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fiers désormais, tous les amateurs seront flattés de voir leurs tableaux figurer en si bon lieu.

L'Exposition restera ouverte jusqu'à la fin du mois d'avril.

Deux curieuses trouvailles viennent d'être faites à Bordeaux. L'une est celle d'un éventail découvert à la foire de Bordeaux, et qui passe pour avoir appartenu à la reine Marie-Antoinette. Il est en soie ou plutôt en taffetas de Florence; au milieu d'un semis de paillettes, de bouquets de roses, de myosotis, parfaitement peints, se trouvent trois médaillons exécutés à l'aquarelle. Celui du milieu représente sur un cartouche l'écusson écartelé de France et Dauphiné, surmonté de la couronne d'or des Dauphins de France. Une petite croix du Saint-Esprit se trouve sous l'écusson. Les deux médaillons de droite et de gauche sont répétés et représentent tous deux un dauphin nageant sur une mer d'azur, et relevant la tête pour recevoir une couronne de roses que lui tend une main sortant des nuages. La monture est en ivoire incrusté et émaillé, les deux bâtons ou flèches du milieu, portent, émaillé, l'écusson de Bourbon, d'azur aux trois fleurs de lis d'or; à droite et à gauche deux dauphins. De plus, il est aisé de reconnaître au dessin de l'ornementation de la monture un M et un A majuscules, entrelacés. Les flèches servant de fermoir sont à jour et représentent encore, dans leur incrustation, les dauphins caractéristiques, une colombe, et un autel surmonté de deux cœurs enflammés.

L'autre trouvaille a été faite à Bordeaux, chez un marchand de vieux meubles du quartier Saint-André. Il s'agit également d'un éventail, mais dont la date remonte au siècle de Louis XIV. C'est une gouache très-habilement exécutée, et qui représente Mademoiselle de La Vallière recueillant, au milieu d'un fastueux jardin, les hommages de la Renommée, de la Victoire, de la Poésie, de la Peinture, de la Musique et de tous. les beaux-arts personnifiés par de gracieuses figures de femmes. La Peinture fait le portrait de la duchesse; la Sculpture taille son buste dans un marbre; l'Architecture lui soumet les plans d'un édifice, et ainsi, selon son caractère, de chacune des figures allégoriques. Pallas dépose son bouclier et sa lance, et brode au pied du trône sur lequel est majestueusement assise Mademoiselle de La Vallière; l'Amour cherche à lire, dans des signes cabalistiques, la destinée de la séduisante duchesse. L'ensemble de la composition est du plus charmant effet; le dessin est partout très-correct, et les couleurs ont conservé toute la vivacité de leur premier éclat. Cette gouache a été enlevée, il y a fort longtemps, à sa monture d'ivoire ou d'ébène, mise sous verre, et transformée en un petit tableau, dont le cadre en bois sculpté et doré est d'un très-remarquable travail.

Les soins que l'on a multipliés pour la conservation de cet éventail disent tout le prix qu'y attachaient ses anciens possesseurs. Il mériterait, ainsi que le précédent, de figurer parmi les reliques nationales conservées au musée des souverains.

M. Barye, l'éminent sculpteur, commencera un cours de dessin appliqué à l'étude des animaux, le lundi, 2 avril 1860, à onze heures, à la bibliothèque du Muséum d'histoire naturelle, et le continuera les lundi, mercredi et vendredi de chaque semaine, à la même heure. Les élèves pourront modeler.

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LES MARBRES D'ÉLEUSIS

I

Le 23 octobre dernier, nous revenions, mon père et moi, d'une excursion en Béotie. Nous avions passé la nuit dans le Khani de Kaza, au pied du Cithéron, à côté des ruines de la forteresse d'Éleuthères, si longtemps disputée entre les Athéniens et les Béotiens. Après six heures d'une route ennuyeuse, quoique faite, chose rare en Grèce, sur un chemin construit à grands frais par le gouvernement hellénique, à l'instar de nos plus belles routes de France, nous arrivâmes vers midi dans le village d'Éleusis, où nous attendaient quelques amis. Il nous suffit de peu de temps

