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Prenons nos preuves de plus haut. J. Du Breul, dans son Théâtre des Antiquitez de Paris, édition de 1612, dit, page 11, livre Ier : « Dans le « petit clocher, sur la croisée de l'église (Notre-Dame), sont six petites «< cloches, non compris la cloche de bois..... La charpenterie qui sou<< tient la couverture de plomb de cette cathédrale-église, ne porte que « sur les quatre gros murs, non plus que celle du petit clocher, qui est « au-dessus du milieu de la croisée, basty sur un gros tronc de bois, << soutenu seulement par quatre grosses poultres, qui posent sur les « quatre principaux pilliers d'icelle croisée. » Dans le Recueil d'un grand nombre de Vues dessinées et gravées par Israel Sylvestre, recueillies par Laurent Cars en 1750, t. I, on trouve une première vue de la cité prise de l'hôtel de Nevers (la Monnaie), où la cathédrale apparaît avec sa flèche; une seconde vue, prise du quai des Tournelles, où la flèche de Notre-Dame est figurée avec ses deux étages de baies; une troisième vue prise, à peu près, de la halle aux vins, où la flèche figure; une quatrième vue prise du quai des Augustins, la flèche s'y trouve; une vue prise en face l'archevêché, encore la flèche; une vue prise à la hauteur du Jardin des Plantes, une vue prise de l'hôtel de Bretonvilliers, trois vues prises de la place de Grève, une vue générale de Paris 'prise de Chaillot, une vue prise de l'île Louviers, etc. : toujours la flèche. Dans le recueil de Mérian, dans le plan de Gomboust, dans le beau plan à vol d'oiseau de Mathieu Mérian, qui donne de si précieux renseignements, et dans le plan de Turgot si connu, la flèche de Notre-Dame est dessinée de la façon la plus claire, quoique à une très-petite échelle. On me dira peut-être que tous ces renseignements sont bien vieux, et que Notre-Dame, privée de sa flèche depuis longtemps, avait dû prendre l'habitude de s'en passer. Rapprochons-nous donc de notre temps. Sans compter le plan de Turgot cité déjà, et qui date du dernier siècle, voici Félibien. Dans son Histoire de la ville de Paris, il nous donne une vue de Notre-Dame avec la flèche. Voici Béguillet qui, dans sa Description historique de Paris (1789), nous montre la flèche debout sur la cathédrale; nous la retrouvons encore dans quelques mauvaises gravures (1792, 1797). A partir de ce moment, c'est-à-dire sur les estampes faites pendant l'Empire et la Restauration, il n'est plus question de la flèche. Mais la souche de cet ouvrage de charpenterie existait entière sous la toiture de la cathédrale, il y a deux ans ; seulement, cette souche était en fort mauvais état. Le poinçon de la flèche portait encore un chapiteau en bois sculpté du commencement du XIIIe siècle, chapiteau conservé dans les magasins du chantier. Du Breul nous dit aussi que cette flèche avait cent cinq pieds du faîtage de la couverture au coq. Il semble que l'on peut conclure de tout ceci : 1o qu'il y

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avait une flèche en charpente recouverte de plomb sur la croisée de la cathédrale; 2° que cette charpente datait du commencement du XIIIe siècle, comme toute l'œuvre supérieure.

En déposant la souche de l'ancienne flèche, pendant l'automne de 1858, on eut l'occasion de retrouver une disposition primitive fort belle et originale; c'est celle des quatre grandes contre-fiches décorées qui remplissaient les noues à l'intersection des combles de la croisée. Ces quatre contre-fiches donnaient beaucoup de solidité à la charpente, et servaient de transition entre les parties pleines de la base des combles et la base de la flèche elle-même. On observera qu'habituellement les flèches de charpente s'élevant sur la croisée des cathédrales, comme celle d'Amiens par exemple, paraissent grêles au-dessus de la jonction des combles; que leur assiette n'est point indiquée; qu'elles semblent un fuseau planté sur le transept. A Notre-Dame de Paris, ce défaut fut habilement évité. Depuis longtemps, toute la partie décorative des quatre grandes contrefiches avait été supprimée ou cachée en partie sous une chape de plomb assez disgracieuse d'aspect, chape que l'on voit indiquée dans les vues, gravées ou photographiées, faites avant la fin de 1858. C'est sous ce revêtement de plomb que plusieurs fragments de l'ancienne disposition ornée furent retrouvés.

