On prétend, du moins, que ce fut lui qui présida à cette exécution.

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