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pour visiter les traces encore subsistantes du grand temple de Cérès, où se réunissaient autrefois, chaque année, des milliers d'initiés. On voit aujourd'hui fort peu de chose de ce temple et de ses dépendances, car malheureusement le village moderne a été bâti sur son emplacement, et on n'en retrouve les débris qu'au milieu d'un inextricable chaos de masures. Après cette visite, nous descendîmes de la plate-forme dominant tous les environs, où s'élevait jadis l'Anactoron des Grandes Déesses, et nous nous dirigeâmes vers la petite chapelle de Saint-Zacharie, située au bord de la route royale d'Athènes à Thèbes. C'est là que la municipalité d'Eleusis fait déposer tous les débris antiques de quelque importance,

que l'on découvre sur le sol de la commune. On y remarque plusieurs inscriptions intéressantes, des débris d'architecture, entre autres un des plus curieux chapiteaux corinthiens de la belle époque grecque qui aient été retrouvés dans le pays des antiques Hellènes, divers fragments de sculpture, enfin deux gigantesques torchères de marbre, provenant du temple de Déméter.

Peu de temps avant notre passage, ce dépôt venait de s'enrichir d'un trésor inappréciable. En creusant, à côté de la chapelle de Saint-Zacharie, les fondations du bâtiment destiné à une école communale, les ouvriers avaient découvert un bas-relief de dimensions colossales, brisé en quatre fragments, qui avaient été immédiatement déposés dans la chapelle. Quelques personnes, à Athènes, nous avaient parlé de ce bas-relief, et leurs récits avaient vivement piqué notre curiosité.

Le démarque ou maire d'Éleusis était absent; nous l'avions rencontré sur la route, se rendant au village voisin de Mandra, et il nous avait dit que, les clefs de la chapelle de Saint-Zacharie étant déposées à la mairie, nous pourrions y voir tout ce que nous y voudrions, aussi bien en son absence que s'il avait été présent. Nous envoyâmes donc un homme à la mairie pour demander ces clefs. Au bout de quelque temps, nous le vîmes revenir, accompagné du parèdre ou adjoint, qui nous déclara n'avoir pas lesdites clefs, et nous dit que, d'ailleurs, s'il les avait, il ne nous ouvrirait pas sans la présence et l'autorisation formelle du démarque, car il ne savait si par hasard nous n'étions pas de ces voyageurs anglais qui enlèvent et mutilent les antiquités partout où on les laisse entrer.

Par bonheur, j'avais dans ma poche un ordre ministériel signé Rhigas Palamidis (c'était à ce moment le ministre de l'intérieur), qui contenait le nom de mon père, et mettait à notre entière disposition, pour tout ce que nous aurions à en réclamer, les autorités civiles et militaires. Je tirai ce papier de ma poche et le présentai au parèdre, stupéfait. Dès lors les rôles changèrent : c'était à nous d'ordonner, et à lui d'obéir. Sur un signe de mon père, notre agoyate donna dans la porte de la chapelle un vigoureux coup de pied, qui l'ouvrit aussitôt en faisant sauter la serrure. C'est ainsi que nous entrâmes pour la première fois, moitié de gré, moitié de force, dans le Musée d'Éleusis.

Les quatre fragments du bas-relief étaient encore dispersés, debout le long des murailles; on n'avait pas cherché à les assembler. Néanmoins, du premier coup d'œil il nous fut facile de voir que nous nous trouvions en présence d'un des plus admirables restes de la sculpture grecque, que la pioche des ouvriers ait mis à découvert de nos jours.

Nous étions, sinon les auteurs de la découverte, du moins les pre

miers étrangers, et peut-être les premiers archéologues qui eussent eu l'occasion de voir ce bas-relief et d'en constater l'importance. Frappé de sa beauté hors ligne, mon père n'eût pas de cesse, lorsque nous fûmes rentrés à Athènes, qu'il n'eut obtenu du gouvernement hellénique l'autorisation de le faire mouler à ses frais pour notre École française des

Beaux-Arts.

Cette autorisation fut accordée aussitôt que demandée, et peu de jours après notre première visite, nous retournions à Éleusis, où un mouleur athénien était déjà à l'œuvre. Nous trouvâmes le travail en bonne voie d'exécution, et mon père profita de la présence de notre ouvrier pour faire mouler encore, avec l'autorisation du démarque, une tête colossale de Neptune, dont les fouilles de l'école avaient amené aussi la découverte et que l'on avait malheureusement, avant que le gouvernement n'en fût prévenu, encastrée au-dessus de la porte du bâtiment que l'on construisait.