La nouvelle flèche de Notre-Dame de Paris repose entièrement sur les quatre piliers du transept, au moyen d'un système de quatre fermes inclinées et de deux grandes fermes diagonales. Sa hauteur, sous comble, est de quatorze mètres, compris les jambes de force qui descendent jusqu'au niveau des reins de la grande voûte. Du sommet du faîtage au-dessous du coq, on compte quarante-quatre mètres cinquante centimètres. Elle est entièrement construite en bois de chêne de Champagne, dont quelques brins n'ont pas moins de quinze mètres de longueur. Toutes les parties de ces bois qui pouvaient être altérées par l'humidité avant l'exécution du revêtement de plomb, ont été peintes au minium. Cette couleur rouge a fait croire à bon nombre de personnes que la flèche de Notre-Dame était en fer, par suite de l'habitude que l'on a de voir peindre ainsi les ouvrages de grosse serrurerie. Mais (ceci soit dit pour mes confrères) le minium préserve aussi bien le bois de la pourriture que le fer de l'oxydation, et, dans les assemblages particulièrement, pour les tenons et les mortaises, le minium est un excellent moyen d'éviter l'échauffement du bois.

Les quatre grandes contre-fiches basses des noues, ainsi que l'indique notre gravure, sont décorées d'ajours, des quatre symboles des évangélistes et des douze apôtres, d'une hauteur de trois mètres. Ces figures sont

faites en cuivre repoussé, autant pour offrir une plus grande résistance que pour éviter un poids trop considérable. Au-dessus du faîtage, la flèche est plantée sur un plan octogonal posé, les angles sur les quatre faîtages et dans les quatre noues. Ce système avait été adopté pour l'ancienne flèche, et il présente comme solidité des avantages considérables, car les huit poteaux d'angles sont ainsi posés sur les deux fermes diagonales et les quatre fermes inclinées. Le soubassement est plein, percé seulement de huit ouvertures vitrées pour donner du jour à la base de la flèche. Au-dessus est placée la première enrayure octogonale qui porte la première plate-forme. Sur cette plate-forme est une ordonnance à jour, puis une seconde plate-forme, à laquelle on monte par un escalier intérieur, surmontée d'un second étage ajouré portant huit grands gâbles percés d'ouvertures. Les huit poteaux d'angles sont doubles, inclinés, et. se terminent par de longs pinacles décorés de crochets, de fleurons et d'aigles aux ailes fermées. C'est à la hauteur des gâbles, à la base des pinacles, que commence la grande pyramide dont le plan forme une étoile composée de deux carrés se pénétrant. Cette pyramide est décorée de grands crochets qui n'ont pas moins de cinquante centimètres de saillie, bien qu'à la hauteur où ils sont placés ils paraissent fort menus. La pyramide se termine par une couronne surmontée d'une colonnette portant la croix en fer et le coq. La croix, avec son armature, n'a pas moins de huit mètres de hauteur, et est maintenue au poinçon et aux huit arêtiers par quatre fourchettes doubles fortement frettées et boulonnées. Toute cette charpente est entièrement revêtue de plomb; les ornements sont de même en plomb, repoussés au marteau et attachés au moyen de tiges de fer revêtues de plomb. A chaque plate-forme, seize gargouilles rejettent les eaux au dehors.

Le poids de la charpente est d'environ 500,000 kilog., et le poids du plomb de 250,000; total, 750,000 kilog. Or, chaque pile du transept pourrait porter ce poids. En supposant que, par l'effort des grands vents, le poids de la flèche vînt à charger une des quatre piles plus que les trois autres, il n'y aurait donc nul écrasement à craindre; mais la charpente est combinée de telle façon que la flèche étant poussée d'un côté, la charge se reporte toujours sur deux des piliers. L'ouragan du 27 février dernier a fait subir à cette charpente une épreuve décisive pendant le plus fort de la tourmente, l'oscillation de la croix n'a pas été de plus de vingt centimètres.

La charpente a été exécutée par M. Bellu; la plomberie est sortie des ateliers de M. Durand, qui vient de mourir avant d'avoir achevé son travail; les modèles des figures sont dus à M. Geoffroy Dechaume, et ceux

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