Un peu plus tard, je revis encore Eleusis; mais c'était dans de bien autres circonstances. Je revenais d'Épidaure, ramenant mon père frappé à mort par la terrible fièvre des marais. Il y avait six jours que la maladie l'avait atteint, et déjà ses ravages, aggravés par les difficultés d'une route pénible, au milieu du plus déplorable concours de circonstances, contre lesquelles la puissance de l'homme ne pouvait rien, étaient devenus irréparables. Le matin encore, cependant, mon père, tellement affaibli qu'il fallait deux hommes pour le soutenir, s'était traîné péniblement pour voir les antiquités de Mégare, en me disant : « Il faut bien que je fasse mon «< métier d'archéologue; voilà déjà cinq jours que j'ai perdus. » Nous nous étions arrêtés quelques instants à Éleusis pour y laisser reposer les chevaux de la voiture qui nous amenait de Mégare à Athènes. C'était le soir. Pendant cette halte, nous étions entrés dans un misérable café, où mon père s'était assis dans un coin, frissonnant sous les atteintes de la fièvre. Le démarque d'Éleusis se trouvait dans le même café. Mon père le reconnut; s'appuyant sur moi, il s'approcha de lui et lui adressa ses remerciments pour la complaisance qu'il avait mise dans l'affaire du moulage, avec des vœux pour la prospérité de la commune d'Éleusis.

C'était le jeudi 17 novembre. Le mardi 22, mon père expirait à Athènes.

Les deux moulages exécutés à Éleusis ne furent ramenés à Athènes qu'après la mort de mon père. Je partais pour la France, ramenant avec moi la dépouille de celui qui, six semaines auparavant, était arrivé si plein de vie pour m'introduire lui-même sur cette terre classique, la seconde patrie de son cœur et de son esprit. Un habile antiquaire

d'Athènes, M. Paul Lambros, voulut bien se charger de surveiller, en mon absence, l'emballage et l'expédition des bons creux obtenus par notre mouleur.

Mon père, comme je l'ai déjà dit, destinait ces creux à l'École des Beaux-Arts, afin que le bas-relief d'Éleusis pût servir désormais à l'enseignement de nos jeunes artistes. Considérant comme un devoir d'accomplir cette dernière volonté de celui qui venait de m'être enlevé, je me suis empressé de faire, au nom de mon père, à ce grand établissement, dont notre pays a le droit d'être si fier, le don qu'il lui eût fait lui-même s'il eût été encore vivant. Aussi, c'est à l'École des Beaux-Arts qu'est exposée en ce moment une épreuve du bas-relief d'Éleusis, et que les artistes et les amateurs vont tous admirer cette dernière conquête d'un homme qui, j'ose le dire avec fierté, a tant fait pour la science et pour l'art.

II

Le sujet du bas-relief est tiré des mythes éleusiniens.

On y voit une déesse debout, vêtue d'une longue robe dont les plis réguliers tombent jusqu'à terre, tenant un sceptre qui la caractérise comme reine. Elle tient entre les doigts de sa main droite un objet de très-petite dimension. Devant elle est un éphèbe nu qui étend une main pour recevoir cet objet, et de l'autre retient son manteau, qui glisse de ses épaules. Son visage exprime l'attention, mêlée à un sentiment profond de respect et de terreur religieuse. Il écoute en tremblant les instructions que lui donne la déesse. Derrière ce jeune homine se tient une seconde divinité, la partie inférieure du corps enveloppée dans son manteau, la poitrine couverte seulement d'une tunique d'étoffe transparente, finement plissée, qui laisse apercevoir toutes les formes. Elle pose sa main droite sur la tête de l'éphèbe, en signe de protection, et sa main gauche s'étend nonchalamment sur un long flambeau appuyé contre son épaule.

Les noms à donner aux différents personnages qui figurent dans cette scène, et son explication générale, ne sauraient faire l'objet d'un doute. C'est Cérès, la grande déesse d'Éleusis, qui remet au jeune Triptolème, fils de son hôte Céléus, le grain de blé qu'il doit confier pour la première fois à la terre dans les Champs Rhariens. Derrière Triptolème est Proserpine; son visage exprime une tristesse douce et résignée, car l'opération

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